Images
Les esprits ont besoin de liberté, mais non d'égalité.
Jean Paul
Il paraît que l'éloignement embellit.
Il n'est point de père qui soit plus ravi d'admiration à la vue du génie de son fils que celui qui lit ses propres ouvrages.
Il est des situations où l'homme, oppressé de sa propre grandeur, ne peut ni en parler, ni être fin, ni y faire des allusions.
Les femmes de génie sont pour la plupart esprits-forts ; les hommes de génie, au contraire, ont généralement de la foi.
La femme amoureuse est audacieuse sans le savoir.
L'effet de l'optique fait quelquefois voir au navigateur la terre plus proche de quelques centaines de milles qu'elle ne l'est en effet, et remplit son coeur de joie et d'espérance par cette innocente déception.
La seule chose que l'on peut obtenir à temps des artisans, c'est un cercueil.
Sans bibliothèques la vie serait trop fade et trop insipide. La société la plus spirituelle n'est pas celle que les tailleurs, mais celle que les relieurs habillent.
L'art est un arrosoir, mais la nature a les nuages.
Tu trouveras en fait peu de jugements dans la misérable Histoire, tout au plus un ou deux qui dépasseront le tien, car ce n'est qu'un vulgaire imbroglio de passions assorties de leurs moyens.
Respectez l'individualité dans l'homme ; elle est la racine de tout ce qu'il y a de bien.
Il en est de la manie d'écrire comme de l'amour, on peut résister pendant dix ans aux tentations qu'on éprouve ; mais dès qu'une étincelle a pu s'échapper, on brûle jusqu'à la fin.
Sous l'empire d'une idée puissante, qu'elle soit passionnée ou purement scientifique, nous nous trouvons, comme le plongeur sous sa cloche, à l'abri des flots de l'immense Océan qui nous environne.
Heureux celui dont le coeur ne demande qu'un coeur, et qui ne désire de plus ni parc à l'anglaise, ni opera seria, ni musique de Mozart, ni tableaux de Raphaël, ni éclipse de lune, ni même un clair de lune, ni scènes de romans, ni leur accomplissement !
Les derniers et les meilleurs fruits qui ne mûrissent que tard dans une âme ardente et passionnée, c'est la douceur envers la dureté, la tolérance envers l'intolérance, la charité envers l'égoïsme, et l'amour des hommes à l'égard du misanthrope.
Les païens arrivent au ciel en passagers clandestins, à l'insu des théologiens postés aux frontières.
Les poètes font un tort inexprimable à leurs ouvrages lorsqu'ils ne sentent pas fortement.
Les hommes éprouvent plus de honte à s'entretenir de leurs maîtresses que de leurs femmes ; car, dans l'état de mariage, deux amis peuvent trouver à sympathiser, ne serait-ce qu'en se confiant mutuellement leurs doléances.
Personne n'est plus souvent trompé que la conscience, sans en excepter les femmes, ni les princes.
L'amour, comme les hommes, meurt plus souvent de l'excès que du manque d'aliment. Il se nourrit de lui-même, mais il ressemble à ces plantes des Alpes qui vivent en absorbant l'humidité des nuages, et qui meurent lorsqu'on les arrose.
La joie des âmes tendres est pudique, elles montrent plutôt encore leurs blessures que leurs transports, parce qu'elles ne croient mériter ni les unes ni les autres ; ou bien si elles les montrent, ce n'est qu'à travers une larme qui les voile.
Celui qui trouve en soi la paix et la plénitude des idées ne veut plus chercher d'autres jouissances qu'en lui-même ; tout mouvement, fût-il même physique, suffit pour ébranler sa coupe pleine de nectar.
Lorsqu'un homme dit, surtout à une femme : vous êtes maussade ou bien vous êtes en colère, ce reproche fût-il même injuste, deviendra certainement mérité ; rien, en effet, de plus facile que de devenir ce qu'on nous juge.
La guerre est la mue de l'humanité ; elle y perd ses vieilles plumes, soit qu'elles tombent, soit qu'on les arrache.
Le souvenir se rattache au présent, comme l'odorat au goût.
Quelques hommes sont aussi libres que Diogène, non quand il est dans son tonneau, mais lorsqu'il le porte.
Tout est le mot le plus élevé et le plus hardi de notre langue ; c'est aussi la pensée la plus rare, car la plupart des hommes ne voient dans l'univers que la rue où ils vivent, et dans l'histoire de l'éternité que celle de leur petite ville.
Notre siècle a plus repoussé les erreurs que les sources morales de nos erreurs. La cataracte qui voile nos yeux serait mal opérée, si l'on se bornait à la diviser sans l'extraire ; car le plus léger mouvement pourrait la replacer devant notre vue.
Un peuple en châtie un autre, mais bientôt, coupable à son tour, il est châtié par un troisième, et ainsi de suite. Les Romains châtièrent les Grecs, les Allemands les Romains, le temps châtie les Allemands, et l'éternité le temps.
Il est plus facile aux bons de se considérer comme méchants, qu'aux méchants de se regarder comme bons.
Je n'ai jamais vu de critiques plus vides el moins vraies, plus partiales et moins utiles, que celles des livres que j'avais lus auparavant ; mais, en revanche, quel mérite n'ai-je pas trouvé dans la critique des ouvrages que je ne connaissais pas encore !
La richesse est plus contraire aux talents que la pauvreté : combien de grands génies enterrés sous des millions ou sous des trônes !
L'homme doit tendre à de nobles buts ou se proposer de grands modèles, autrement il perdra sa vertu ; de même que l'aiguille aimantée longtemps détournée des pôles du monde.
Il ne faut jamais chercher à s'excuser ; ce n'est point la raison des autres, mais leur passion, qui est irritée contre nous ; et, vis-à-vis de celle-ci, le temps est la meilleure justification.
Il y a des gens qui n'ont jamais l'air aussi dur, ni plus de disposition à l'être, qu'au moment de leur plus grand attendrissement, tels que la neige qui se durcit encore un peu avant le dégel.
Les vagues qu'amoncelle la douleur s'élèvent entre nous et le monde, et isolent notre navire au milieu d'un port rempli de vaisseaux.
La verve poétique n'est pas toujours au commandement de l'écrivain, et le génie tombe presque aussi souvent en défaillance que les femmes.
Il y a peu de mauvaises phrases dont un grand auteur ne saurait faire une bonne en la déplaçant.
Les Turcs portent le deuil en bleu ; l'azur du ciel de la Turquie et de la Grèce actuelle est donc aussi un voile de deuil.
On n'a pas besoin de beaucoup moins que de tout pour être heureux et de beaucoup plus que de rien pour être malheureux.
L'amour n'est pas seulement passager, la haine l'est encore ; ces deux sentiments meurent lorsqu'ils ne croissent plus.
Je voudrais bien savoir si, être heureux par les passions, est autre chose que se chauffer à un miroir ardent.
Le ravissement du bonheur nous cause une impression semblable à celle de la douleur : l'homme pâlit alors et tombe dans une sorte de léthargie ; mais son ame est remplie des songes d'un meilleur avenir.
Notre siècle a la vertu du diable, celle qui fait le tourment de ceux qui en ont aussi peu que lui.
Dieu est la lumière qui sans être vue rend tout visible et se cache sous les couleurs ; l'oeil n'en reçoit que les rayons, mais le coeur en sent la chaleur.
L'amour, l'ivresse, et quelquefois aussi les moments d'enthousiasme que l'aspect d'une belle nature nous inspire, nous font trop aimer ce qui nous plaît et trop haïr ce qui nous déplait.
L'amour meurt d'indigestion.
Le poète ressemble aux cordes de la lyre ; il devient invisible comme elles, lorsqu'il s'ébranle, et rend des sons mélodieux.
La jeunesse aime la lumière, moins pour en être éclairée que pour y briller. Les yeux de l'enfant sont plutôt un ornement qu'un organe ; c'est ainsi que le papillon en porte sur ses ailes et le paon sur sa queue.