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La véritable esthétique ne sera donc écrite que par un homme capable d'être à la fois poète et philosophe.
Jean Paul
L'homme gravit avec peine les hauteurs de l'amour idéal ; mais, comme sur les autres montagnes, ce qui lui est encore plus difficile, c'est d'en redescendre.
Les formalités allemandes ressemblent aux habits longs qui soutiennent d'abord pendant quelque temps au-dessus de l'eau celui qui y tombe, mais qui l'entrainent ensuite au fond par leur pesanteur.
Une grande activité appliquée à des objets sérieux, finit toujours par nous réconcilier avec la vie.
Les hommes et les livres ont besoin d'être corrigés plus d'une fois, pour pouvoir se passer d'errata.
Les vices des femmes sont plus méprisables que ceux de l'homme : les uns ont plus souvent pour cause la faiblesse ; les autres, la force.
Les têtes grises se cachent volontiers avant de disparaître, et cherchent, comme les oiseaux, à mourir dans l'obscurité.
La vie de l'homme est-elle donc si longue, qu'il puisse se livrer à ses ressentiments ? Le nombre des bons est-il donc si grand qu'ils puissent se fuir les uns les autres ?
L'homme préfère son plaisir à son bonheur, celui dont la société lui est agréable à son bienfaiteur, des perroquets, des chiens et des singes à d'utiles bêtes de somme.
Les paroles froides échappées à l'amour et à l'amitié, ressemblent à la neige printanière qui se fond bientôt et se convertit en une brillante rosée. Les expressions de la haine sont comme la neige d'automne qui présage les glaces de l'hiver.
Le poète est, comme le père des Muses, éternellement jeune, et, ce que les autres hommes ne sont qu'une fois, amoureux tout le jour et pendant toute sa vie.
Un amant seul peut sympathiser avec l'ivresse de deux nouveaux époux.
Un homme seul peut voir avec une indifférence complète l'amour dont il est l'objet, une femme ne peut jamais y rester insensible. Des sentiments longtemps méconnus ne sont que bien rarement ou presque jamais payés de retour.
Leibnitz attribue à la guerre de Trente ans l'introduction dans la langue allemande, de cette multitude d'expressions étrangères qui la rendent semblable à un régiment prussien, composé pour la plus grande partie des déserteurs de toutes les nations.
Les vêtements sont les armes de la beauté : elle les dépose ensuite après le combat, comme le soldat devant son vainqueur.
Je veux m'élever au-dessus de l'Océan des êtres comme un nageur intrépide qui lutte contre les vagues, et non comme un cadavre par la pourriture.
Les grands hommes sont semblables aux montagnes dont le sommet est presque toujours environné de vapeur ; mais la vapeur vient de la vallée et non de la montagne.
Le fruit de l'ananas mûrit toujours entre deux chardons : le présent, au contraire, mûrit toujours entre deux ananas, le souvenir et l'espérance.
Pour remplir le but de l'éducation, il faut savoir s'élever au-dessus de l'esprit du temps : Ce n'est point pour le présent que l'on doit former l'enfance, car il exerce sur elle une influence puissante et continue, mais seulement pour l'avenir.
Les songes sont comme les belles-de-nuit, qui ne s'épanouissent que dans les ténèbres et se referment avec l'aurore : un parfum suave et mystérieux est le seul indice qui nous reste de leur apparition fugitive.
De même que les joailliers estiment les pierreries, nous pouvons apprécier nos poètes d'après leur pureté ; nous en avons de la première, de la seconde et de la troisième eau, et, dans le Jardin poétique de Rossdorf, il s'en trouve même de la dixième.
Lorsque le vieux Moïse voulut donner des lois sur le mont Sinaï, il commença par jeuner. Nos législateurs modernes, au contraire, ont coutume de ne travailler à leurs codes qu'après avoir fait un bon repas.
De la santé, du sommeil et de la richesse, on ne jouit pleinement qu'après les avoir perdus et retrouvés.
Les jeunes gens tombent à genoux devant leur maîtresse, comme l'infanterie devant la cavalerie, pour la vaincre ou pour donner la mort.
Le souvenir est le seul paradis dont nous ne puissions être expulsés.
Les péchés contre le Saint-Esprit, que personne ne pardonne, sont ceux contre son propre esprit, c'est-à-dire contre sa vanité ; et le flatteur plaît, sinon par sa conviction, du moins par son abaissement.
Chaque livre a son point faible, comme chaque homme a un derrière.
Tous les hommes portent des morts ou des mortels dans leurs coeurs.
Les femmes aiment la force sans l'imiter ; les hommes, la tendresse sans la payer de retour.
Un ami est à la fois le soleil et le tournesol, il attire et il suit.
Le rang oppresse moins une grande âme, et la resserre souvent dans des limites moins étroites que le sexe.
L'homme a deux minutes et demie à passer en ce monde, l'une pour rire, l'autre pour pleurer, et une demi-minute pour aimer ; car au milieu la mort l'atteint.
Une idée amère et déchirante est ordinairement suivie d'autres idées qui, comme des émollients, viennent l'adoucir jusqu'à ce qu'elles lui aient fait perdre son âcreté. Il en est de même des douleurs physiques.
La vie d'un courtisan est, comme celle du chrétien, une prière constante pour obtenir quelque chose.
Si nos philosophes arrachent les pavés du temple de la vérité, c'est moins pour se préserver des bombes qu'on y lance, que pour se les jeter à la tête et casser les vitres.
Les femmes ressemblent aux maisons espagnoles, qui ont beaucoup de portes et peu de fenêtres ; il est plus facile de pénétrer dans leur coeur que d'y lire.
Sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, l'influence des femmes alla si loin qu'elles allumèrent des guerres, semblables à ces serins apprivoisés et dressés à faire partir de petits canons.
La poésie éclaire comme un feu d'artifice, elle ne veut pas chasser la nuit, mais, au contraire, en tirer parti.
L'école la plus nécessaire pour les enfants est celle de la patience ; la volonté doit être brisée dans la jeunesse, ou elle brisera le coeur dans l'âge mûr.
On éprouve les pierres précieuses par les miroirs ardents, les peuples par les conquérantes.
La froideur ajoute à la force de l'amour ; de même qu'une température froide donne du ton aux constitutions robustes, tandis qu'elle est contraire aux tempéraments faibles.
L'âme d'une jeune fille ressemble à une rose épanouie ; arrachez une seule feuille de son calice, toutes les autres tombent aussitôt.
Plus nous aimons Dieu et les hommes, et moins nous nous aimons nous-mêmes : une planète se tourne sur son axe d'autant plus lentement que sa révolution autour du soleil est plus rapide.
Les dieux de la vengeance exercent en silence.
Le ciel et la terre ont tant d'étendue, pourquoi donc l'esprit de l'homme serait-il si borné ?
Beaucoup d'hommes ressemblent au verre, si uni, si poli et si doux au toucher tant qu'on ne le froisse ni ne le brise, mais qui devient alors singulièrement tranchant, et dont tous les éclats blessent.
L'enfant joyeux court sur un bâton, le vieillard morose se traîne sur une béquille : quelle différence entre ces deux enfants ? l'espérance et le souvenir.
La poésie nous métamorphose comme au jour du jugement, en nous glorifiant sans nous changer.
La liberté est comme toutes les choses divines ; on ne l'apprend ni ne l'acquiert, c'est un don inné.
Si chaque soir je décrivais le lever du soleil et que je le visse chaque matin, je m'écrierais comme les enfants : Encore, encore !