Images
Il disait souvent que de toutes les nations qu'il connaissait, la France était le pays qui avait le plus de difficulté à s'appliquer à lui-même les vertus républicaines et morales qu'il exigeait des autres. Surtout l'égalité et la fraternité.
Jean-Paul Dubois
Les femmes, elles sont pas comme nous. Elles ont un cerveau différent. Il se passe de drôles de choses dans leur tête, des choses que tu ne peux imaginer ni comprendre. Des fois on dirait qu'elles ont la possibilité de lire dans le futur, de voir ce qui va arriver.
De ces premiers temps d'apprentissage j'ai retenu une leçon tout simple : les immeubles d'habitation ressemblent souvent aux gens qui les habitent et qui aiment qu'on leur ressemble.
Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière.
Je n'invente pas grand-chose dans mes romans, tout est déjà là. C'est une grande banalité de dire cela : la vie est romanesque.
La médecine a perdu son âme depuis que pour prendre la fièvre on n'utilise plus de thermomètre anal.
J'ai enterré trop de chiens pour feindre d'ignorer ce qui m'attend. Tout n'est plus désormais qu'une question de temps, de patience. Autrefois, je me vantais d'aimer la compagnie des mouches. Désormais, je trouve leur empressement déplacé quand je les vois, fébriles, téter mon épiderme.
Les moteurs humains démarrent parfois au moment où on ne les attend pas et il serait vain de se montrer trop regardant sur la nature du carburant qui alors les anime.
On a institué le travail comme valeur essentielle, mais on ne parle jamais du temps. On ne dit pas aux enfants "vous avez tant de temps à vivre". C'est ça qui m'émeut, en plus, bien sûr, de toutes les choses effrayantes de la vie…
Quand il examinait longuement cette image, il lui arrivait d'entendre la voix de sa femme résonner dans sa mémoire. La voix était la première chose que l'on oubliait après le départ de quelqu'un.
La flatterie est comme l'ombre : elle ne vous rend ni plus grand ni plus petit.
Il n'y a rien de ridicule à pleurer la mort de son chien. Nous avions partagé nos vies et Watson était bien plus proche de moi que mes parents ne l'avaient jamais été. Nous avions un langage commun, nous nous comprenions et, un an après sa disparition, je guettais encore le bruit de ses pattes quand il dévalait l'escalier.
La foi, c'est fragile, ça repose sur trois fois rien comme un tour de magie. Et qu'est-ce qu'il faut pour être un bon prestidigitateur ? Un lapin et un chapeau.
Le bonheur, c'est d'être auprès de quelqu'un à qui l'on tient, dans un endroit où l'on est bien, dont on n'a pas envie de partir.
C'était, paraît-il, dans les petites anfractuosités de la vie que se cachait le diable.
Faire un livre est une chose simple. Il suffit de ne pas vivre.
Je pris alors conscience de notre incroyable capacité à composer avec l'inacceptable.
Cet usage du monde change tellement vite que le temps d'une vie ne devient qu'un temps d'adaptation : j'ai le regard d'un imbécile qui a vu passer tout type de trains, et qui ne peut pas monter dedans car ça va trop vite. Pour m'adapter, je dois faire des efforts considérables, même de langue, qui change tellement vite – du verlan au franglais en passant par le merchandising.
Je pris une longue douche, rentrais dans ma chambre et regardais le lit. Il était grand, sans doute un King size, pourtant il y a longtemps que je n'avais plus de reine.
Les livres ne sont qu'un tout petit miroir du monde où se mirent les hommes et l'état de leur âme mais qui jamais n'englobe la stature des arbres, l'infini des marais, l'immensité des mers.
La vie, c'est comme les canassons, fils : si elle t'éjecte, tu fermes ta gueule et tu lui remontes dessus tout de suite.
La vie n'est rien d'autre que ce filament illusoire qui nous relie aux autres et nous donne à croire que le temps d'une existence que nous pensons essentielle, nous sommes simplement quelque chose plutôt que rien.
Les faillites aiment les week-ends. Et la vie est pleine de dimanches.
Dans un couple, il ne suffit pas de parler, encore faut-il s'entendre.
Durant cette maladie, j'ai souvent perdu pied, j'ai plié mais je n'ai jamais prié.
La journée glissa lentement vers le soir, dans une atonie qui s'accordait avec ma lassitude.
Que ce fût en famille ou dans l'exercice de son métier, j'ai toujours eu le sentiment qu'il y avait chez mon père cette appétence à palper l'âme humaine et à la tripoter comme on joue avec de la pâte à modeler.
J'écoutais le silence de la maison, je me disais que ce sera comme cela tous les matins, tous les soirs, toutes les nuits si Anna mourait et si les enfants se faisaient écraser un à un en sortant du collège.
"Moins on en fait, moins on est con", me dis-je souvent.
J'ai commencé par écrire vite pour faire la course avec Boris Vian.
Les naissances, comme les morts d'ailleurs, ont l'étrange pouvoir de lubrifier les coeurs et d'effacer les ardoises surchargées du passé.
La détention allonge les jours, distend les nuits, étire les heures, donne au temps un consistance pâteuse, vaguement écoeurante. Chacun éprouve le sentiment de se mouvoir dans une boue épaisse où il faut s'extraire à chaque pas, bataillant pied à pied pour ne pas s'enliser dans le dégoût de soi-même. La prison nous ensevelit vivants.
L'obtention de mon baccalauréat à l'âge de dix-huit ans ne se fit pas sans mal. Je ne dus mon salut qu'à une séance de repêchage où l'on dénombra un grand nombre de noyés.
Je me sens chanceux : je me lève quand je n'ai plus sommeil, je revendique le droit à la paresse.
J'aime la géographie des voyages, celle que l'on traverse à pied, à hauteur d'homme, instruit par les déclivités, la fatigue des jambes et le caprice des cieux. Beaucoup moins celle des livres enluminés de graphes et de data.
Chaque enfance fabrique ses légendes.
Il y a une infinité de façons de gâcher sa vie.
En ces années quatre-vingt, il fallait être mort pour ne pas avoir d'ambition. L'argent avait l'odeur agressive et prémerdeuse des déodorants pour toilettes.
Le gaucher se doit d'être digne. Il est ennobli par sa différence. C'est une sorte de particule, une aristocratie intérieure, secrète et permantente.
J'étais trop malade de moi-même pour espérer soigner les autres.
Je réclame le droit à la paresse, au bonheur et à la dépression.
Les gens qui travaillent s'ennuient quand ils ne travaillent pas. Les gens qui ne travaillent pas ne s'ennuient jamais.
J'avais 44 ans, la vie sociale d'un guéridon, une vie amoureuse frappée du syndrome de Guillain-Barré et je pratiquais avec application et rigueur un métier estimable mais pour lequel je n'étais pas fait.
Il n'y a ni événement absolu ni être providentiel. On est tous dans une sorte de vase à se débattre.
Le courage dont on fait preuve pour écrire est celui-là même qui nous fait défaut dans l'existence.