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L'homme, ce singe dénaturé.
Jean Rostand
Je demande à un livre de créer en moi le besoin de ce qu'il m'apporte.
Mystérieuse splendeur des choses vitales. Beauté inimitable, inintelligible, impossédable. Aimer, c'est ne pas pouvoir posséder.
On est assuré de réussir lorsqu'on a trop d'impudeur pour le talent qu'on a.
La morphine a été inventée pour que les médecins dorment tranquilles.
La mort, seule chose plus grande que le mot qui la nomme.
La modestie n'est souvent que dépit contre soi. On se diminue par fureur d'être déjà trop peu.
L'homme, tout compte fait, n'a rien à dire de l'homme. Etant seul à se juger, il peut se grandir ou se réduire à sa guise : tel un fou qui, sans risque de contradiction, pourrait choisir entre le délire des grandeurs et celui de l'indignité.
Un bon mariage est une parabiose réussie.
Tant qu'on n'a pas résolu le problème du cancer, il n'y a pas assez de biologistes par le monde.
Passé l'enfance, on devrait savoir, une fois pour toute, que rien n'est sérieux.
On ment dès qu'on élève la voix.
Le vrai plaisir du savant, c'est de humer, de loin en loin, l'arôme non pareil de la vérité à l'état naissant.
Que ne faut-il rejeter de soi pour rester soi !
Avoir l'esprit ouvert n'est pas l'avoir béant à toutes les sottises.
Cette certitude d'avoir raison qui est, à mes yeux, le signe infaillible de l'erreur.
A peine fait-on au pauvre le moindre présent, on s'approprie tout ce qu'il possède.
À certaines toxines trop largement distribuées dans le public, il est nécessaire d'opposer les anticorps de la raison.
A certains chercheurs trop confiants en leur doctrine, on serait tenté de dire : possible, après tout, que vous teniez la vérité, mais de grâce, oubliez-le un peu tandis que vous cherchez le vrai...
Qui ne s'élève contre toutes les guerres ne s'élèvera jamais contre aucune.
On hésite à être soi parce que demain il faudra mentir.
Chaque fois que nous entendrons dire : de deux choses l'une, empressons-nous de penser que, de deux choses, c'est vraisemblablement une troisième.
Pour qui se connaît bien, avoir une opinion, ce pourrait être un motif d'en douter.
Je voudrais le marbre de la certitude pour y installer mes doutes.
Une bonne journée est celle où le passé s'est tenu à peu près tranquille.
Les jeunes poulets féminisés par action hormonale redeviennent mâles au bout de quelques mois.
Un ménage est bien accordé où les deux époux ressentent en même temps le même besoin de la querelle.
Tant de liberté, en art, pour n'en faire que si peu de chose !
L'usage des transistors ne les a pas rendus plus sots, mais la sottise s'est faite plus sonore.
La nausée métaphysique nous fait hoqueter des pourquoi.
Mieux vaut obéir sciemment à ses passions qu'avilir sa raison à les justifier.
Il est des écrivains si suspects qu'ils arriveraient à nous faire prendre des lanternes pour des vessies.
On devrait être assez vain pour goûter la louange, assez orgueilleux pour s'en passer.
La seule chose dont je sois vraiment sûr, c'est que nous sommes de la même étoffe que les autres bêtes ; et si nous avons une âme immortelle, il faut qu'il y en ait une aussi dans les infusoires qui habitent le rectum des grenouilles.
Nous préférons, parfois, nous écarter de ceux qui pensent autrement que nous, tant nous serions démangés de leur donner raison.
Robert Chambers - qui avant Darwin, avait proposé une théorie de l'évolution - portait six doigts à chaque main. Est-ce pure coïncidence si sa théorie assimile les progrès évolutifs à d'heureuses monstruosités ?
Le biologique ignore le culturel. De tout ce que l'homme a appris, éprouvé, ressenti au long des siècles, rien ne s'est déposé dans son organisme, rien n'a passé dans sa bête.
Nous nous sentons haussé par la louange, d'aussi bas qu'elle vienne.
Nous passons notre temps à envier des gens que nous ne voudrions pas être.
Notre véritable ennemi n'est pas celui dont les opinions nous scandalisent, mais celui qui suspecte la sincérité des nôtres.
On peut imaginer une humanité composée exclusivement de femmes ; on n'en saurait imaginer une qui ne comptât que des hommes.
Pour nous, il n'y a rien à comprendre, et, hors de nous, il n'y a personne pour comprendre.
Nous protestons contre l'injustice dès qu'elle passe la nôtre.
En face des effroyables menaces que l'homme fait peser sur lui-même, on doit se demander s'il pourra se sauver autrement qu'en se dépassant.
L'homme étouffe dans l'homme.
On ne doit pas escamoter l'incompréhensible, mais non plus s'en servir comme d'une explication.
Tout ce que l'homme a ajouté à l'homme, c'est que nous appelons en bloc la civilisation.
Il ne faut pas oublier que le premier devoir, dans le mariage, est de se faire pardonner d'être là.
La seule chose qu'on ne peut embellir sans qu'elle en périsse, c'est la vérité.
Si la propriété n'est certainement pas le vol, le superflu est à coup sûr l'assassinat.