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Alors elle danse. Il faut qu'elle trace, avec son corps, les lignes qui permettent d'intégrer l'espace. Seule la beauté du mouvement peut la sauver.
Jeanne Benameur
Les rêves c'est complexe. ça vous envoie là où vous ne devriez jamais mettre les pieds.
On ne devrait jamais craindre d'être volé. N'est volé que ce que l'on a. Le pire au fond de nous c'est ce qu'on n'a pas. C'est le manque. Et personne ne nous le volera jamais. Personne ne peut voler le manque. Personne. Quel dommage !
Le monde est acceptable si on voit les choses une par une. C'est l'emmêlement qui ne l'est pas.
Je lui ai proposé que nous soyions amis. Pour la vie. Il a dit Oui et c'est une autre façon de s'aimer.
C'est là. Pour toujours. Comment enterre-t-on les souvenirs ? Dans quel charnier les abandonner une bonne fois ? La mémoire est une hyène. Elle fouille, trouve toujours un lambeau à arracher.
Ce n'est pas un fossé qu'il y a entre ceux qui croient donner et ceux qui ne peuvent recevoir, c'est une fosse.
Ces moments ont existé. Ce bonheur qui a été vécu, rien ne peut faire qu'il ne l'ait pas été. Même la mort. La mort ne balaie rien. Le chagrin peut tout brouiller. Un temps. Comme à chaque fois que l'on est séparé de ceux qu'on aime.
Sans l'art, un être humain peut crever de douleur. Pourquoi les matières artistiques alors ne sont-elles pas au coeur de tout lieu d'enseignement ?
Pourquoi chaque Etre humain n'a t-il pas le droit à l'art pour apprendre à donner forme à ses émotions ? au lieu d'en avoir peur, apprivoiser ce qui transporte ?
Est-ce qu'aimer, ce n'est pas vouloir rejoindre, sans relâche ?
La rage c'est ne pas pouvoir aimer ce qu'on désire.
Quand je n'ai plus de refuge, je vais dans les mots. J'ai toujours trouvé un abri, là. Un abri creusé par d'autres, que je ne connaîtrai jamais et qui ont oeuvré pour d'autres qu'ils ne connaîtront jamais. C'est rassurant, de penser ça.
Je fais le ramadan de la parole. Aucun mot ne sortira plus de ma bouche. De mon lever à mon coucher. Et tant pis pour le soleil. Je ne parlerai plus qu'à la nuit. Parce qu'à la nuit, personne ne m'empêchera de parler comme je le veux, de dire ce que je veux. Parce qu'à la nuit je vais à la fenêtre de ma chambre, je regarde le ciel. et je parle. Libre.
J'ai besoin d'autres êtres humains, comme moi, doutant, s'égarant, pour m'approcher de ce que c'est que la vie.
Quand mon père est mort. Quand mon père est mort. Une phrase qui commence par ça. Je n'ai pas de suite. Je suis une fille sans suite ? Une fille qui n'arrive pas à suivre.
Aimer c'est juste accorder la lumière à la solitude. Et c'est immense.
Ecrire c'est renoncer et désirer dans le même acte.
Je pense à la joie qu'on avait tuée en elle. - Mais la joie ne meurt jamais. - Tant qu'on continue à faire quelque chose qu'on aime, alors la joie ne meurt pas.
Mais l'obscurité, on en a besoin. On a besoin de l'opaque. Un humain a besoin de l'obscur. C'est fertile. On ne peut pas vivre toujours dans la clarté des miradors. C'est aveuglant. Ca ne fait pas de lumière.
La mort ne fait jamais de bruit. C'est la vie qui en fait. La vie ça bouge, ça met en risque. Le désir c'est la vie.
Ca fait peur, le temps mort. Pourtant c'est dans ce temps-là, où en apparence il ne se passe rien, que tant de choses en nous se ramassent pour prendre forme.
Les ouvriers, on a tort de croire qu'ils ne rêvent que du dernier écran de télé ou du barbecue sur la terrasse du pavillon. J'ai côtoyé ici des gens qui avaient des rêves de fou, ils n'en parlaient pas, c'est tout. J'en suis sûr.
Pourtant c'est dans sa propre vie que chacun chemine. L'histoire d'un seul ouvre l'histoire des autres.
C'est bien ça, la force d'un être humain. Etre capable de savoir le rien, le connaître jusque dans sa chair et traverser, continuer à avoir des rêves.
On n'a pas l'éternité devant nous. Juste la vie.
Les paroles appartiennent à tous. Il n'y a que notre silence qui est unique. Il nous appartient. Seulement à nous.
Le monde ferme et tranquille c'est une illusion. Bonne pour élever les enfants. Pour ne pas trop s'en vouloir de les avoir collés là, dans la vie.
Le corps humain tout entier, au repos ou en mouvement, est un acte d'amour.
A quoi sert de voir le vide ? On est si bien à flotter tant qu'il nous porte. Entre ciel et terre, sur le rien.
Danser c'est altérer le vide.
Il y a dans le monde des jardiniers invisibles qui cultivent les rêves des autres.
On va à l'école pour apprendre, apprendre, apprendre ; apprendre quoi ? à grandir ? Est-ce que l'élève n'est pas celui qui doit s'élever ?
La poésie aide au vif de la vie.
Tant que la politesse a le dessus, on ne peut rien savoir vraiment des gens. C'est toujours au moment où ça se fendille qu'on sait exactement de quoi le bois est fait.
La lecture est un aliment de choix, pas du maïs à gaver les oies. Et si l'appétit vient en mangeant, il vient aussi à regarder les autres se délecter. Ceux qui lisent parleront de leur lecture à leurs camarades. Leur plaisir se communiquera.
C'est peut-être la seule chose qui fait de nos vies des choses singulières dans le fond, le choix du risque qu'on vit. Chacun le sien. Une chose est sûre. Sans risque, on ne vit pas.
La liberté est terrible. SI petite pour chacun. La si petite liberté humaine. Et ce désir parfois de l'enfoncer sous la terre. Parce que trop. Si petite mais déjà trop.
Si la femme de Loth avait porté un enfant, elle aurait résisté à l'appel du passé, pour sauver la vie à venir. Anna, elle, était enceinte de la mort de leur fille. Elle ne s'est pas retournée.
Petite, elle a appris à guetter les signes de ce qu'on cache. C'est dans le corps que cela a lieu. Et cela se reflète aussi, partout autour. Les mots ne viennent qu'après. Ou pas.
Pourquoi la vie des uns ne pourrait-elle pas éclairer celles des autres ? Sinon c'est quoi une société.
Ainsi chacun observe l'autre et on ne sait jamais ce qui de nous sera retenu, à notre insu.
Au creux des paumes c'est déjà tout le corps qui se donne.
Il y a des histoires sous chaque pierre de la route mais on ne soulève pas chaque pierre de la route.
L'amour on ne devrait jamais l'enfermer, ni dans les bouches, ni dans les coeurs. C'est trop vaste.
J'ai toujours compris les errants. Les yeux captent une chose du paysage, une autre, une autre encore. Tout est nouveau. Toujours. On se refait.
J'écris des mots. Pour que lève la pâte qui multiplierait autre chose. Pour que le sang batte fort. Vivant. Je suis sûre qu'avec des mots on vit.
Je veux bien risquer ma vie, toute ma vie, pour la parole juste. La vraie. Celle qui met en péril le monde.
Elle veut se réduire. Concentrée, il faut respirer le moins possible. C'est une tentative d'amenuisement. Une de plus. Quand on ne peut pas réduire le monde, on se réduit soi-même. Mais on ne disparaît pas si facilement.