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Fuguer tôt est banal. Se quitter à la fin de l'adolescence avec la certitude que l'on ne renouera pas avec son histoire personnelle, que l'on part très loin pour ne plus revenir, que l'on se soustrait au monde réel, est beaucoup moins fréquent.
Jérôme Garcin
Regarde un cavalier sans son cheval, il lui manque la moitié de son sang.
En littérature, les anciens cavaliers sont les meilleurs ethnologues du regret.
Que l'on ne s'étonne pas de trouver quelques tâches sur ce document. Ecrire son testament n'est pas une oeuvre de joie, ce sont des larmes que j'ai versées sur ma future mort.
Autant être payé pour ce que l'on sait faire et qui se rapproche de ce que l'on aime.
Aimer, c'est mesurer son gout de liberté, c'est pousser la vie jusqu'au frontières de l'art.
J'ai donc connu ce bonheur que, si l'on s'est appliqué à la sincérité et risqué à l'impudeur, la littérature réserve parfois : on croit écrire pour soi et des lecteurs attentifs vous assurent que c'était pour eux.
Il est vain, à Paris, de monter sur ses grands chevaux ; ils ne mènent nulle part, et il n'y a plus d'allées cavalières.
Les compromis sont provisoires.
L'Histoire nous a appris que la vertu ne peut rien contre le vice et que, pour triompher des cyniques, il s'agit d'être plus cynique encore.
En équitation comme dans l'armée, il était vain de vouloir casser les rebelles, soumettre les acariâtres, atteindre la légèreté par la force, le brillant par la colère.
Travailler avec les chevaux, c'est travailler avec du vivant.
En politique comme ailleurs, y compris en amour, le succès est à ceux qui savent jouer, sur la scène publique, des rôles de composition et connaissent les lois de l'éloquence.
La vie d'un artiste, c'est son oeuvre.
L'homme et le frison ne se quittent pas des yeux. On entend ce qu'ils ne se disent pas. Ils s'étreignaient autrefois, voici qu'ils s'observent. Comme s'ils craignaient déjà de devoir se séparer.
Au théâtre, la puissance d'une oeuvre condamnée à disparaitre se mesure au souvenir qu'on en garde, à la faculté qu'elle a de grandir en nous, de résister au temps et de s'accomplir en douceur dans le regret.
Qu'est-ce que créer sinon tenter désespérément de laisser une trace de son passage sur terre ?
Etre heureux à cheval, c'est être entre terre et ciel, à une hauteur qui n'existe pas.
Il n'est pas grave de se tromper pourvu qu'on se fourvoie avec ferveur.
Il faut traduire leur silence. Et cela prend des années, des années.
Il aura fallu que j'écrive pour, enfin, me retourner sur moi-même et reprendre la conversation interrompuue avec ceux que je portais en moi, et qui étaient morts. Car tu n'as jamais été plus vivant qu'au bout de ma plume.
En ville, tenir le crottin pour parfum, préférer le silence d'un box aux rumeurs de salon, travailler plus à la perfection d'un appuyer qu'à la dilatation de son importance, c'est être sinon fou, du moins bête.
A l'époque des furieuses galopades succédait le temps arrêté et majestueux du piaffer.
Je tremble un peu. Ce doit être le vent, dans la plaine. Ou la peur, soudain, de me retourner.
Il n'y a pas de liberté sans infidélité, pas de sincérité sans désobéissance.