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L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter Je crois que c'est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière.
Joseph Ponthus
Au fur et à mesure que l'épreuve de l'usine avance, il faut puiser au plus profond de ses ressources pour pouvoir continuer à tenir, et on se raccroche à tout ce qui peut nous faire tenir, dans mon cas, il s'agissait de mes proches, mais aussi des grands auteurs qui sont mes compagnons de vie.
Ce roman comporte autant de portes d'entrées que de retours de lectrices et de lecteurs : ouvriers, psychanalystes, poètes, chômeurs, professeurs, autres. Tous sont lecteurs et y raccrochent leur sensibilité. Ce livre ne m'appartient plus et c'est une dépossession bienheureuse.
L'usine m'a révélé à moi-même, je me suis découvert une perfection plus grande physiquement -j'ai pris des muscles que je ne connaissais pas- et une force morale inattendue. L'usine a été pour moi la fin de ma psychanalyse parce que, quand se retrouve pendant huit heures à faire la même tache, on a le temps de réfléchir sur soi. Elle m'a permis de découvrir ma propre vérité.
Je pense au fameux vers de Shakespeare où le monde est une scène dont nous ne sommes que les mauvais acteurs.
Il faut toujours savoir d'où l'on parle. J'ai écrit en tant qu'intérimaire, ne sachant si j'allais être reconduit dans mes missions, pour consigner cette immense étrangeté ouvrière que je découvrais.
Paradoxalement, plus on fait des gestes automatiques, plus ça libère de l'espace pour pouvoir penser. Quand le geste est efficace, on peut penser à autre chose, alors que quand le geste n'est pas bon, on ne pense qu'à la façon de l'améliorer, et on devient l'esclave de la chaîne.
"Omnia vincit amor" disait déjà Virgile dans ses Bucoliques. L'amour triomphe de tout. J'ai tout quitté par amour pour me marier en Bretagne. Je n'ai pas trouvé de travail. J'ai poussé la porte des agences d'intérim et ça a commencé comme ça...
C'est une journée machinale comme seule l'usine sait en produire.
Ma vie ne sera plus jamais la même depuis l'usine.
Et puisse le temps qui efface tout ne pas me faire oublier trop vite vos visages et vos voix Vos noms et la noblesse de votre travail Mes camarades Mes héros