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Il s'enlève en fouettant l'âpre neige des Andes, - Dans un cri rauque il monte où n'atteint pas le vent, - Et loin du globle noir, loin de l'astre vivant, - Il dort dans l'air glacé, les ailes toutes grandes.
Leconte de Lisle
Ceinte d'astres, la Nuit au milieu de sa course, Vers l'Occident plus noir poussait le char de l'Ourse. Tout se taisait, les monts, les villes et les bois, Les cris du misérable et le souci des rois ; Les Dieux dormaient, rêvant l'odeur des sacrifices.
Le sable rouge est comme une mer sans limite, Et qui flambe, muette, affaissée en son lit.
Vous dormirez, couché sur des pierres fort dures, Au fond de l'in-pace, dans vos propres ordures, Macérant votre chair et domptant votre esprit.
En bas, gît le marais des Lâches, des Jaloux, - Des Hypocrites vils, des Fourbes, des Parjures. - Ils grouillent dans la boue et creusent des remous, - Ils geignent, bossués de pustules impures.
Laissant pendre sa flûte au bout de son bras nu, L'aigipan, renversé sur le rameau qui ploie, Rêve, les yeux mi-clos, avec un air de joie, Qu'il surprend l'oréade en son antre inconnu.
Et toi, divine mort, où tout rentre et s'efface, - Accueille tes enfants dans ton ciel étoilé ; - Affranchis-nous du temps, du nombre et de l'espace, - Et rends-nous le repos que la vie a troublé.
Sur les blancs nénuphars, l'oiseau ployant ses ailes, Buvait de son bec rose en ce bassin charmant.
On a mécontenté tout le monde ? Il y a des chances pour que l'on ait dit la vérité.
Soit voué, misérable, à l'angoisse, à la haine, A la luxure, à la soif de l'or et du sang, A la peur, avant-goût de l'ardente Géhenne !
Toi, dont la vieille terre est avide, je t'aime, - Brûlante effusion du brave et du martyr, - Où l'âme se retrempe au moment de partir !
L'hippopotame souffle aux berges du Nil blanc Et vautre, dans les joncs rigides qu'il écrase, Son ventre rose et gras tout cuirassé de vase.
Soit comme un loup blessé qui se tait pour mourir, et qui mord le couteau, de sa gueule qui saigne.
Nous sommes une génération savante ; la vie instinctive, spontanée, aveuglément féconde de la jeunesse, s'est retirée de nous ; tel est le fait irréparable.
Montez, saintes rumeurs, paroles surhumaines, Entretien lent et doux de la terre et du ciel ! Montez, et demandez aux étoiles sereines S'il est pour les atteindre un chemin éternel.
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine, - Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu. - Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine. - La terre est assoupie en sa robe de feu.
J'ai vécu, je suis mort, - Inerte, blême, au fond d'un lugubre entonnoir. - Je descends d'heure en heure, d'année en année, - A travers le Muet, l'Immobile et le Noir.
L'angoisse d'être au monde autant que l'épouvante De la mort, voue au feu stupide de l'Enfer L'holocauste fumant sur son autel de fer !
Je t'aime et te salue, ô vierge magnanime ! - Quand l'orage ébranla le monde paternel, - Tu suivis dans l'exil cet Oedipe sublime, - Et tu l'enveloppas d'un amour éternel.
Jeune homme, qui choisis pour ta couche azurée La fontaine des bois aux flots silencieux, Nul ne sait la liqueur qui te fut mesurée Au calice éternel des esprits soucieux.
Lumière, où donc es-tu ? Peut-être dans la mort.
A la pente du roc que la flamme pénètre, Le lézard souple et long s'enivre de sommeil, Et, par instants, saisi d'un frisson de bien-être, Il agite son dos d'émeraude au soleil.
L'Ecclésiaste a dit : Un chien vivant vaut mieux Qu'un lion mort. Hormis, certes, manger et boire, Tout n'est qu'ombre et fumée. Et le monde est très vieux, Et le néant de vivre emplit la tombe noire.
Iles, séjours des Dieux ! Hellas, mère sacrée ! Oh ! que ne suis-je né dans le saint Archipel Aux siècles glorieux où la Terre inspirée Voyait le Ciel descendre à son premier appel !
Et le son de ta voix m'enivre et chante mieux Que la blanche Apsara sous le figuier des Dieux !
Le vent bombe la voile emplie, L'écume argente au loin la mer.
Le spectre monstrueux d'un univers détruit, - Jeté comme une épave à l'Océan du vide.
O boucherie ! o soif du meurtre ! acharnement - Horrible ! odeur des morts qui suffoquent et navres ! - Soyez maudits devant ces cent mille cadavres - Et la stupide horreur de cet égorgement.
Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin - Où, sur un grand tas d'or vautrés dans quelque coin, - Ayant rongé le sol nourricier jusqu'aux roches.
Les éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes, Vont au pays natals à travers les déserts... L'oreille en éventail, la trompe entre les dents, Ils cheminent, l'oeil clos.
Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits, Noyés dans le néant des suprêmes ennuis, Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.
La terre s'ouvre, un peu de chair y tombe ; - Et l'herbe de l'oubli, cachant bientôt la tombe, - Sur tant de vanité croît éternellement.
Les cieux sont comme un livre où tout homme peut lire.
Dans l'immense largeur du Capricorne au Pôle Le vent beugle, rugit, siffle, râle et miaule, Et bondit à travers l'Atlantique tout blanc.
La terre prolongeait en bas, immense et sombre, - Les continents battus par la houle des mers ; - Au-dessus flamboyait le ciel plein d'univers ; - Mais Lui ne regardait que l'abîme de l'ombre.
Victorieux, vaincus, fantassins, cavaliers, - Les voici, maintenant, blêmes, muets farouches, - Les poings fermés serrant les dents, et les yeux louches, - Dans la mort furieuse étendus par milliers.
Les sillons de l'espace où fermentent des mondes.
Parfois quelque boa, chauffé dans son sommeil, Fait onduler son dos dont l'écaille étincelle.
Moi, je meurs. Mon esprit coule par vingt blessures. J'ai fait mon temps. Buvez, ô loups, mon sang vermeil. Jeune, brave, riant, libre, et sans flétrissures, Je vais m'asseoir parmi les Dieux, dans le soleil.
La nature se rit des souffrances humaines ; Ne contemplant jamais que sa propre grandeur, Elle dispense à tous ses forces souveraines Et garde pour sa part le calme et la splendeur.
Il y a dans l'aveu public des angoisses du coeur, et de ses voluptés non moins amères, une vanité et une profanation gratuites.
Non loin, quelques boeufs blancs, couchés parmi les herbes, - Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais, - Et suivent de leurs yeux languissants et superbes - Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.
Il fend le tourbillon des rauques étendues, Et, tranquille au milieu de l'épouvantement, Vient, passe, et disparait majestueusement.
Moi, toujours, à jamais, j'écoute, épouvanté, - Dans l'ivresse et l'horreur de l'immortalité, - Le long rugissement de la Vie éternelle.
De puis Homère, Eschyle et Sophocle, qui représentent la poésie dans sa vitalité, dans sa plénitude et dans son unité harmonique, la décadence et la barbarie ont envahi l'esprit humain.
Un sombre Ethiopien dégaine d'un poing ferme Le sabre grêle et long tant de fois éprouvé.
O vents ! emportez-nous vers les Dieux inconnus !
Tel que la haute mer contre les durs rivages, - A la grande tuerie ils se sont tous rués, - Ivres et haletants, par les boulets troués, - En d'épais tourbillons pleins de clameurs sauvages.
Tout ! Tout a disparu, sans échos et sans traces, Avec le souvenir du monde jeune et beau.