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Les affrontements, au sein de cette communauté, consistaient en des rituels dénués de violence physique. Il s'agissait de joutes verbales, de luttes dansées, de jeux d'adresse intellectuelle.
Léonora Miano
Être femme, c'est serrer les dents à l'intérieur, s'accrocher un sourire sur le visage. C'est endurer chaque instant. Encaisser les coups du mari.
Êtes-vous heureuse ? Oui, je le suis, me dit-elle doucement, chaque fois que la mélancolie me quitte, je suis heureuse. Le bonheur va et vient. On ne peut pas l'emprisonner. C'est un grand voyageur.
Lorsque le mal se présente à la porte des demeures, il a toujours la courtoisie d'attendre qu'on le convie à prendre place.
C'est d'être nommé qui fait exister ce qui vit.
Venir avec toi ? Et pour quoi faire ? Lorsque nous sommes nées, nous étions seules. Lorsque nous mourrons, on ne mettra pas dans un cercueil à deux places. On n'est jamais avec personne.
Sachons accueillir le jour quand il se présente, la nuit aussi.
L'expérience démontre que la vérité est toujours plus complexe qu'il n'y paraît.
Savoir que la paix n'existe qu'en raison du tumulte et le plaisir à cause de la douleur.
Les gens vivent les uns près des autres, mais pas ensemble. Ils s'épient, se jalousent passionnément et demeurent côte à côte par une habitude plus grégaire que solidaire.
e me souvenais de ce proverbe eku : Aux anciens, Nyamey a accordé une longue vie. Aux jeunes, il a donné une longue vue. Pour moi, cet adage résume la pensée non écrite de nos anciens. Il signifie que nos pères savaient qu'il y avait un temps pour tout. Ils nous ont légué des coutumes adaptables.
La bienséance interdit les épanchements. Il ne faut pas gémir sur le sort d'un enfant quand on a la chance d'en avoir d'autres, quand on peut encore en mettre au monde.
Il n'y a que deux catégories de personnes : ceux dont on parle, et ceux qui parlent des autres. Appartenant à la première par votre naissance, vous deviez, contrairement aux gens du commun, avoir de l'élégance. Ne jamais vous abaisser à répondre aux insultes. Ne jamais devenir, vous aussi, des êtres sans substance, ne sachant que regarder vivre les autres.
Le courage et le sens de l'honneur face à la défaite sont des victoires sur le plan spirituel.
Je crois à l'authentique plaisir de vivre l'alternance de la mélancolie et de la joie, et je crois que la misère est une circonstance, non pas une sentence.
Nous vivons tous avec des épines dans le corps. Il suffit de savoir comment se mouvoir, pour qu'elles n'atteignent jamais un organe vital.
Je viens de te donner toute l'aide que je peux, et tu es là en train de me faire la morale. Tu crois qu'on a les moyens d'en avoir, de la morale, dans ce pays ?
C'est toujours un problème avec les religions. Elles sont des pratiques sociales permettant de forger et de consolider les communautés. Elles sont ensuite des systèmes de domination. Pour quelques chanceux qui sauront les transcender elles pourront être un chemin.
La royauté se forge dans le ventre des femmes, mais le pouvoir qu'elle confère revient aux hommes.
Les gens d'ici souffrent. ils ont peur. Alors il leur faut trouver des plus petits qu'eux, des faibles à piétiner. Être en mesure de faire souffrir quelqu'un, cela rassure !
La race noire n'avait été inventée que pour nous bouter hors du genre humain. Justifier la dispersion transatlantique. Faire de nous des biens meubles que l'on achèterait à tempérament. Des bêtes que l'on marquerait au fer rouge avant de les baptiser selon le rite chrétien. Nous résiderons désormais entre l'objet et l'animal. Tel est le sens du nom racial dont on nous affubla.
Je suis une vieille femme, à présent. Ce bouclier ne me sert plus à rien, mais il te protègera. Quiconque te voudra du mal tombera avant de t'avoir touchée. Toute arme créée ou lancée pour te détruire sera sans effet. Qu'il en soit ainsi, au nom puissant de Nyambe, créateur du ciel, de la terre et des abîmes.
Ce qui existe naturellement ne devient bon ou mauvais qu'au contact d'une volonté.
L'amour doit être cueilli où il se trouve.
La nuit est faite pour le repos, mais elle n'est pas si tranquille. Il faut rester sur ses gardes.
Ce qui est incompréhensible, c'est la raison pour laquelle notre croyance se laisse volontiers couler vers les abysses les plus ténébreux.
Le bonheur va et vient. On ne peut pas l'emprisonner. C'est un grand voyageur.
La nuit tombée, ils compteront leurs maigres revenus et se sentiront floués, sans trop savoir par qui. Les lettrés diront que c'est la faute des autres, ceux qui vendent des armes et soutiennent les dictateurs. Les autres diront que c'est le sort, la malchance. Personne ne demandera si c'est parce qu'on a des armes qu'il faut s'entretuer.
Le ressentiment que nous vouons aux autres est impuissant à nous délivrer de nos propres turpitudes.
Révéler son nom à quelqu'un, c'est lui confier une part précieuse de soi-même, se dénuder devant lui. Il suffit de murmurer le nom d'une personne lors de rituels pour l'attaquer à distance, l'exposer aux puissances maléfiques
Il n'est pas bon de fuir devant l'épreuve, au risque de devoir en affronter une plus accablante.
Où aller en partant de nulle part ?
La patine du temps ne peut suffire à conférer de la valeur à tous nos usages.
Il en est ainsi de tous les séducteurs. Une fois fois l'objet de leur désir à leur portée, ils s'en détournent pour un autre.
Si notre peuple peut produire des individualités assez audacieuses pour affronter ses errances et ses lâchetés, il lui reste une chance de prétendre à sa grandeur.
L'instant dévolu au rêve s'aborde avec la solennité d'un rituel. Le rêve est un voyage en soi, hors de soi, dans la profondeur des choses et au-delà. Il n'est pas seulement un temps, mais aussi, un espace. Le lieu du dévoilement. Celui de l'illusion parfois, le monde invisible étant aussi peuplé d'entités maléfiques.
Depuis sa fondation, la devise du clan dit : Je suis parce que nous sommes.
Poser des questions, cela implique de prendre sur soi la charge des réponses.
L 'indigence matérielle n'est pas synonyme de vertu.
Qu'il soit fait clair pour tous que le passé ignoré confisque les lendemains.
Le jeunesse de ce pays, celle du continent même, se cherche des mentors. Elle ne trouve, pour l'inspirer, que des morts qui n'auraient su quoi faire en ce siècle de grandes angoisses et de petites espérances. Ces héros furent surtout de beaux parleurs. Ils ne laissèrent que des discours, ce que fit croire à beaucoup que parler était agir.
Le chagrin des mères n'est pas une souillure. Il est noble, tout particulièrement au sein de notre peuple, puisque c'est la maternité qui confère aux femmes un statut honorable. Nos hommes se félicitent d'épouser une femme ayant déjà enfanté. Ainsi, ils sont assurés de sa fertilité...
L'amour des mères pour leurs fils n'a que faire des astres pour trouver son chemin. Il est lui-même l'étoile.
Ce qui se passe entre deux personnes qui s'abandonnent totalement l'une à l'autre est au delà de la chair. C'est un acte spirituel.
La traite négrière était à inscrire au patrimoine tragique du genre humain. Parce qu'elle avait impliqué des régions différentes du monde. Parce que les bourreaux n'avaient pas été que d'un côté. Parce qu'elle était, à cette échelle-là, le premier crime contre l'humanité dont on ait gardé la trace.
Elles ne m'ont rien demandé. Poser des questions, cela implique de prendre sur soi la charge des réponses. Après, on ne peut plus faire comme si on ne savait pas. Or, par les temps qui couraient, nul n'avait les moyens d'une telle politique.
Les aïeux ne sont pas hors de soi, mais en soi. Ils sont dans le roulement des tambours, dans la manière d'accommoder les mets, dans les croyances qui perdurent, se transmettent. Les ancêtres sont là. Ni le temps, ni l'espace ne leur sont des limites. Aussi résident-ils là où se trouve leur descendance.
Comprendre en profondeur la tradition, c'était aussi savoir l'interpréter au mieux. L'ancien se plaisait à rappeler que les racines connaissaient une dégénérescence toute naturelle. Il leur fallait faire place à d'autres afin que la plante subsiste et se perpétue.
L'ombre et la lumière ne sont pas si disjointes qu'il nous plait souvent de le penser. Elles sont l'envers et l'endroit d'une même étoffe.