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Seul celui qui a totalement accepté la solitude peut prétendre être accompagné.
Lorette Nobécourt
Je comprends ici la différence qui existe entre la beauté et l'esthétique. Le Japon est esthétique et je préfère la beauté : c'est la poésie surgissant tout à coup, de façon inattendue dans sa spontanéité tragique et vitale.
S'il y a une chose qui ne meurt jamais c'est bien la vie, quant à nous qui avons l'honneur de la servir, c'est une autre affaire.
Oui, le but de l'homme est l'amour, toujours plus d'amour.
C'est un jour comme ça. Et il y en a des jours comme ça, des jours pour rien, des jours de voyage sans fin, sans question ni réponse, où peut-être le voyage a lieu plus qu'à n'importe quel autre moment.
Le hasard, c'est l'Esprit qui se promène, invisible et vagabond.
Ceux qui l'osent ont appris que l'écriture est habitée de sexualité comme le ventre, et qu'il faut s'y enfoncer avec la même ardeur que les consonnes masculines fouaillent la béance des voyelles dans la phrase. C'est au prix de cette conscience-là, et de l'enjeu qu'elle représente, que l'esprit circule entre les lettres et porte le souffle.
Oui, n'en déplaise aux marchands, aux esthètes, aux cyniques, aux épargnants, aux religieux et aux athées, la vie se conjugue dans la dépense, le don, l'ouverture, l'acceptation, la perte.
Nous sommes condamnés à tomber. La seule dignité qui nous soit accordée, afin de nous redresser, est celle d'oser voir. Voir et comprendre, ouvrir les yeux.
Je ne sais que faire de mes cris, je suis nue avec cette violence et pourtant que la douceur m'est proche.
On n'écrit jamais par loisir mais pour ne pas mourir. Et ainsi l'on meurt à soi pour assumer de naître au verbe.
C'est la même force qui sous-tend la contamination de cette araignée qu'est devenu Internet, qui abolit toute forme de distance, d'espace, supprimant, de fait, la possibilité d'aller et de venir, d'être en mouvement, donc vivant.
Oui, la beauté, la poésie, l'amour, l'éros, la joie, la subversion, l'autonomie, l'indépendance sont des valeurs contemporaines qu'il reste à défendre.
Le Verbe contient le son, la force et le souffle. Le son pour être entendu, la force pour être compris, le souffle pour être accompli.
Je n'aime pas les hommes moulés dans leurs pantalons, ça leur fait des culs de flics.
La plupart des couples, absents l'un à l'autre, voyagent seuls à deux. C'est étrange comme ici les gens seuls semblent davantage "avec". C'est un paysage qui appelle la solitude. Par son immensité, sa puissance tranchante, il témoigne d'une vérité qui ne supporte aucun artifice. Face aux fjords, seule la solitude ne triche pas. L'indifférence du paysage est proche de l'amour.
Je n'étais pas encore assez déçue par le monde, j'en espérais toujours quelque chose. Tant que cela perdurait, ce que je cherchais ne pouvait se produire. C'est ce à quoi sert l'expérience, l'humilité de l'expérience. Il ne faut pas lutter, il faut s'abandonner. Car l'expérience a tout son temps. Nous seuls sommes pressés. L'expérience, elle, a l'éternité
Ce sont quelques individus qui font le sens de toute une vie.
Car la poésie est liée à la vérité. Elle est parfaitement réelle. Elle est ce point de pureté du réel qui, lorsqu'on le perçoit, fait de nous des êtres humains incarnés et vivants, manifestations du divin, spiritualisant la matière. Notre tâche d'homme, je ne cesse de le répéter : déplier l'absolu en nous.
Est-ce donc cela qui est nécessaire pour que l'homme cherche enfin son ailleurs en lui ? Son absolu, son infini ? faudra-t-il que la mondialisation s'étende jusqu'à nous plaquer littéralement aux parois du néant pour que nous nous résolvions enfin à nous retourner vers le dedans ?
Il est écrit dans le Coran : Il y a deux sortes d'hommes, ceux qui subissent le destin et ceux qui choisissent de le subir. On ne choisit pas les situations qui nous sont échues, mais l'altitude à partir de laquelle nous décidons de les vivre.
Je suis tranquille. J'ai un livre et de quoi écrire. Le temps peut aller, j'entre dans celui qui est hors.
Les poètes le savent, les prophètes et les saints : que les mots sont aussi sexuels que le corps des femmes et que le souffle les fécondent s'ils se laissent épouser.
Quel est le sens de la vie ? Si j'ai renoncé à l'espoir d'une révélation, je n'ai pas abandonné pour autant la force si douce et si secrète de la compréhension.
Dieu se réveillera-t-il un jour de sa sieste ou le rêve du monde se poursuivra-t-il aussi longtemps que son sommeil ?
La littérature est faite d'hommes et de femmes qui, à l'aide du verbe, perforent littéralement le monde pour y faire surgir le réel. Là est la connaissance, là est le vrai travail, là est l'amour.
Mais d'où cela vient-il donc que mon corps entier se mette à sourire. Ma tristesse inutile s'est dilapidée aux quatre vents de cet océan de terre, poussière d'écume insignifiante éparpillée dans ce tourbillon de calme. Le paysage est libre. Libre. C'est le singulier épousé par l'unité du tout. Socrate dit que "la sagesse commence dans l'émerveillement".
Je mesure quelle plénitude porte le manque constitutif sur lequel s'est fondée mon existence. Et ce que vingt-cinq ans de lutte pour écrire dans le manque ont apporté à mon travail et à ma vie. Une confiance, une exigence que même l'abondance ne saurait plus défaire.
Et pourquoi sommes-nous incapables de reposer là d'où nous venons, là où nous avons toujours été, dans la demeure de l'amour, là où enfin commencerait le vrai voyage ? Dans quelle Patagonie intérieure trouverai-je le repos ? Dans quelle Terre de Feu qui ne me brûlerait plus ?
Pourquoi faudrait-il être sage et aussi puisque les hommes pensent que les femmes sont folles, et puisque la nature a fait le sexe de la femme à la taille de tous les sexes d'hommes, comment se faudrait-il limiter à un seul.
Oui et puisque ma vie n'est devenue rien d'autre qu'un torchon gorgé d'eau frappé sur une table de bois. Vingt-huit ans donc, toujours debout, avec le corps qui me travaille. J'attends le moment où je ne pourrai plus rester chez moi, où il faudra sortir, aller au-devant du béton.
Nous croyons être dans le temps en étant dans le monde mais nous ne sommes que des formes qui courent derrière leur nom à la recherche de leur demeure véritable. La seule chose que chaque homme désire est : rentrer chez soi. La seule chose qui en empêche chaque homme est qu'il a oublié le nom, le lieu et le chemin qui mène à sa demeure.
Le voyage n'a de sens que s'il est issu d'une nécessité sensible.
Oui, retourner à la littérature, le seul lieu où l'ici et l'ailleurs sont enfin une même et unique existence.
Et ainsi, la vie ne sera que cela : le rêve d'une langue qui, dans sa plus haute pureté et sa plus grande exigence, dirait une seule et unique chose : qu'est-ce qu'être un homme vivant.
Nous ne sommes le but de personne. Et personne n'est notre but.