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L'homme ne se propose le repos que pour s'affranchir de la sujétion et du travail ; mais il ne peut jouir que par l'action, et n'aime qu'elle.
Luc de Clapiers
La plaisanterie des philosophes est si mesurée, qu'on ne la distingue pas de la raison.
Si nos amis nous rendent des services, nous pensons qu'à titre d'amis, ils nous les doivent, et nous ne pensons point du tout qu'ils ne nous doivent pas leur amitié.
Personne n'est sujet à plus de fautes que ceux qui n'agissent que par réflexion.
S'il est facile de flatter les hommes en place, il l'est encore plus de se flatter soi-même auprès d'eux : l'espérance fait plus de dupes que l'habileté.
Si toute notre prévoyance ne peut rendre notre vie heureuse, combien moins notre nonchalance !
Les habiles ne rebutent personne.
On est encore bien éloigné de plaire, lorsqu'on n'a que de l'esprit.
L'art de plaire est l'art de tromper.
Il ne faut pas beaucoup de réflexions pour faire cuire un poulet ; et cependant nous voyons des hommes qui sont toute leur vie mauvais rôtisseurs.
La patience est l'art d'espérer.
Les hommes actifs supportent plus impatiemment l'ennui que le travail.
La solitude tente puissamment la chasteté.
Pourquoi appelle-t-on académique un discours fleuri, élégant, ingénieux, harmonieux ; et non pas un discours vrai et fort, lumineux et simple ? Où cultivera-t-on la vraie éloquence, si on l'énerve dans l'Académie ?
Celui qui s'impose à soi-même, impose à d'autres.
Les grands vendent trop cher leur protection, pour que l'on se croie obligé à aucune reconnaissance.
Je plains un vieillard amoureux ; les passions de la jeunesse font un affreux ravage dans un corps usé et flétri.
L'amour est plus violent que l'amour-propre, puisqu'on peut aimer une femme malgré ses mépris.
Rousseau a manqué d'invention dans l'expression, et de grandeur dans la pensée. Ses poèmes manquent par le fond ; ils sont travaillés avec art, mais froids.
On oublie un affront souffert, jusqu'à s'en attirer un autre par son insolence.
Celui qui serait né pour obéir, obéirait jusque sur le trône.
Nous sommes trop inattentifs ou trop occupés de nous-mêmes pour nous approfondir les uns les autres.
Ce qui est arrogance dans les faibles est élévation dans les forts ; comme la force des malades est frénésie, et celle des sains est vigueur.
Un talent médiocre n'empêche pas une grande fortune, mais il ne la procure, ni ne la mérite.
Quelque tendresse que nous ayons pour nos amis ou pour nos proches, il n'arrive jamais que le bonheur d'autrui suffise pour faire le nôtre.
La lumière est le premier fruit de la naissance, pour nous enseigner que la vérité est le plus grand bien de la vie.
Quand on a beaucoup de lumière, on admire peu. Lorsque l'on en manque, de même. L'admiration marque le degré de nos connaissances, et prouve moins souvent la perfection des choses que l'imperfection de notre esprit.
La science des projets consiste à prévenir les difficultés de l'exécution.
Les vrais politiques connaissent mieux les hommes que ceux qui font métier de la philosophie ; je veux dire qu'ils sont plus vrais philosophes.
La générosité donne moins de conseils que de secours.
Il s'en faut bien que toutes nos habiletés ou que toutes nos fautes portent coup ; tant il y a peu de choses qui dépendent de notre conduite !
La plaisanterie la mieux fondée ne persuade point, tant on est accoutumé qu'elle s'appuie sur de faux principes.
On ne peut avoir beaucoup de raison et peu d'esprit.
Pourquoi un jeune homme nous plaît-il plus qu'un vieillard ? Il n'y a presque point d'homme qui puisse se dire pourquoi il aime ou il estime un autre homme, et pourquoi lui-même s'adore.
Le monde est ce qu'il doit être pour un être actif, plein d'obstacles.
Il est si naturel aux hommes de tirer à soi et de s'approprier tout, qu'ils s'approprient jusqu'à la volonté de leurs amis, et se font de leurs complaisances même un titre pour les dominer avec tyrannie.
Pour décider qu'un auteur se contredit, il faut qu'il soit impossible de le concilier.
Le fruit du travail est le plus doux des plaisirs.
L'esprit ne nous garantit pas des sottises de notre humeur.
Je mets une fort grande différence entre faire des sottises et faire des folies ; un homme médiocre peut ne pas faire de folies, mais il ne saurait éviter de faire beaucoup de sottises.
La constance est la chimère de l'amour.
Soit vivacité, soit hauteur, soit avarice, il n'y a point d'homme qui ne porte dans son caractère une occasion continuelle de faire des fautes ; et si elles sont sans conséquence, c'est à la fortune qu'il le doit.
La méchanceté tient lieu d'esprit.
Si les grandes pensées nous trompent, elles nous amusent.
La paix, qui borne les talents et amollit les peuples, n'est un bien ni en morale, ni en politique.
Le vice n'exclut pas toujours la vertu dans un même sujet ; il ne faut pas surtout croire aisément que ce qui est aimable encore, soit vicieux ; il faut, dans ce cas, s'en fier plus au mouvement du coeur qui nous attire, qu'à la raison qui nous détourne.
On discerne aisément la vraie de la fausse étendue d'esprit ; car l'une agrandit ses sujets, et l'autre, par l'abus des épisodes et par le faste de l'érudition, les anéantit.
Il n'y a de vrai et de solide esprit que celui qui prend sa source dans le coeur.
Conseiller, c'est donner aux hommes des motifs d'agir qu'ils ignorent.
Ce n'est pas un grand avantage d'avoir l'esprit vif, si on ne l'a juste. La perfection d'une pendule n'est pas d'aller plus vite, mais d'être réglée.