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Ce n'est pas une mauvaise fille, mais elle est barbante. Elle n'a pas besoin de venir fourrer son nez partout.
Marcel Proust
Alors j'ai tort d'essayer d'aimer Racine ? ... on a toujours tort d'essayer d'aimer ; on aime ou on n'aime pas.
Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré.
Enfin éclata mon premier sentiment d'admiration : il fut provoqué par les applaudissements frénétiques des spectateurs.
Le corps enferme l'esprit dans une forteresse ; bientôt la forteresse est assiégée de toutes parts et il faut à la fin que l'esprit se rende.
Le style, pour l'écrivain, aussi bien que pour le peintre, est une question non de technique, mais de vision. Il est la révélation de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde.
La lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire : elle ne la constitue pas.
La possession d'un peu plus de la femme que nous aimons ne ferait que nous rendre plus nécessaire ce que nous ne possédons pas, et qui resterait, malgré tout, nos besoins naissant de nos satisfactions, quelque chose d'irréductible.
La vue lucide de certaines infériorités n'ôte d'ailleurs rien à la tendresse ; celle-ci les fait au contraire trouver charmantes.
Jean alla dire adieu à la mer, puis il dit adieu à l'aubergiste, à la servante, la chargea de dire adieu au mousse qui l'avait si souvent conduit.
Nous savons tous, quand nous n'aimons plus, que l'oubli, même le souvenir vague ne causent pas tant de souffrances que l'amour malheureux.
Avec nos revenus, il me semble qu'amortir dix mille francs pendant trois ans ce n'est pas impossible.
Je savais qu'il était comparable à l'un des plus beaux causeurs d'autrefois.
Nos désirs vont s'interférant et, dans la confusion de l'existence, il est rare qu'un bonheur vienne justement se poser sur le désir qui l'avait réclamé.
Morel avait beau jouer merveilleusement les sons que rendait son violon me parurent singulièrement perçants, presque criards. Cette âcreté plaisait et, comme dans certaines voix, on y sentait une sorte de qualité morale et de supériorité intellectuelle.
Aussi le charme apparent, copiable, des êtres m'échappait parce que je n'avais pas la faculté de m'arrêter à lui.
Ce qu'on prend en présence de l'être aimé n'est qu'un cliché négatif, on le développe plus tard, une fois chez soi, quand on a retrouvé à sa disposition cette chambre noire intérieure dont l'entrée est condamnée tant qu'on voit du monde.
Si j'avais pu descendre parler à la fille que nous croisions, peut-être eussé-je été désillusionné par quelque défaut de sa peau que de la voiture je n'avais pas distingué.
Comme tous les gens qui ne sont pas amoureux, il s'imaginait qu'on choisit la personne qu'on aime après mille délibérations et d'après des qualités et convenances diverses.
L'amour, c'est trop dire, le plaisir un peu enfoncé dans la chair, aide au travail des lettres, parce qu'il anéantit les autres plaisirs, par exemple les plaisirs de la société, ceux qui sont les mêmes pour tout le monde.
... La flatterie n'est parfois que l'épanchement de la tendresse et la franchise la bave de la mauvaise humeur.
Il est doux à tout âge de se laisser guider par la fantaisie.
Ces paroles me donnaient bien le sentiment de cette stagnation du passé qui dans certains lieux, par une sorte de pesanteur spécifique, s'immobilise indéfiniment, si bien qu'on peut le retrouver tel quel.
C'est d'ailleurs le propre de l'amour de nous rendre à la fois plus défiants et plus crédules, de nous faire soupçonner, plus vite que nous n'aurions fait une autre, celle que nous aimons, et d'ajouter foi plus aisément à ses dénégations.
Il n'est de souvenir douloureux que des morts. Or ceux-ci se détruisent vite, et il ne reste plus autour de leurs tombes mêmes que la beauté de la nature, le silence, la pureté de l'air.
Tout de même je l'aimais davantage maintenant ; elle était loin ; la présence, en écartant de nous la seule réalité, celle qu'on pense, adoucit les souffrances, et l'absence les ranime, avec l'amour.
Ce n'est pas encore ce style uni de porphyre sans un interstice, sans un ajoutage.
La mer fascinera toujours ceux chez qui le dégoût de la vie et l'attrait du mystère ont devancé les premiers chagrins, comme un pressentiment de l'insuffisance de la réalité à les satisfaire, Ceux-là qui ont besoin de repos avant d'avoir éprouvé encore aucune fatigue, la mer les consolera, les exaltera vaguement.
Il sentit tout à coup un son insouciant et léger frapper à la cloison de son oreille. Un autre suivit, puis un autre, et un à un les battements doux et profonds des cloches d'une chapelle lointaine arrivèrent à lui.
Ce n'est pas que fût moins passionné qu'alors mon désir de pouvoir contempler de près les parcelles précieuses de réalité qu'entrevoyait mon imagination.
Jean était heureux de se sentir ainsi lié à son père, fier de voir qu'il était plus qu'un pauvre garçon tout seul, mais que quelque chose de plus ancien que lui existait en lui...
Elle ne se donnait même pas la peine de dire "la barbe" mais se contentait de faire passer sa main, comme un barbier, sur son visage.
... La vie en changeant fait des réalités avec nos fables.
On a tort de parler en amour de mauvais choix, puisque dès qu'il y a choix il ne peut être que mauvais.
Nous sommes bien bas ! Pauvre France ! Où allons-nous ?
Le domestique, qui ... connaissait assez son armorial pour compléter de lui-même une appellation trop modeste, hurlait avec l'énergie professionnelle qui se veloutait d'une tendresse intime : Son altesse monseigneur le duc de Châtellerault !
Elle se promenait dans ma chambre avec la majesté d'une dogaresse et la grâce d'un mannequin.
Ce même amour, nous le retrouvons bien, mais déplacé, ne pesant plus sur nous, satisfait de la sensation que lui accorde le présent et qui nous suffit, car de ce qui n'est pas actuel nous ne nous en soucions pas.
Mais quelquefois l'avenir habite en nous sans que nous le sachions, et nos paroles qui croient mentir dessinent une réalité prochaine.
Un petit verre de cognac est près de lui, sur une petite table approchée suffisamment pour qu'il puisse le boire et faire éprouver à son gosier une sensation différente et aussi forte sans avoir à se déranger.
Nous n'arrivons pas à changer les choses suivant notre désir, mais peu à peu notre désir change.
La jalousie n'est souvent qu'un inquiet besoin de tyrannie appliquée aux choses de l'amour.
Il va avoir un avertissement sérieux, j'espère que cela lui suffira, sans cela il n'aura qu'à prendre la porte.
... mon temps n'est pas si cher ; celui qui l'a fait ne nous l'a pas vendu.
Il n'est pas possible qu'une sculpture, une musique qui donne une émotion qu'on sent plus élevée, plus pure, plus vraie, ne corresponde pas à une certaine réalité spirituelle, ou la vie n'aurait aucun sens.
... déjà homme par la lâcheté, je faisais ce que nous faisons tous, une fois que nous sommes grands, quand il y a devant nous des souffrances et des injustices : je ne voulais par les voir...
Swann, lui, ne cherchait pas à trouver jolies les femmes avec qui il passait son temps, mais à passer son temps avec les femmes qu'il avait d'abord trouvées jolies.
On ment toute sa vie, même, surtout, peut-être seulement, à ceux qui nous aiment. Ceux-là seuls, en effet, nous font craindre pour notre plaisir et désirer leur estime.
J'entendais devant moi des paroles et des rires qui devaient venir de promeneurs à demi avinés qui rentraient.
Les dieux sont immédiatement perceptibles aux dieux, le semblable au semblable.