Images
Quand j'étais plus jeune et que j'imaginais la vieillesse, je pensais, peut-être est-ce que l'on apprécie les choses davantage, quand on n'a plus beaucoup de temps devant soi ; j'oubliais la perte des forces.
Margaret Atwood
J'évite de porter les yeux sur mon corps, pas tellement parce qu'il est honteux ou immodeste, mais parce que je ne veux pas le voir. Je ne veux pas voir quelque chose qui me détermine si complètement.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Personne n'a dit quand.
De temps en temps nous changeons d'itinéraire ; rien ne l'interdit, pourvu que nous restions à l'intérieur des barrières. Un rat dans un labyrinthe est libre d'aller où il veut, à condition qu'il reste dans le labyrinthe.
Il y a toujours quelque chose pour occuper un esprit curieux.
Quand nous pensons au passé, ce sont les choses belles que nous choisissons. Nous voulons penser que tout était bien ainsi.
Pourtant en ce temps-là les hommes et les femmes s'essayaient l'un l'autre avec désinvolture, comme des vêtements, et rejetaient tous ceux qui n'allaient pas.
Quand le pouvoir est rare, toute parcelle de pouvoir est tentante.
Tomber amoureux, disions-nous. Je suis tombée amoureuse de lui. Nous étions des femmes qui tombions.
Il y a beaucoup de choses auxquelles il n'est pas supportable de penser. Penser peut nuire à nos chances, et j'ai l'intention de durer.
Mais souvenez-vous que le pardon est aussi un pouvoir. Le mendier est un pouvoir, le refuser ou l'accorder est aussi un pouvoir, peut-être le plus grand de tous.
Mais qui arrive à se rappeler la douleur, une fois qu'elle est passée ? Tout ce qu'il en reste est une ombre, pas même dans l'esprit mais dans la chair. La douleur marque, mais trop profondément pour que cela se voie. Loin des yeux, loin du coeur.
L'attente est aussi un lieu : c'est partout où l'on attend.
Il y a toujours un marché noir, il y a toujours quelque chose qui peut s'échanger.
Raconter, plutôt qu'écrire, parce que je n'ai pas de quoi écrire et que de toute façon il est interdit d'écrire, mais si c'est une histoire, même dans ma tête il faut que je la raconte à quelqu'un. On ne se raconte pas une histoire seulement à soi-même. Il y a toujours un autre. Même quand il n'y a personne.
Les gens feront n'importe quoi plutôt qu'admettre que leur vie n'a pas de sens. C'est-à-dire pas d'utilité. Pas d'histoire.
Aucune mère ne correspond jamais, totalement, à l'idée que se fait un enfant de la mère parfaite, et je suppose que l'inverse est vrai également.
S'intéresser à la vie de l'écrivain parce qu'on aime son livre, c'est comme s'intéresser à la vie du canard parce qu'on aime le foie gras
Les nations ne construisent jamais des formes de gouvernement sur des fondations qui n'existent pas déjà.
Il y a des gens qui ne savent dire où ça fait mal. Ils ne peuvent se calmer. Ils ne peuvent jamais arrêter de brailler.
Je veux voir tout ce qui peut être vu de lui, l'absorber, l'apprendre par coeur, le conserver pour pouvoir vivre de son image plus tard : les lignes de son corps, la texture de sa chair, le miroitement de la sueur sur sa toison, son long visage sardonique, impénétrable
Je sais où je suis, qui je suis, et quel jour nous sommes : tels sont les tests, je suis saine d'esprit. La santé mentale est un bien précieux. Je l'économise comme les gens jadis économisaient de l'argent, pour en avoir suffisamment, le moment venu.
Nous vivions comme d'habitude, en ignorant. Ignorer n'est pas la même chose que l'ignorance, il faut se donner la peine d'y arriver.
Certains romans hantent l'esprit du lecteur, d'autres celui de l'auteur. La servante écarlate a fait les deux.
Comme le savent tous les historiens, l'histoire est une immensité obscure, qui résonne d'échos. Des voix peuvent parvenir à nos oreilles, mais ce qu'elles nous disent est prégnant de l'obscurité de la matrice d'où elles proviennent, et quels que soient nos efforts, nous ne pouvons pas toujours les déchiffrer avec précision à la lumière plus nette du jour d'aujourd'hui.
Mais tout autour des murs il y a des rayonnages. Ils sont bourrés de livres. Des livres et des livres et encore des livres, bien en vue, pas de serrures, pas de caisses. Rien d'étonnant que nous n'ayons pas le droit de venir ici. C'est une oasis de l'interdit. J'essaie de ne pas regarder avec trop d'insistance.
C'est bon d'avoir des objectifs modestes qui peuvent facilement être atteints.
L'amour, disait Tante Lydia avec dégoût. Que je ne vous y prenne pas. Pas de rêvasseries, pas de langueurs du mois de juin ici, mesdemoiselles. Elle nous menaçait du doigt. L'amour n'est pas l'essentiel.
Si l'on veut instituer un système totalitaire efficace, ou n'importe quel système, d'ailleurs, il est nécessaire d'offrir certains bénéfices et libertés à une poignée de privilégiés, en échange de ceux que l'on abolit.
En ce moment, je n'ai pas peur de lui. C'est difficile d'avoir peur d'un homme qui est assis à vous regarder vous mettre de la crème sur les mains. Cette absence de peur est dangereuse.
Voilà votre cerveau mâle. Objectif. C'est pour cette raison que les hommes sont si tristes, qu'ils se sentent si coupés de la réalité, qu'ils se voient comme des orphelins abandonnés, sans attaches, partis à la dérive dans le grand vide.
Mieux ne veut jamais dire mieux pour tout le monde, dit-il. Cela veut toujours dire pire, pour certains.
Il y a un sentiment de puissance à chuchoter des obscénités à propos de ceux qui sont au pouvoir. Cela a quelque chose de réjouissant, quelque chose de pervers, de clandestin, d'interdit, d'excitant. C'est un peu comme une formule magique. Cela les dégonfle, les réduit au dénominateur commun où l'on peut les affronter.
Personne ne meurt d'être privé de rapports sexuels. C'est du manque d'amour que nous mourons.