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C'est un fait que les morts les plus chers, au bout de quelques mois, seraient, s'ils revenaient, des intrus dans l'existence des vivants.
Marguerite Yourcenar
Il est difficile de ne pas se croire supérieur, lorsqu'on souffre davantage, et la vue des gens heureux donne la nausée du bonheur.
Et puis la mer aère, tout de même. On a le sentiment d'être sur une frontière entre l'univers et le monde humain.
Fonder des bibliothèques, c'était encore construire des greniers publics, amasser des réserves contre un hiver de l'esprit qu'à certains signes, malgré moi, je vois venir.
La joie cette forme ensoleillée du bonheur.
Je pense souvent à la belle inscription que Plotine avait fait placer sur le seuil de la bibliothèque établie par ses soins en plein Forum de Trajan : Hôpital de l'âme.
Sébastien Théus avait su par son infirmier quelque chose des débauches dans l'étude, sans avoir accompli son devoir, qui était de dénoncer.
Bien plutôt qu'anthropomorphiser l'animal, l'homme a choisi le plus souvent de se sacraliser en s'animalisant.
Ne jamais perdre de vue le graphique d'une vie humaine, qui ne se compose pas, quoi qu'on dise, d'une horizontale et de deux perpendiculaires, mais bien plutôt de trois lignes sinueuses, étirées à l'infini, sans cesse rapprochées et divergeant sans cesse : ce qu'un homme a cru être, ce qu'il a voulu être, et ce qu'il fut.
La mort lui apparaissait comme un sacre dont seuls les plus purs sont dignes : beaucoup d'hommes se défont, peu d'hommes meurent.
Il ne faut pas pleurer parce que cela n'est plus, mais il faut sourire parce que cela a été.
La relation entre l'écrivain et ses personnages est difficile à décrire. C'est un peu la même qu'entre des parents et des enfants.
Comme beaucoup de femmes peu sensibles à l'amour, elle en comprenait mal le pouvoir ; cette ignorance excluait à la fois l'indulgence et la jalousie.
Il est étrange que pour nos chrétiens les prétendus désordres de la chair constituent le mal par excellence. Personne ne punit avec rage et dégoût la brutalité, la sauvagerie, la barbarie, l'injustice.
Une once d'observation raisonnée valait en ces matières plus qu'une tonne de songes.
Toute loi trop souvent transgressée est mauvaise : c'est au législateur à l'abroger ou à la changer, de peur que le mépris où cette folle ordonnance est tombée ne s'étende à d'autres lois plus justes.
Une seule chose que je ne pardonne pas à Marguerite Duras : ce titre, Hiroshima mon amour. Hiroshima, j'y suis allée. Effrayant. Comme si, après avoir été à Auschwitz, on écrivait Auschwitz, mon petit chou !
Qu'est l'erreur, et son succédané le mensonge ... sinon une sorte de Caput Mortuum, une matière inerte sans laquelle la vérité trop volatile ne pourrait se triturer dans les mortiers humains ?
Je sais que je ne sais pas ce que je ne sais pas.
la possibilité de jeter le masque en toutes choses est l'un des rares avantages que je trouve à vieillir.
La fiction a du bon : elle prouve que les décisions de l'esprit et de la volonté priment les circonstances.
L'eau bue dans la paume ou à même la source fait couler en nous le sel le plus secret de la terre et la pluie du ciel.
Les lois sont dangereuses quand elles retardent sur les moeurs. Elles le sont davantage lorsqu'elles se mêlent de les précéder.
Le présent est un moment toujours court et cela même lorsque sa plénitude le fait paraître éternel.
Tout bonheur est une innocence.
Ce jeu mystérieux qui va de l'amour d'un corps à l'amour d'une personne m'a semblé assez beau pour lui consacrer une part de ma vie.
Je ne savais pas que la douleur contient d'étranges labyrinthes, où je n'avais pas fini de marcher.
Personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour revivre.
Décide, ami. On choisit son père plus souvent qu'on ne pense. Décide lequel des deux tu préfères haïr.
On ne voit pas deux fois le même cerisier, ni la même lune découpant un pin. Tout moment est dernier, parce qu'il est unique. Chez le voyageur cette perception s'aiguise par l'absence des routines fallacieusement rassurantes propres au sédentaire, qui font croire que l'existence pour un temps restera ce qu'elle est.
Tout être qui a vécu l'aventure humaine est moi.
Mon cher Marc, je suis descendu ce matin chez mon médecin Hermogène, qui vient de rentrer à la Villa après un assez long voyage en Asie. L'examen devait se faire à jeun : nous avions pris rendez-vous pour les premières heures de la matinée.
Peu de bipèdes, depuis Adam, ont mérité le nom d'homme.
Un jour, Dieu effacera du coeur des hommes toutes les lois qui ne sont pas d'amour.
La vie est quelque chose de plus que la poésie ; elle est quelque chose de plus que la physiologie, et même que la morale, à laquelle j'ai cru si longtemps. Elle est tout cela et bien davantage encore : elle est la vie. Elle est notre seul bien et notre seule malédiction.
Nos défauts sont parfois les meilleurs adversaires que nous opposions à nos vices.
Une totale liberté naissait du départ.
Qu'est la volupté elle même, sinon un moment d'attention passionnée au corps ?
Il s'était montré assez bon bougre pendant ces quelques jours passés côte à côte.
La plupart des hommes qui comptent dans l'histoire ont des rejetons médiocres, ou pires que tels : ils semblent épuiser en eux les ressources d'une race. La tendresse du père est presque toujours en conflit avec les intérêts du chef.
La nature humaine change peut tout en étant capable d'une plasticité extraordinaire à l'extérieur.
Les notions mouraient comme les hommes : il avait vu au cours d'un demi-siècle plusieurs générations d'idées tomber en poussière.
Un homme qui lit, ou qui pense, ou qui calcule, appartient à l'espèce et non au sexe ; dans les meilleurs moments il échappe même à l'humain.
Peut-être n'est-il dans nos mains qu'une petite flamme qu'il dépend de nous d'alimenter et de ne pas laisser éteindre peut-être sommes-nous la pointe la plus avancée à laquelle Il parvienne...
L'homme qui ne dort pas, et je n'ai depuis quelques mois que trop d'occasion de le constater sur moi-même, se refuse plus ou moins consciemment à faire confiance au flot des choses.
... dans tout combat entre le fanatisme et le sens commun, ce dernier a rarement le dessus.
J'ai rêvé parfois d'élaborer un système de connaissance humaine basé sur l'érotique, une théorie du contact, où le mystère et la dignité d'autrui consisteraient précisément à offrir au Moi ce point d'appui d'un autre monde.
Tout ce qui est provoqué et voulu est en partie faux.
... peu d'hommes se réalisent avant de mourir.
La paix était mon but, mais point du tout mon idole : le mot même idéal me déplairait comme trop éloigné du réel.