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Chez ceux qui sont bornés, la bêtise est sans bornes.
Marie-Sabine Roger
Pour certains le travail est une chose sacrée. Chacun sa religion. Je suis très tolérant.
C'est pas bosser qui me fait peur, c'est passer cinq jours par semaine à espérer le samedi. Et faire la gueule le dimanche, parce qu'ensuite il y a le lundi. Comme la plupart de ceux que je connais et que je n'envie pas, quel que soit leur salaire.
Les voyageurs, les vrais, ils ont ça dans le sang. Même quand ils s'arrêtent, qu'ils ne vont nulle part, il y a toujours en eux une porte d'embarquement, un billet composté pour le rêve.
J'apprends à garder le silence, à penser pour moi seule, à ne plus partager. Je fais semblant, aussi. Je comprends que grandir, c'est apprendre à mentir.
Les secrets de famille sont de noires araignées qui tissent autour de nous une toile collante. Plus le temps passe, plus on est ligoté, bâillonné, serré dans une gangue. Incapable de bouger, de parler. D'exister.
Il faut croire que c'est humain, de vouloir être inscrit au Livre des Records, ou de se faire épingler une médaille au revers, et même si c'est marqué dessus Roi des Glands.
L'affection, ça grandit sous cape, ça prend racine malgré soi et puis ça envahit pire que du chiendent. Ensuite c'est trop tard : le coeur, on ne peut pas le passer au rundup pour lui désherber la tendresse.
Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait, sinistre connerie !... La santé, on y pense quand on ne l'a jamais eue, ou quand elle s'effiloche. La vie, on s'y accroche lorsqu'elle est en danger. La jeunesse, on en parle toujours au passé.
Je tends l'oreille et j'écoute l'hiver. Moi, je ne bouge pas, pourtant la neige est là, elle tombe sur moi et vient de boutonner sa cape sur mon dos et de nouer son écharpe à mon cou.
Un dictionnaire, ce n'est pas un simple livre. C'est bien plus que cela. C'est un labyrinthe... Un extraordinaire labyrinthe, où l'on se perd avec bonheur.
Quand on aime les gens, on les garde à l'abri.
Apprendre à réfléchir, ça revient à donner des lunettes à un myope.
Au primaire, il y a des gamins qui apprennent leurs tables et leurs conjugaisons. Moi, j'ai appris des choses plus utiles : les plus forts aiment bien marcher sur la gueule des autres, et s'essuyer les pieds au passage, comme on fait sur les paillassons.
J'aurais été apprivoisée d'une seule caresse, plutôt mourir que de la quémander.
Mais on ne se réveille pas vieux un beau matin, on le devient, et pour s'y préparer, on a le temps nécessaire. On n'a pas été pris par surprise, pourquoi jouer les étonnés ?
Il était tellement quelqu'un que, devant lui, je me sentais personne.
Pour aimer, il faut parfois du temps, du calme et du secret.
Parfois, j'ai l'impression que ma vie est un grand bâtiment, fait d'une succession de pièces en enfilades. Je visite. J'avance et je ne peux jamais revenir en arrière. Chaque fois que j'ouvre une porte, je tombe sur un nouveau décor.
La mémoire est un bien qui ne prend sa valeur que lorsqu'elle se partage.
C'est un peu ça que je ne veux pas faire : ranger mes rêves au fond d'un tiroir-caisse, et rendre la monnaie sur tous mes faux espoirs.
La vie est un escroc sans scrupules : si on n'y prend pas garde, elle vous plume à vif et vous laisse repartir avec les poches vides, comme un flambeur ruiné qui sort d'un casino.
Ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Alors c'est ça la vie : ou t'es fort, ou t'es mort ? Tu parles d'un choix à la con.
Aujourd'hui, mon courage devient inversement proportionnel à la carrure de l'adversaire. C'est étonnant comme la vieillesse peut rendre un homme tolérant.
Y'en a marre de toi et de tes sermensonges, des oui qui veulent dire non, de tes promesses énormes qui fondent tout de suite, et laissent des chagrins aussi poisseux qu'une barbe-à-papa.
Entre quinze et vingt ans, la vie ressemble à un documentaire animalier : on lutte pour les amours et pour le territoire. S'il fallait pisser dans les coins chaque fois qu'on est en chaleur, les lycées fouetteraient comme des urinoirs.
A quoi ça sert d'aimer, quand c'est pas réciproque, sinon à se pourrir la vie ?
Le privilège de l'âge, c'est que lorsqu'on s'ennuie, au moins, ce n'est plus pour longtemps.
C'est pas parce qu'on est inculte qu'on n'est pas cultivable. Il suffit de tomber sur un bon jardinier.
La vie m'apprend de force, et c'est tant mieux.
La charité Chrétienne, c'est répondre courage ! à quelqu'un qui vient chercher secours. Et puis à fermer sa porte, à double tour.
Le seul sens que je trouve à ma vie, c'est un sens giratoire. J'avance sans arrêt mais je n'arrive pas à rien, sauf à me retrouver toujours au même point. Si un jour je trouve ma voie, ce sera sûrement une impasse.
On passe des années à rêver d'être grands, tout ça pour regretter quand on était petits.
Je les connais ces enfoirés ! Deux neurones qui se baladent : un pour être méchant, et un pour être con.
Vieillir est un trop long chemin. C'est une impasse.
J'aime bien les gens qui ont des manies, des gestes insignifiants qui en disent long sur eux. Ca ouvre des lucarnes, un peu, dans leur toiture.
Si être intelligent, c'était qu'une question de volonté, je serais un génie, je peux dire. Parce que j'en ai fait, des efforts.
Le problème, avec les lâches, c'est qu'on ne sait jamais devant qui ils finiront par s'aplatir. Tout ce qui compte pour lui c'est de ne pas avoir d'emmerdes. Rien qui fasse des clapotis dans sa flaque, son verre d'eau.
Un clébard, si vous voulez le rendre con, suffit de le tabasser sans raison. Un homme, c'est pareil, à part que c'est plus simple. Pas besoin de lui cogner dessus, même pas. Se foutre de sa gueule, ça suffit.
Aimer, c'est un mot très violent, faut y être habitué. Si on vous l'a répété tous les jours depuis qu'on est petit c'est sûrement plus simple à lâcher. Mais quand on ne vous l'a jamais dit jusqu'à un âge adulte avancé, c'est trop gros pour sortir.
La gratitude naît de l'humanité que les gens vous témoignent, rarement de leur excellence.
Moi je peux plus le voir, il me pile l'humeur, j'en ai les nerfs qui sortent des gaines !
L'habitude amortit les chocs. Les beaux deviennent ordinaires. On finit par se demander pourquoi on les trouvait tellement magnifiques, craquants et à tomber par terre. Et les vilains gagnent à être revus.
Pour faire chanter les gens, il faut une partition.
Je me suis fait tout seul, et alors ? Même si ce n'est pas bâti dans les normes, ça tient.
Le plaisir est un trésor secret, un bien-être qui se resquille. C'est du bonheur de braconnier.
L'inquiétude est un oxydant, elle fait vieillir avant l'âge.
On naît roseau, on devient chêne, et on finit bois de balsa.
Une maladresse qui vient du coeur se pardonne plus volontiers qu'un silence confortable. Elle s'oublie plus vite également.
La vraie misère, c'est d'être seul dans la vie.