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Dans la vie il y a des blessures qui, comme une lèpre, rongent l'âme dans la solitude, écrit l'Iranien Sâdeq Hedâyat au début de son roman La Chouette aveugle
Mathias Énard
La vie est une machine à arracher l'être ; elle nous dépouille, depuis l'enfance, pour nous repeupler en nous plongeant dans un bain de contacts, de voix, de messages qui nous modifient à l'infini, nous sommes en mouvement.
La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle. On la porte au bûcher à l'aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants.
La liberté, l'humour, l'ivresse, c'est aussi l'islam
C'est chose étrange que la mémoire ; je suis incapable de retrouver son visage d'hier, son corps d'hier, ils s'effacent pour laisser la place à ceux d'aujourd'hui, dans le décor du passé
Essayez d'avoir l'air marrant et séduisant en arabe littéraire, c'est pas du tout cuit, on croit toujours que vous êtes sur le point d'annoncer une nouvelle catastrophe en Palestine ou de commenter un verset du Coran.
L'avantage, c'est qu'aujourd'hui les livres ont si peu de poids, sont si peu vendus, si peu lus que ce n'est même plus la peine de les interdire.
La vie est une symphonie de Mahler, elle ne revient jamais en arrière, ne retombe jamais sur ses pieds.
Heureusement que je ne me rappelle pas mes rêves à part les dernières secondes, ils s'effacent presque immédiatement de ma mémoire, heureusement. J'échappe à la culpabilité de l'inconscient, à la sauvagerie du désir.
Nous sommes deux fumeurs d'opium chacun dans son nuage, sans rien voir au-dehors, seuls, sans nous comprendre jamais nous fumons, visages agonisants dans un miroir, nous sommes une image glacée à laquelle le temps donne l'illusion du mouvement, un cristal de neige glissant sur une pelote de givre dont personne ne perçoit la complexité des enchevêtrements
L'humilité de la vie nomade est une des images les plus fortes de l'Islam, le grand renoncement, le dépouillement des oripeaux mondains dans la nudité du désert - c'est cette pureté, cette solitude qui m'attirait moi aussi.
Depuis la nuit des temps il faut s'humilier devant les Césars.
Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l'amour au vide, ils répondent en construisant des châteaux et des temples.
L'être est toujours dans cette distance, quelque part entre un soi insondable et l'autre en soi. Dans la sensation du temps. Dans l'amour, qui est l'impossibilité de la fusion entre soi et l'autre.
Nos rêves sont peut-être plus savants que nous.
Apparaître, poindre, briller. Consteller, scintiller, s'éteindre.
C'était étrange de penser qu'au fond toutes nos religions étaient des récits : des fables auxquelles certains souscrivaient et d'autres non, un immense livre d'histoires, où chacun pouvait prendre ce qui lui convenait.
Les Islamistes sont de vieux conservateurs qui nous volent notre religion alors qu'elle devrait appartenir à tous. Ils ne proposent qu'interdiction et répression.
Nous écoutions à l'unisson, aussi synchrones dans les battements de nos coeurs et nos respirations que si nous avions chanté nous-mêmes, touchés, emportés par le miracle de la voix humaine, la communication profonde, l'humanité partagée, dans ces rares instants où, comme dit Khayyam, on boit l'éternité.
Pauvre Stendhal, il ne savait pas ce qu'il faisait en publiant ses Mémoires d'un touriste, il inventait bien plus qu'un mot, "grâce au ciel, disait-il, le présent voyage n'a aucune prétention à la statistique et à la science", sans se rendre compte qu'il poussait des générations de voyageurs vers la futilité, avec l'aide du ciel, qui plus est.
La beauté vient de l'abandon du refuge des formes anciennes pour l'incertitude du présent.
La musique est un beau refuge contre l'imperfection du monde et la déchéance du corps.
Le sommeil est un monstre d'égoïsme qui n'en fait qu'à sa tête.
Sans l'Orient (ce songe en arabe, en persan et en turc, apatride, qu'on appelle l'Orient) pas de Proust, pas de Recherche du temps perdu.
Combien faudra-t-il d'oeuvres d'art pour mettre la beauté dans le monde ?
L'amour ne nous laisse pas plus partager les souffrances d'autrui qu'il ne guérit les nôtres.
Voilà, je n'ai plus sommeil. Le sommeil n'a jamais vraiment envie de moi, il m'abandonne très vite, aux alentours de minuit, après m'avoir harcelé toute la soirée. Le sommeil est un monstre d'égoïsme qui n'en fait qu'à sa tête.
Puisque ce sont des enfants, parle-leur de batailles et de rois, de chevaux, de diables, d'éléphants et d'anges, mais n'omets pas de leur parler d'amour et de choses semblables.
Ton ivresse m'est si douce qu'elle me grise.
Avant de pouvoir songer au beau, il fallait se plonger dans la plus profonde horreur et l'avoir parcourue tout entière, disait Sarah
Le vent d'un jupon balaye un homme plus sûrement qu'un typhon, c'est bien connu
Quand on peut voyager, disait le Prophète, il faut régler ses affaires comme si on allait mourir.