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Les femmes ont raison de se rebeller contre les lois parce que nous les avons faites sans elles.
Michel de Montaigne
Une rêne de travers à mon cheval, un bout d'étrivière qui batte ma jambe, me tiendront tout un jour en humeur.
Nous n'avons aucune communication à l'être, parce que toute humaine nature est toujours au milieu entre le naître et le mourir.
... opiniâtreté et contester sont qualités communes, plus apparentes aux plus basses âmes ; que se raviser et se corriger, abandonner un mauvais parti sur le cours de son ardeur, ce sont qualités rares, fortes et philosophiques.
Si comme la verité, le mensonge n'avoit qu'un visage, nous serions en meilleurs termes. Car nous prendrions pour certain l'opposé de ce que diroit le menteur. Mais le revers de la verité a cent mille figures et un champ indefiny.
La satiété engendre le dégoût.
Tout ouvrier aime mieux son ouvrage, qu'il n'en serait aimé si l'ouvrage avait du sentiment
Car c'est à la vérité une violente et traîtresse maîtresse d'école que la coutume. Elle établit en nous, peu à peu, à la dérobée, le pied de son autorité.
Nul n'est mal longtemps qu'à sa faute.
Cette fantaisie est plus sûrement conçue par interrogation : Que sais-je ? comme je la porte à la devise d'une balance.
Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde, d'autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles.
On nous apprend à vivre quand la vie est passée.
Il n'est rien que je haïsse comme à marchander. C'est un pur commerce de trichoterie et d'impudence : après une heure de barguignage, l'un et l'autre abandonne sa parole et ses serments pour cinq sous d'amendement.
De toutes les vanités, la plus vaine c'est l'homme.
Nul vent fait pour celui qui n'a point de port destiné.
Il n'est description pareille en difficulté à la description de soi-même.
Les bons estomacs suivent simplement les prescriptions de leur naturel appétit. Ainsi font nos médecins, qui mangent le melon et boivent le vin frais, cependant qu'ils tiennent leur patient obligé au sirop et à la panade.
La force, la violence peuvent quelque chose, mais n'ont pas toujours tout.
Sauf la vieillesse, qui est un signe indubitable de l'approche de la mort, de tous les autres accidents, je vois peu de signes de l'avenir sur quoi nous ayons à fonder notre divination.
C'est raison qu'on fasse grande différence entre les fautes qui viennent de notre faiblesse, et celles qui viennent de notre malice.
La parole est moitié à celuy qui parle, moitié à celuy qui l'escoute.
Qui n'a le coeur de souffrir ni la mort ni la vie, qui ne veut ni résister ni fuir, que lui ferait-on ?
Vaut-il pas mieux demeurer en suspens que de s'infrasquer en tant d'erreurs que l'humaine fantaisie a produites ?
Les Français semblent des guenons qui vont grimpant contremont un arbre, de branche en branche, et ne cessent d'aller jusqu'à ce qu'elles sont arrivées à la plus haute branche, et y montrent le cul quand elles y sont.
De les condamner, par ce qu'ils ont failli, ce serait bêtise, comme dit Platon. Car ce qui est fait, ne se peut défaire : mais c'est afin qu'ils ne faillent plus de même, ou qu'on fuie l'exemple de leur faute.
Le savoir mourir nous affranchit de toute sujétion et contrainte.
Au théâtre, à Rome, les maîtres de famille avaient des pigeons dans leur sein, auxquels ils attachaient des lettres quand ils voulaient mander quelque chose à leurs gens au logis ; et étaient dressés à en rapporter réponse.
Certes, c'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant, que l'homme. Il est malaisé d'y fonder jugement constant et uniforme.
La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.
Chacun court ailleurs et à l'avenir, d'autant que nul n'est arrivé à soi.
C'est faiblesse de céder aux maux, mais c'est folie de le nourrir.
Cette contention de l'âme trop bandée et trop tendue à son entreprise.
Les jeux des enfants ne sont pas des jeux, et les faut juger en eux comme leurs plus sérieuses actions.
Les hommes ont fabriqué Dieu, sans se rendre compte que la religion n'estoit qu'une pièce de leur invention propre à lier leur société.
Nous sommes tous de lopins et d'une contexture si informe et diverse, que chaque pièce, chaque moment fait son jeu. Et se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes, que de nous à autrui.
La gloire et la curiosité sont les deux fléaux de notre âme. Celle-ci nous conduit à mettre le nez partout, et celle-là nous défend de rien laisser irrésolu et indécis.
Qu'il oublie hardiment, s'il veut, d'où il les tient, mais qu'il se les sache approprier.
Il est impossible de faire concevoir à un homme naturellement aveugle qu'il ne voit pas.
Tout homme peut dire véritablement ; mais dire ordonnément, prudemment et suffisamment peu d'hommes le peuvent.
Celui qui passe le but le manque tout aussi bien que celui qui n'y arrive pas.
... quand on juge d'une action particulière, il faut considérer plusieurs circonstances et l'homme tout entier qui l'a produite, avant la baptiser.
Les choses ne sont pas si douloureuses ni difficiles d'elles-mêmes ; mais notre faiblesse et lâcheté les font telles.
Ni les hommes, ni leurs vies ne se mesurent à l'aune.
Ne cherchons pas hors de nous notre mal, il est chez nous, il est planté en nos entrailles.
La jalousie est de toutes les maladies de l'esprit celle à qui le plus de choses servent d'aliment et le moins de choses de remède.
La nouvelleté des choses nous incite plus que leur grandeur à en chercher les causes.
Il se voit par expérience que les mémoires excellentes se joignent volontiers aux jugements débiles.
Non plus que je ne regrette que ma durée ne soit aussi longue et entière que celle d'un chêne.
Puisque la philosophie est celle qui nous instruit à vivre, et que l'enfance y a sa leçon, comme les autres âges, pourquoi ne la lui communique-t-on pas ?
Nous ne pouvons être tenus au-delà de nos forces et de nos moyens.