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La profonde joie a plus de sévérité que de gaieté ; l'extrême et plein contentement, plus de rassis que d'enjoué.
Michel de Montaigne
Le silence et la modestie sont qualités très commodes à la conversation.
... tout ce que notre sagesse peut, ce n'est pas grand-chose ; plus elle est aiguë et vive, plus elle trouve en soi de faiblesse, et se défie d'autant plus d'elle-même.
Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage.
La veue des angoisses d'autruy m'angoisse materiellement.
Peu d'hommes ont été admirés par leurs domestiques ; nul n'a été prohète non seulement en sa maison, mais en son pays, dit l'expérience des histoires.
Mais les belles âmes, ce sont les âmes universelles, ouvertes et prêtes à tout, si non instruites, au moins instruisables.
L'expérience est proprement sur son fumier au sujet de la médecine, où la raison lui quitte toute la place.
La plus sûre garde de la chasteté à une fille, c'est la sévérité.
Un suffisant lecteur descouvre souvant ès escrits d'autruy des perfections autres que celles que l'autheur y a mises et apperceües, et y preste des sens et des visages plus riches.
Ce n'est pas sans raison qu'on dit que qui ne se sent point assez ferme de memoire, ne se doit pas mesler d'estre menteur.
Je donne mon avis non comme bon mais comme mien.
Le parler que j'aime, c'est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche, un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque.
L'âme qui loge la philosophie doit par sa santé, rendre sain encore le corps. Elle doit faire luire jusques au dehors son repos et son aise.
Il ne faut pas laisser au jugement de chacun la connaissance de son devoir.
Les princes me donnent prou s'ils ne m'ôtent rien, et me font assez de bien quand ils ne me font point de mal ; c'est tout ce que j'en demande.
La confiance en la bonté d'autrui est un non léger témoignage de la bonté propre.
La coutume a fait le parler de soi vicieux.
Toutes passions qui se laissent goûter et digérer, ne sont que médiocres.
Bientôt après, il s'évanouit ; de sorte qu'on le cuida abandonner pour trépassé : enfin, on le réveilla à force de vinaigre et de vin.
Le plus âpre et difficile métier du monde, à mon gré, c'est faire dignement le roi.
Nous ne pouvons dignement concevoir la grandeur de ces hautes et divines promesses, si nous les pouvons aucunement concevoir. Pour dignement les imaginer, il faut les imaginer inimaginables, indicibles et incompréhensibles.
Il faut ou imiter les vicieux, ou les haïr. Tous les deux sont dangereux, et de leur ressembler par ce qu'ils sont beaucoup ; et d'en haïr beaucoup par ce qu'ils sont dissemblables.
Un bon mariage serait celui d'une femme aveugle avec un mari sourd.
Car, quant à cette nouvelle vertu de feintise et de dissimulation qui est à cette heure si fort en crédit, je la hais capitalement ; et, de tous les vices, je n'en trouve aucun qui témoigne tant de lâcheté et de bassesse de coeur.
La présomption est notre maladie naturelle et originelle.
Notre bien et notre mal ne tient qu'à nous. Offrons-y nos offrandes et nos voeux, non pas à la fortune : elle ne peut rien sur nos moeurs.
C'est merveille combien peu il faut à nature pour se contenter, combien peu elle nous a laissé à désirer.
La redite est partout ennuyeuse, fût-ce dans Homère.
... il n'est passion contagieuse comme celle de la peur...
Il n'y a point de bête au monde tant à craindre à l'homme que l'homme.
Le beaucoup savoir apporte l'occasion de plus douter.
Rien ne semble vrai, qui ne puisse sembler faux.
Si vous avez fait votre profit de la vie, vous en êtes repu, allez-vous-en satisfait.
La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes.
On les leurre (les femmes), en somme, et acharne par tous moyens ; nous échauffons et incitons leur imagination sans cesse.
L'opinion est une puissante partie, hardie et sans mesure.
... le sage vit tant qu'il doit, non pas tant qu'il peut.
A chaque minute il me semble que je m'eschape. Et me rechante sans cesse : Tout ce qui peut estre faict un autre jour, le peut estre aujourd'huy.
Il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui.
Il ne faut pas demander que toutes choses suivent notre volonté, mais qu'elles suivent la prudence.
L'homme va béant après les choses futures.
La vie dépend de la volonté d'autrui ; la mort, de la nôtre.
... c'est une violente maîtresse d'école que la nécessité.
Nous ne pensons ce que nous voulons, qu'à l'instant que nous le voulons, et changeons comme cet animal qui prend la couleur du lieu où on le couche.
Notre propre et péculière condition est autant ridicule que risible.
Les voyages forment la jeunesse.
Il se faut réserver une arrière-boutique toute nôtre, toute franche, en laquelle nous établissons notre vraie liberté et principale retraite et solitude.
L'extrême espèce d'injustice, selon Platon, c'est que ce qui est injuste soit tenu pour juste.
Qu'on me donne l'action la plus excellente et pure, je m'en vais y fournir vraisemblablement cinquante vicieuses intentions. Dieu sait, à qui les veut entendre, quelle diversité d'images ne souffre notre interne volonté !
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