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Le bonheur ne se perçoit pas sans esprit et sans vigueur.
Michel de Montaigne
Nous sommes plus riches que nous ne pensons ; mais on nous dresse à l'emprunt et à la quête.
C'est un plaisir fade et nuisible d'avoir affaire à gens qui nous admirent et fassent place.
J'observe en mes voyages cette pratique, pour apprendre toujours quelque chose par la communication d'autrui (qui est une des plus belles écoles qui puisse être), de ramener toujours ceux avec qui je confère, aux propos des choses qu'ils savent le mieux.
C'est une bonne drogue que la science ; mais nulle drogue n'est assez forte pour se preserver sans alteration et corruption, selon le vice du vase qui l'estuye.
Les morts, je ne les plains guère et je les envierais plutôt mais je plains fort les mourants.
Or les lois se maintiennent en crédit, non parce qu'elles sont justes, mais parce qu'elles sont lois. C'est le fondement mystique de leur autorité ; elles n'en ont point d'autres.
... il n'y a tel que d'allécher l'appétit et l'affection (des enfants), autrement on ne fait que des ânes chargés de livres.
Il faut refuser l'opportunité à toute action importune.
L'estimation et le prix d'un homme consiste au coeur et à la volonté.
L'achat donne titre au diamant, et la difficulté à la vertu, et la douleur à la dévotion, et l'âpreté à la médecine.
On peut faire le sot partout ailleurs, mais non en la poésie.
Ce n'est pas la mort que je crains, c'est de mourir.
Composer nos moeurs est notre office, non pas composer des livres, et gagner, non pas des batailles et provinces, mais l'ordre et tranquillité à notre conduite. Notre grand et glorieux chef-d'oeuvre, c'est vivre à propos.
Vous faites malade un Allemand de le coucher sur un matelas, comme un Italien sur la plume, et un Français sans rideau.
Le monde n'est qu'une branloire pérenne. La constance même n'est autre chose qu'un branle plus languissant.
On a grand tort de peindre (la philosophie) inaccessible aux enfants, et d'un visage renfrogné, sourcilleux et terrible.
Se trouver désengagé de la nécessité qui bride les autres.
Ce que c'est que l'Amour. II rend l'Homme ridicule et semblable aux Bêtes.
Nous étions à moitié de tout ; il me semble que je lui dérobe sa part.
Il faut avoir un peu de folie, qui ne veut avoir plus de sottise.
Le prix de l'âme ne consiste pas à aller haut, mais ordonnément.
Combien facilement nous passons du veiller au dormir ! Avec combien peu d'intérêt nous perdons la connaissance de la lumière et de nous !
Comme notre naissance nous apporta la naissance de toutes choses, aussi fera la mort de toutes choses, notre mort.
Chaque usage a sa raison.
La dissimilitude s'ingère d'elle-même en nos ouvrages ; nul art peut arriver à la similitude.
Toutes actions hors les bornes ordinaires sont sujettes à sinistre interprétation, d'autant que notre goût n'advient non plus à ce qui est au-dessus de lui, qu'à ce qui est au-dessous.
Il est incertain où la mort nous attende, attendons-la partout.
Je ne peins pas l'être. Je peins le passage : non un passage d'âge en autre, ou, comme dit le peuple, de sept ans en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute. Il faut accommoder mon histoire à l'heure.
Ce grand monde, c'est le miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais.
Nous ne serons jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà ; la crainte, le désir, l'espérance nous élancent vers l'avenir et nous dérobent le sentiment de ce qui est, pour nous amuser de ce qui sera.
De vrai, ce n'est pas la disette, c'est plutôt l'abondance qui produit l'avarice.
Je voudrais qu'on fût soigneux de lui choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine et qu'on y requît tous les deux, mais plutôt les moeurs et l'entendement que la science.
Il y a plus de peine à garder l'argent qu'à l'acquérir.
Et ce n'est pas la recette à une seule maladie : la mort est la recette à tous maux.
Je me garderai, si je puis, que ma mort dise chose que ma vie n'ait premièrement dite.
L'attente est douce, mais elle s'aigrit comme le lait.
... le magasin de la mémoire est volontiers plus fourni de matière que n'est celui de l'invention.
C'est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être.
La vie n'est de soy ny bien ny mal : c'est la place du bien et du mal selon que vous la leur faictes.
C'est chose tendre que la vie et aisée à troubler.
Le vrai miroir de nos discours est le cours de nos vies.
... il y a plus de distance de tel à tel homme qu'il n'y a de tel homme à telle bête.
Misérable à mon gré, qui n'a chez soi, où être à soi, où se faire particulièrement la cour, où se cacher !
Or la vertu n'avoue rien que ce qui se fait par elle et pour elle seule.
Il n'est rien si beau et légitime que de faire bien l'homme et dûment, ni science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie ; et de nos maladies la plus sauvage, c'est mépriser notre être.
Car, comme dit le comte d'Aristippe parlant à des jeunes gens qui rougissaient de le voir entrer chez une coutisane : Le vice est de n'en pas sortir, non pas d'y entrer.
S'il est mauvais de vivre en nécessité, au moins de vivre en nécessité, il n'est aucune nécessité.
Les Romains avaient coutume, quand ils revenaient de voyage, d'envoyer un messager avant eux, dans leur maison, pour avertir leurs femmes de leur arrivée et ne pas les surprendre à l'improviste.
Il est peu d'hommes qui osassent mettre en évidence les requêtes secrètes qu'ils font à Dieu.