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La vanité du monde qui passe, et l'amour, sont les deux notes fondamentales et intimes de la vraie poésie.
Miguel de Unamuno
Penser que l'on pense, et rien de plus, n'est pas penser.
Nous sortons du néant. Habituons-nous à nous considérer dignes seulement du néant, et l'espérance donnera ses fruits en nous.
Presque tous les hommes vivent inconsciemment dans l'ennui. L'ennui fait le fond de la vie, c'est l'ennui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans et l'amour.
Etre séduit est plus flatteur qu'être séducteur.
Le plus haut héroïsme, pour un individu comme pour un peuple, est de savoir affronter le ridicule ; mieux encore, c'est de savoir se poser en ridicule et de ne rien craindre de lui.
En ce qui me concerne, jamais je ne me livrerai de bon gré ni ne livrerai ma confiance à un conducteur de peuples qui ne soit pas pénétréé de la conviction que, en conduisant un peuple, il conduit des hommes.
Discuter avec la tentation, c'est être sur le point d'y céder.
Il en est de la passion comme de la douleur : elle crée son objet. Il est plus facile au feu de trouver le combustible, qu'au combustible de trouver le feu.
L'amour recherche avec fureur, à travers l'objet aimé, quelque chose au-delà ; et comme il ne le trouve pas, il désespère.
Ceux qui se croient justes sont le plus souvent des arrogants qui humilient les autres par l'ostentation de leur justice.
Si un philosophe n'est pas un homme, c'est tout ce qu'on veut, sauf un philosophe.
Ne pas verser, pour ce qui est du langage, vin nouveau en vieilles outres.
Si nous pouvions en économie politique, laisser de côté cette terminologie damnée de la valeur, de la richesse, du revenu, du capital, mots si gros de vie latente mais si corrompus par le péché originel !
L'individu est à la fin de l'Univers.
Le précepte suprême qui jaillit de l'amour envers Dieu, la base de toute morale est là : livre-toi entièrement, donne ton esprit pour le sauver, pour l'éterniser. Tel est le sacrifice de la vie.
Pour comprendre quelque chose, il faut le tuer et le raidir dans l'esprit.
Dieu n'est pas une idée qu'on prouve, c'est un être par rapport auquel on vit.
Il faut vivre dans la réalité de soi-même et non dans l'apparence que les autres se font de nous ; dans notre propre esprit, et non pas dans le concept d'autrui.
... l'évolution des êtres organisés n'est qu'une lutte pour la plénitude de la conscience à travers la douleur, une constante aspiration à être autrui sans cesser d'être soi, à rompre ses bornes en se limitant.
... il n'y a rien de divin que ce qui souffre.
Chacun de nous est le confluent d'une éternité et d'une immensité.
La foi en la raison est exposée à paraître aussi insoutenable rationnellement que toute autre foi.
La volonté est une force qui se sent, c'est-à-dire qui souffre.
La vieillesse égoïste n'est qu'une enfance consciente de la mort. Le vieux est un enfant qui sait qu'il doit mourir.
Cette enveloppante obsession de l'autre vie, de l'au-delà, d'où me vient-elle ? Quoi ? Nous ne serions qu'un phénomène transitoire en ce monde ? Et pourquoi le monde ne serait-il pas, après tout, qu'un phénomène transitoire en nous ?
Vivre, c'est se donner, se perpétuer ; se perpétuer et se donner, c'est mourir.
Un Miserere, chanté en choeur par une multitude fouettée du destin, vaut autant qu'une philosophie. Il ne suffit pas de guérir la peste, il faut savoir la déplorer. Oui, il faut savoir pleurer ! Et peut-être est-ce là la sagesse suprême.
Le jeu d'échecs : - ... ce vice solitaire à deux, en compagnie.
Que serait un univers sans conscience aucune qui le réfléchisse et le connaisse ? Que serait la raison objectivée, sans volonté ni sentiment ? Pour nous, la même chose que le néant ; mille fois plus épouvantable que lui.
Eternité ! Eternité ! Voilà l'aspiration par excellence ; la soif d'éternité est ce qui s'appelle amour parmi les hommes ; qui aime autrui veut s'éterniser en lui. Ce qui n'est pas éternel n'est pas non plus réel.
L'humilité consiste à transiger avec le mensonge.
Quoi qu'en pense la raison, il faut penser avec la vie, et quoi qu'en pense la vie, il faut rationaliser la pensée.
Les subtils sophistes grecs furent de grands agents de liberté mentale : ils enseignèrent à jouer avec les idées, à ne pas les respecter ; ils nous apprirent que les idées sont faites pour les hommes et non les hommes pour les idées.
Nous nous rendons plus spécialement compte que nous avons une âme quand elle nous fait mal.
Une foi qui ne doute pas est une foi morte.
L'homme aspire à être aimé, ou, ce qui revient au même, aspire à inspirer la compassion.
... croire est en première instance vouloir croire.
Savoir pour savoir ! La vérité pour la vérité ! C'est inhumain.
Toute opinion philosophique, tout axiome, toute proposition générale et solennelle, énoncée sous forme d'aphorisme, est une bêtise.
... si les pièces du jeu d'échecs étaient douées de conscience, elles admettraient volontiers le libre arbitre de leurs mouvements, c'est-à-dire leur rationalité finaliste.
... celui qui n'a pas de passion, il ne lui sert de rien d'avoir de la science.
Agis comme si tu croyais, et tu finiras par croire pour agir.
On vit dans le souvenir et par le souvenir, et notre vie spirituelle n'est, au fond, que l'effort de notre souvenir pour persévérer, pour se faire espérance, l'effort de notre passé pour se faire avenir.
La guerre est, au sens le plus strict, la sanctification de l'homicide.
Etre libre, c'est croire qu'on l'est !
Croire est une manière de connaître, ne fût-ce que connaître notre désir vital jusqu'à le formuler.
Ce sont les martyrs qui font la foi plutôt que la foi ne fait les martyrs.
Pourquoi tant d'hommes croient-ils ? Comment la raison n'est-elle pas plus forte ? La vérité de la foi se prouve par son existence, et seulement par elle.
Le scepticisme, l'incertitude, ultime position où aboutit la raison exerçant son analyse sur elle-même, sur sa propre validité, est la base sur quoi le désespoir du sentiment vital va fonder son espérance.