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Les hommes tombent facilement amoureux, et aussi facilement ils vous laissent tomber.
Milan Kundera
La vitesse est la forme d'extase dont la révolution technique a fait cadeau à l'homme.
Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré : le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'essence humaine a d'essentiellement inacceptable.
Le seul moyen de sauver l'amour de la bêtise de la sexualité ce serait de régler autrement l'horloge dans notre tête et d'être excité à la vue d'une hirondelle.
On pense prolonger la vie d'un grand roman par une adaptation et on ne fait que construire un mausolée où seule une petite inscription sur le marbre rappelle le nom de celui qui ne s'y trouve pas.
Aimer quelqu'un par compassion, ce n'est pas l'aimer vraiment.
Dans le monde moderne abandonné par la philosophie, fractionné par des centaines de spécialisations scientifiques, le roman nous reste comme le dernier observatoire d'où l'on puisse embrasser la vie humaine comme un tout.
Une valeur galvaudée et une illusion démasquée ont le même pitoyable corps, elles se ressemblent et rien n'est plus aisé que de les confondre.
Toute mystique est outrance.
Comme une grande musique qu'on peut réécouter sans fin, les grands romans eux aussi sont faits pour des lectures répétées.
Va te faire foutre, vieille pouffiasse, oiseau de nuit, épouvantail de nuit, cauchemar de nuit, rappel de ma bêtise, monument de ma niaiserie, ordure de mes souvenirs, urine puante de ma jeunesse.
L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans les vies ultérieures.
Uriner dans la nature est un rite religieux par lequel nous promettons à la terre d'y retourner, un jour, tout entier.
Le sentiment d'amour nous abuse tous par une illusion de connaissance.
Les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs.
Il est des regards à la tentation desquels personne ne résiste : par exemple le regard sur un accident de la circulation ou sur une lettre d'amour qui appartient à l'autre.
Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant où l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses.
... tout un chacun ... trouve agaçant qu'on raconte sa vie selon une autre interprétation que la sienne propre.
Le sondage est devenu une sorte de réalité supérieure ; ou pour le dire autrement, il est devenu la vérité.
Le roman est le fruit d'une illusion humaine. L'illusion de pouvoir comprendre autrui.
Dans une société régie par la terreur, les déclarations n'engagent à rien parce qu'elles sont extorquées par la violence et qu'un honnête homme a le devoir de ne pas y prêter attention, de ne pas les entendre.
Ce sont les interrogations auxquelles il n'est pas de réponse qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence.
La jeunesse est l'âge féminin de l'homme.
Sans aucun doute, on pourrait écrire mieux telle ou telle phrase d'A la recherche du temps perdu. Mais où trouver ce fou qui voudrait lire un Proust amélioré ?
Je ne veux pas dire par là que j'avais cessé de l'aimer, que je l'avais oubliée, que son image avait pâli ; au contraire : elle m'habitait jour et nuit, comme une nostalgique silencieuse ; je la désirais comme on désire des choses perdues à jamais.
Une conversation continue berce les couples, son courant mélodieux jette un voile sur les désirs déclinants du corps. Quand la conversation s'interrompt, l'absence d'amour physique surgit tel un spectre.
Quand une femme rougit, c'est beau ; son corps, en cet instant, ne lui appartient pas ; elle ne le maîtrise plus ; elle est à sa merci ! ah, rien n'est plus beau que le spectacle d'une femme violée par son propre corps !
Au royaume du kitsch s'exerce la dictature du coeur.
Celui qui ne se soucie pas du but, ne demande pas où il va !
Il n'y a pas pire châtiment, pire horreur que de transformer un instant en éternité, d'arracher l'homme au temps et à son mouvement continu.
... la beauté est l'étincelle qui jaillit quand, soudainement, à travers la distance des années, deux âges différents se rencontrent ... la beauté est l'abolition de la chronologie et la révolte contre le temps.
L'homme est en droit de vouloir n'importe quoi d'une femme, mais, s'il ne veut pas se comporter en brute, il doit faire en sorte qu'elle puisse agir en harmonie avec ses illusions les plus profondes.
Nous vivons tous sous le regard des caméras. Celà fait partie de la condition humaine.
... le moment présent ne ressemble pas à son souvenir. Le souvenir n'est pas la négation de l'oubli. Le souvenir est une forme de l'oubli.
Au cinéma, quand quelqu'un meurt, une musique élégiaque retentit aussitôt, mais dans nos vies, quand meurt quelqu'un que nous avons connu, aucune musique ne se fait entendre.
... comprendre c'est se confondre et d'identifier.
Une impasse est le lieu de mes plus belles inspirations.
Dans le jeu on n'est pas libre, pour le joueur le jeu est un piège.
Le sommeil partagé était le corps du délit de l'amour.
Faire un péché ne compte pas, l'effacer, le gommer du temps, autrement dit transmuter quelque chose du néant, c'est un acte impénétrable et surnaturel.
Et le roman est-il autre chose qu'un piège tendu au héros ?
J'ai la malchance d'être heureux en ménage, donc de ne pouvoir divorcer.
Il y a des choses qu'on ne peut que taire.
La mémoire du dégoût est plus grande que la mémoire de la tendresse !
Tout sera oublié et rien ne sera réparé.
Nous avons tous besoin que quelqu'un nous regarde.
Une foi trop ardente est le pire des alliés. Dès que l'on prend une chose à la lettre, la foi pousse cette chose à l'absurde.
Le kitsch c'est une esthétique qui est soutenue par une vision du monde, c'est presque une philosophie. C'est la beauté en dehors de la connaissance, c'est la volonté d'embellir les choses et de plaire, c'est le conformisme total.
On peut trahir des parents, un époux, un amour, une patrie, mais que restera-t-il à trahir quand il n'y aura plus ni parents, ni mari, ni amour, ni patrie ?
L'homme est celui qui avance dans le brouillard.