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J'ai déjà dit que les métaphores sont dangereuses. L'amour commence par une métaphore. Autrement dit : l'amour commence à l'instant où une femme s'inscrit par une parole dans notre mémoire poétique.
Milan Kundera
Qu'est-ce que la beauté ? dit Franz et il pensa tout à coup à un vernissage auquel il avait dû récemment assister aux côtés de sa femme. La vanité infinie des discours et des mots, la vanité de la culture, la vanité de l'art.
L'humour : l'ivresse de la relativité des choses humaines ; le plaisir étrange issu de la certitude qu'il n'y a pas de certitude.
Ce qui n'est pas l'effet d'un choix ne peut être tenu ni pour un mérite ni pour un échec.
Nous écrivons des livres parce que nos enfants se désintéressent de nous. Nous nous adressons au monde anonyme parce que notre femme se bouche les oreilles quand nous lui parlons.
Les épigones sont toujours plus radicaux que leurs inspirateurs.
Elle sait que la beauté est un monde trahi. On ne peut la rencontrer que lorsque ses persécuteurs l'ont oubliée par erreur quelque part. La beauté se cache derrière les décors d'un cortége de 1er mai. Pour la trouver, il faut crever la toile du décor.
Le piège de la haine, c'est qu'elle nous enlace trop étroitement à l'adversaire.
Si l'on était responsable que des choses dont on a conscience, les imbéciles seraient d'avance absous de toute faute. L'homme est tenu de savoir. L'homme est responsable de son ignorance. L'ignorance est une faute.
Entre une femme qui est convaincue d'être unique, et les femmes qui ont revêtu le linceul de l'universelle destinée féminine, il n'y a pas de conciliation possible.
Le misogyne ne méprise pas les femmes. Le misogyne n'aime pas la féminité. Chez la femme, l'adorateur vénère la féminité, alors que le misogyne donne toujours la préférence à la femme sur la féminité.
Ceux qui gaspillent leur sensibilité à tort et à travers n'en ont plus quand il faut en avoir.
La lutte de l'homme contre le pouvoir, c'est la lutte de la mémoire contre l'oubli.
Si la maternité est le Sacrifice même, être fille c'est la Faute que rien ne pourra jamais racheter.
Devant, c'était le mensonge intelligible et derrière, l'incompréhensible vérité.
L'idée m'envahit qu'un destin souvent s'achève bien avant la mort, que le moment de la fin ne coïncide pas avec celui de la mort...
Puisque de son vivant chaque auteur essaie de rendre public tout ce qui est essentiel, les fouilleurs de poubelles sont des passionnés de l'inessentiel.
La beauté est l'abolition de la chronologie et la révolte contre le temps.
Le fleuve coule de siècle en siècle et les histoires des hommes ont lieu sur la rive. Elles ont lieu pour être oubliées demain et que le fleuve n'en finisse pas de couler.
Elle demanda donc à son père s'il lui arrivait de prier. Il dit : Autant prier Edison quand une ampoule grille.
C'est affreux, mais c'est ainsi : nous avons appris à regarder notre propre vie par les yeux des questionnaires administratifs ou policiers.
La nostalgie du Paradis, c'est le désir de l'homme de ne pas être homme.
La vie est courte, la lecture est longue et la littérature est en train de se suicider par une prolifération insensée.
Les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin, et la passion de l'extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort.
Le présent, ce point invisible, ce néant qui avance lentement vers la mort.
... partout où le pouvoir se déifie, il produit automatiquement sa propre théologie...
Le ridicule de nos sentiments ne change rien à leur authenticité.
L'assommant primitivisme rythmique du rock : le battement du coeur est amplifié pour que l'homme n'oublie pas une seconde sa marche vers la mort.
La beauté se cache derriére les décors d'un cortége de 1er mai. Pour la trouver, il faut crever la toile du décor.
Les croyants ont un sens aigu de la mise en scène des miracles.
La Vérité totalitaire exclut la relativité, le doute, l'interrogation et elle ne peut donc jamais se concilier avec ce que j'appellerais l'esprit du roman.
C'est une étrange loi de la nature. La femme laide espère profiter de l'éclat de son amie plus jolie, et celle-ci espère briller d'un plus grand éclat sur le fond de la laideur.
Tandis que la réalité n'a aucune honte à se répéter, la pensée, face à la répétition de la réalité, finit toujours par se taire.
Si l'excitation est un mécanisme dont se divertit le Créateur, l'amour est au contraire ce qui n'appartient qu'à nous et par quoi nous échappons au Créateur. L'amour, c'est notre liberté.
Un jour, on prend une décision, on ne sait pas comment, et cette décision a sa propre force d'inertie. Avec chaque année qui passe, il est un peu plus difficile de la changer.
Vivre, il n'y a là aucun bonheur. Vivre : porter de par le monde son moi douloureux. Mais être, être est bonheur. Etre : se transformer en fontaine, vasque de pierre dans laquelle l'univers descend comme une pluie tiède.
Il semble qu'il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu'on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté.
"Je pense, donc je suis" est un propos d'intellectuel qui sous-estime les maux de dents. "Je sens, donc je suis" est une vérité de portée beaucoup plus générale et qui concerne tout être vivant.
Ce qui distingue l'autodidacte de celui qui a fait des études, ce n'est pas l'ampleur des connaissances, mais des degrés différents de vitalité et de confiance en soi.
Les vrais génies du comique ne sont pas ceux qui nous font rire le plus, mais ceux qui dévoilent une zone inconnue du comique.
Composer un roman c'est juxtaposer différents espaces émotionnels, et que c'est là l'art le plus subtil d'un romancier.
Quand un homme est excessivement satisfait, le sommeil vient à lui comme une récompense.
... celui qui regarde vers le haut ne peut jamais avoir le vertige.
... le poète au service d'une autre vérité que celle qui est à découvrir (qui est éblouissement) est un faux poète.
Les vies humaines sont composées comme une partition musicale.
Nos amis sont notre miroir, notre mémoire ; on n'exige rien d'eux, si ce n'est qu'ils astiquent de temps en temps ce miroir pour que l'on puisse s'y regarder.
Oubliez un instant que vous êtes américain et faites travailler votre cerveau...
Le désir d'ordre est en même temps désir de mort, parce que la vie est perpétuelle violation de l'ordre.
Le moi individuel, c'est ce qui se distingue du général, donc ce qui ne se laisse ni deviner ni calculer d'avance, ce qu'il faut d'abord dévoiler, découvrir, conquérir chez l'autre.
Publier ce que l'auteur a supprimé est donc le même acte de viol que censurer ce qu'il a décidé de garder.