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Finalement, les ados croient devenir adultes en singeant des adultes qui sont restés des gosses et fuient devant la vie.
Muriel Barbery
Les adultes ont avec la mort un rapport hystérique, ça prend des proportions énormes, on en fait tout un plat alors que c'est pourtant l'événement le plus banal au monde.
Et, de toutes mes forces, je lance une supplique pour que ta vie soit à la hauteur de ce que tu promets.
Ceux qui savent faire font, ceux qui ne savent pas faire enseignent, ceux qui ne savent pas enseigner enseignent aux enseignants et ceux qui ne savent pas enseigner aux enseignants font de la politique.
Nous parlons d'amour, de bien et de mal ... et nous accrochons à ces icônes respectables comme la tique assoiffée à son gros chien tout chaud.
Je fais partie des 8% de la population mondiale qui calment leur appréhension en se noyant dans les chiffres.
Est-ce que ça veut dire que c'est comme ça qu'il faut mener sa vie ? Toujours en équilibre entre la beauté et la mort, le mouvement et sa disparition ?
Dans la scène muette, sans vie ni mouvement, s'incarne un temps excepté de projets, une perfection arrachée à la durée et à sa lasse avidité - un plaisir sans désir, une existence sans durée, une beauté sans volonté.
C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent.
A quoi sert l'Art ? A nous donner la brève mais fulgurante illusion du camélia, en ouvrant dans le temps une brèche émotionnelle qui semble irréductible à la logique animale.
Le futur, ça sert à ça : à construire le présent avec des vrais projets de vivants.
Le seul intérêt des chats, c'est qu'ils constituent des objets décoratifs mouvants.
La quiétude que nous éprouvons lorsque nous sommes seuls, cette certitude de nous-mêmes dans la sérénité de la solitude ne sont rien en comparaison du laisser-aller, du laisser-venir et laisser-parler qui se vit avec l'autre, en compagnie complice...
Car que sont les enfants sinon de monstrueuses excroissances de nous-mêmes, de pitoyables substituts à nos désirs non réalisés ?
Personne ne semble avoir songé au fait que si l'existence est absurde, y réussir brillamment n'a pas plus de valeur qu'y échouer. C'est seulement plus confortable.
J'enclenche la cassette, je sirote du thé au jasmin. De temps en temps, je reviens en arrière, grâce à ce rosaire laïc qu'on appelle la télécommande.
Exaltation de l'enfance : combien d'années passons-nous à oublier cette passion que nous insufflions à toute activité qui nous promettait du plaisir ?
On croit que les enfants ne savent rien. C'est à se demander si les grandes personnes ont été des enfants, un jour.
Si on redoute le lendemain, c'est parce qu'on ne sait pas construire le présent, on se raconte qu'on le pourra demain et c'est fichu parce que demain finit toujours par devenir aujourd'hui, vous voyez ?
Disons que l'idée de me battre dans un monde de nantis, moi, la fille de rien, sans beauté ni piquant, sans passé ni ambition, sans entregent ni éclat, m'a fatiguée avant même d'essayer.
Vivre, se nourrir, se reproduire, accomplir la tâche pour laquelle on est né et mourir : ça n'a aucun sens, c'est vrai, mais c'est comme ça que les choses sont.
Oui, l'univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté, l'insignifiance nous encercle.
Le pain, le sable : deux chaleurs connexes, deux attirances complices ; c'est à chaque fois tout un monde de bonheurs rustiques qui envahit notre perception.
Comment naît l'Art ? il s'accouche de la capacité qu'a l'esprit à sculpter le domaine sensoriel. Il met en forme et rend visibles nos émotions...
L'important n'est pas de mourir mais ce que l'on fait quand on va mourir : Madame Michelle avait décider d'aimer.
Nous jouissons de ce que nous n'avons pas eu à convoiter, nous contemplons ce que nous n'avons pas eu à vouloir, nous chérissons ce que nous n'avons pas dû désirer.
Le sabayon, c'est l'emblème de la cuisine française : un truc qui se veut léger et qui étouffe le premier chrétien venu.
Et dans mon souvenir aussi, le rugby, c'est un jeu pesant, avec des gars qui se jettent sans cesse sur l'herbe et se relèvent pour retomber et s'emmêler trois pas plus loin.
La diplomatie échoue toujours lorsque le rapport de force est équilibré. On n'a jamais vu un plus fort accepter les propositions diplomatiques de l'autre.
C'est peut-être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n'est plus le même.
Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte.
Les riches se convainquent que leur vie suit un sillon céleste que le pouvoir de l'argent creuse naturellement.
S'il y a bien une chose que les pauvres détestent, ce sont les autres pauvres.
Ce qui se joue dans le face-à-face de celui qui abdique et de celui qui conquiert, est-ce filiation, est-ce renoncement ?
Je suis toujours fascinée par l'abnégation avec laquelle nous autres humains sommes capables de consacrer une grande énergie à la quête du rien et au brassage de pensées inutiles et absurdes.
Ainsi vit-on sa vie d'homme, dans notre univers : il faut sans cesse reconstruire son identité d'adulte, cet assemblage bancal et éphémère, si fragile, qui habille le désespoir et, à soi devant sa glace, raconte le mensonge auquel on a besoin de croire.
Comment décide-t-on de la valeur d'une vie ? Ce qui importe, ce n'est pas de mourir, c'est ce qu'on fait au moment où on meurt. Que faisais-je au moment de mourir ? J'avais rencontré l'autre et j'étais prête à aimer.
Les psys sont des comiques qui croient que la métaphore, c'est un truc de grand sage.
La misère est une faucheuse : elle moissonne en nous tout ce que nous avons d'aptitude au commerce de l'autre et nous laisse vides, lavés de sentiments, pour pouvoir endurer toute la noirceur du présent.
Ce qui est beau, c'est ce qu'on saisit alors que ça passe. C'est la configuration éphémère des choses au moment où on en voit en même temps la beauté et la mort.
Je me mets à pleurer, doucement, lentement, avec dans le coeur un camélia frémissant.
La politique, me dit-elle. Un jouet pour les petits riches qu'ils ne prêtent à personne.
Toutes les familles heureuses se ressemblent mais les familles malheureuses le sont chacune à leur façon est la première phrase d'Anna Karénine que, comme toute bonne concierge, je ne saurais avoir lu, non plus qu'il ne m'est accordé d'avoir sursauté par hasard à la seconde partie de cette phrase, dans un moment de grâce, sans savoir qu'elle venait de Tolstoï.
L'Art, c'est la vie, mais sur un autre rythme.
Je crois qu'il n'y a qu'une chose à faire : trouver la tâche pour laquelle nous sommes nés et l'accomplir du mieux que nous pouvons, de toutes nos forces, sans chercher midi à quatorze heures et sans croire qu'il y a du divin dans notre nature animale.
La caverne aux trésors, c'était cela, ce rythme parfait, cette harmonie chatoyante entre des unités en elles-mêmes exquises mais dont la succession stricte et rituelle confinait au sublime.
A qui n'a jamais compris que l'enchantement de la langue française naît de telles subtilités, j'adresse la prière suivante : méfiez-vous des virgules.
La Civilisation, c'est la violence maîtrisée, la victoire toujours inachevée sur l'agressivité du primate.
Les hommes vivent dans un monde où ce sont les mots et non les actes qui ont du pouvoir, où la compétence ultime, c'est la maîtrise du langage.
Je ne vois que la psychanalyse pour concurrencer le christianisme dans l'amour des souffrances qui durent.