Images
Thé et manga contre café et journal : l'élégance et l'enchantement contre la triste agressivité des jeux de pouvoir adultes.
Muriel Barbery
Mémoire illusoire qui veut faire de l'or avec du sable, de l'éternité avec le temps.
S'il y a quelque chose dans ce monde qui vaut la peine de vivre, je ne dois pas la louper parce qu'une fois qu'on est mort, il est trop tard pour avoir des regrets.
Jour après jour, nous arpentons notre vie comme on arpente un couloir.
Vous seriez surpris de ce que se disent les petites gens. Elles préfèrent les histoires aux théories, les anecdotes aux concepts, les images aux idées. Cela ne les empêche pas de philosopher.
Les mots : écrins qui recueillent une réalité esseulée et la métamorphosent en un moment d'anthologie, magiciens qui changent la face de la réalité en l'embellissant du droit de devenir mémorable, rangée dans la bibliothèque des souvenirs.
Qui sème le désir récolte l'oppression.
L'incapacité qu'ont les êtres à croire à ce qui fait exploser les cadres de leurs petites habitudes mentales.
Où se trouve la beauté ? Dans les grandes choses qui, comme les autres, sont condamnées à mourir, ou bien dans les petites qui, sans prétendre à rien, savent incruster dans l'instant une gemme d'infini ?
La faculté que nous avons de nous manipuler nous-mêmes pour que ne vacille point le socle de nos croyances est un phénomène fascinant.
Qui chasse l'éternité récolte la solitude.
Les cathédrales ont toujours éveillé en moi ce sentiment proche de la syncope que l'on éprouve face à la manifestation de ce que les hommes peuvent bâtir à la gloire de quelque chose qui n'existe pas.
Un homme qui pète au lit, ma grand-mère le disait, c'est un homme qui aime la vie.
Elle a pourri la vie de sa belle-fille jusqu'au bout. Paix à son âme, c'était une sainte femme, avait ajouté Manuela - qui vouait à la jeune Mme Meurisse une haine racinienne - en guise d'oraison funèbre.
Pour la première fois de ma vie, j'ai ressenti le sens du mot jamais. Eh bien, c'est terrible. On prononce ce mot cent fois par jour mais on ne sait pas ce qu'on dit avant d'avoir été confronté à un vrai "plus jamais".
Tous, ils promettaient, par la maestria et la précision de leurs commentaires, par la virtuosité de leurs tirades maîtrisées, qui transperçaient le sorbet d'éclairs de syntaxe, de fulgurations poétiques, de devenir un jour ces maîtres du verbe culinaire.
J'ai beau savoir que le monde est laid, je n'ai pas envie de le voir.
A part l'amour, l'amitié et la beauté de l'Art, je ne vois pas grand-chose d'autre qui puisse nourrir la vie humaine.
Un tilleul qui embaume dans la fin du jour, c'est un ravissement qui s'imprime en nous de manière indélébile et, au creux de notre joie d'exister, trace un sillon de bonheur que la douceur d'un soir de juillet à elle seule ne saurait expliquer.
Oui, quittons ce monde où ce qui bouge dévoile ce qui est laid.
La lucidité rend le succès amer alors que la médiocrité espère toujours quelque chose.
Je me lève en prenant soin de traîner mes pieds enchâssés dans des chaussons si conformes que seule la coalition de la baguette de pain et du béret peut leur lancer le défi des clichés consensuels.
Consistante, immédiatement elle-même malgré la béance des quais ouverts sur l'ailleurs, animée d'une vie autosuffisante, enclave de sens à la croisée des chemins, Tanger nous happait vigoureusement à la première minute.
La vraie nouveauté, c'est ce qui ne vieillit pas, malgré le temps.
L'Art, c'est l'émotion sans le désir.
Aux riches le devoir du Beau. Sinon, ils méritent de mourir.
Peut-être que je suis le symptôme de la contradiction familiale et donc celle qui doit disparaître pour que la famille aille bien.
Lorsque la maladie entre dans un foyer, elle ne s'empare par seulement d'un corps mais tisse entre les coeurs une sombre toile où s'ensevelit l'espoir.
C'est toucher le fond de la marre sociale que d'entendre dans la voix d'un riche qu'il ne s'adresse qu'a lui même et que, bien que les mots qu'il prononce vous soient techniquement destinés, il n'imagine même pas que vous puissiez les comprendre.
L'Etat ! Comme l'Etat a bon dos lorsqu'il s'agit d'accuser un autre qui n'est autre que soi !
Ainsi, comment se passe la vie ? Nous nous efforçons bravement, jour après jour, de tenir notre rôle dans cette comédie fantôme.
Vivre, mourir : ce ne sont que des conséquences de ce qu'on a construit. Ce qui compte, c'est de bien construire. Alors voilà, je me suis donné une nouvelle astreinte. Je vais arrêter de défaire, de déconstruire, je vais me mettre à construire.
Une onomatopée et une familiarité pareille dans la bouche de Manuela c'est un peu comme si le pape, s'oubliant, lançait aux cardinaux : Mais où est donc cette saleté de mitre ? Foutue mitre, dit le pape.
Les gens croient poursuivre les étoiles et ils finissent comme des poissons rouges dans un bocal.
Aimer, ça ne doit pas être un moyen, ça doit être un but.
Indigente par le nom, la position et l'aspect, je suis en mon entendement une déesse invaincue.
Qu'est-ce qu'une aristocrate ? C'est une femme que la vulgarité n'atteint pas bien qu'elle en soit cernée.
L'éternité, cet invisible que nous regardons.