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Se faire peur pour apprivoiser la peur, telle est la volupté du roman noir, du film d'épouvante.
Pascal Bruckner
Le pire des complots est l'indifférence : combien d'entre nous survivraient à l'idée qu'ils ne suscitent chez les autres ni assez d'amour ni assez de haine pour justifier la moindre malveillance ?
La passion est peut-être vouée à l'infortune, c'est une infortune plus grande encore de n'être jamais passionné.
La déception n'est peut-être qu'une catégorie du merveilleux.
L'amour nous rachète du péché d'exister : quand il échoue, il nous accable de la gratuité de cette vie. Seul, je me sens à la fois vide et saturé : si je ne suis que moi, je suis de trop.
L'enfer de nos contemporains s'appelle la platitude. Le paradis qu'ils recherchent la plénitude. Il y a ceux qui ont vécu et ceux qui ont duré.
Naître, c'est comparaître.
Le charme : cette part de romanesque qu'une personne propage autour d'elle et qui la rend à nulle autre pareille.
La plus belle femme du monde ne remplacera jamais un bon banquet.
Elle n'avait plus l'insouciance de la jeunesse qui digère toutes les tragédies parce qu'elle a le temps pour elle.
L'économie était censée nous affranchir de la nécessité. Qui nous affranchira de l'économie ?
Le couple est la capitalisation des griefs que chacun fait payer à l'autre avec intérêts.
Je ne suis pas comme les autres, telle est la formule de l'homme du troupeau. Car le châtiment qu'encourt l'individu contemporain est moins l'emprisonnement ou la répression que l'indifférence.
On ne saurait imaginer un mode d'amour plus essentiellement générateur des discordes. Et c'est pourquoi l'adultère est le compagnon de route éternel, universel du mariage : ils sont impensables l'un sans l'autre.
Rien de plus triste que l'avenir quand il ressemble à ce que nous avions imaginé.
Avec le clochard, la compassion n'est jamais loin de la violence, la charité de la haine.
Aimer, c'est accorder à l'autre, de notre plein gré, les pleins pouvoirs sur nous, se rendre dépendant de ses caprices, se mettre sous la coupe d'un despote aussi fantasque que charmant.
La rencontre avec l'autre se fait toujours dans un contexte de réticence et d'émerveillement. Le pire, c'est de rater la merveille par peur ou paresse...
Chacun se croit irremplaçable et voit les autres comme une foule indistincte.
L'élégance : le maximum d'intensité dans le minimum d'effets.
L'horreur de l'amour, c'est de resserrer le monde autour d'un être qui vous enchaîne.
Le pire dans la vieillesse, ce n'est pas la diminution physique, c'est le dégoût de l'humanité. Combien commencent en subversifs pour finir en grincheux ?
Etre aimé, c'est d'abord être choisi de façon indue par une adhésion, un acquiescement total. Aucune mesure ne pourra abolir cette part d'arbitraire qui fait d'un être le centre unique de mon attention au détriment de tous les autres.
Plus aucun idéal ne vaut qu'on se sacrifie pour lui, il n'y a rien au-dessus de la vie.
Il l'aimait bien mais à petites doses. Il fractionnait son coeur comme des parts de gâteau.
Le bonheur est devenu l'illusion collective sur laquelle vit notre époque.
A vingt ans la beauté est une évidence, à trente-cinq une récompense, à cinquante un miracle.
Notre époque privilégie un seul rapport entre les âges : le pastiche réciproque. Nous singeons nos enfants qui nous copient.
La liberté amoureuse est dure à assumer : surtout celle de l'autre.
Je préfère les livres aux humains : ils sont déjà écrits, on les ouvre, on les ferme à volonté. Un être humain, on ne sait jamais comment le prendre, on ne peut le ranger ou le déranger à loisir.
J'appelle innocence cette maladie de l'individualisme qui consiste à vouloir échapper aux conséquences de ses actes, cette tentative de jouir des bénéfices de la liberté sans souffrir d'aucun de ses inconvénients.
Aimer c'est vivre l'alliance indissoluble de la terreur et du miracle.
Le touriste ne croit aux choses qu'après les avoir transformées en clichés.
Le miracle de l'amour, c'est de resserrer le monde autour d'un être qui vous enchante, l'horreur de l'amour, c'est de resserrer le monde autour d'un être qui vous enchaîne.
Peut-on, dans un couple, esquiver l'ennui par l'adoration, la lassitude par l'érotisme ?
On cesse de haïr un jour, non par grandeur d'âme mais par paresse, parce que la détestation dévore trop d'énergie. On pardonne pour penser à autre chose.
Tomber amoureux, c'est rendre du relief aux choses, s'incarner à nouveau dans l'épaisseur du monde, et le découvrir plus riche, plus dense que nous ne le soupçonnions.
Le corps n'est pas seulement le poison de l'âme, il en est le tombeau. Franchement, comment pouvez-Vous regarder Votre création sans désespérer ? Quelle démangeaison Vous a pris de façonner un monde aussi imparfait ?
La beauté est peut-être une lumière mais qui approfondit la nuit ; elle nous soulève très haut et nous dépose ensuite si bas, qu'on regrette de l'avoir approchée.
Quant à la souffrance amoureuse, elle est indissociable de la félicité, notre chagrin nous plaît et nous manquerait s'il venait à disparaître, délices et douleur mêlées.
Ce que deux êtres se donnent de plus beau, ce n'est pas seulement leur corps, leurs plaisirs, leurs talents mutuels, c'est une histoire à nulle autre pareille qui les liera à jamais même s'ils doivent se quitter.
C'est cela la découverte moderne : que la vie n'est pas aussi répétitive qu'on le dit, que du neuf peut être inventé mais aussi qu'elle se répète atrocement.
Le plus pénible avec les impuissants, c'est qu'ils parlent.
La rupture est la voie que leur amour a choisie pour se prolonger sans être importuné par la vie commune.
La collision amoureuse est l'irruption d'une verticalité dans le calme plat de l'existence ; elle est douleur et jouissance, bourrasque et ressourcement, brûlure et parfum.
Le loisir moderne ? L'art de brasser du vent travesti en surmenage.
Le secret d'une bonne vie, c'est de se moquer du bonheur.
Dans l'indigent, on ne perçoit que l'indigence, pas l'homme.
La beauté est un fragment d'éternité que le temps finit toujours par détruire.
Vient un moment où les relations avec un être sont si entremêlées qu'on ne peut distinguer l'amour du devoir.