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Elle avait la maussaderie des enfants qui sont gâtées.
Pascal Quignard
Les choses vivantes sont toujours des souvenirs. Nous sommes tous des souvenirs vivants de choses qui étaient belles. La vie est le souvenir le plus touchant du temps qui a produit ce monde.
Il y a dans toute passion un point de rassasiement qui est effroyable.
L'amour, c'est d'abord aimer follement l'odeur de l'autre.
Le silence est comme un chiffon humide : il ôte la poussière sans qu'il la fasse voler.
... le visage de l'homme et celui de la femme s'unissent dans l'âme à plus de profondeur que ne saurait atteindre le sexe masculin dans le sexe féminin.
L'état mourant dans lequel on se trouve quand on ne peut plus vivre sans untel ou unetelle définit l'amour.
Le moine Kei a dit : Le moine peut se cacher mais le temple ne peut fuir.
L'oubli n'est pas l'amnésie. L'oubli est un refus du retour du bloc du passé sur l'âme.
Un écrivain est un homme qui n'arrête pas de vouloir se défaire de l'obscurité, qui n'arrive jamais à sortir tout à fait de l'obscurité ...
La musique évoque l'adultère. Chaque adultère est une sonate merveilleuse car l'essentiel de l'audition est lié au guet qui naît dans le silence.
Il n'est jamais utile d'écouter les gens qui se savent être vus. Ils ne parlent pas. Ceux qui les voient parlent à l'intérieur d'eux et ils leur obéissent.
La musique suscite à son terme pour le véritable musicien un silence solide et précis qui est à la limite de l'envie de pleurer.
Cache-cache veut dire : des enfants élisent un chasseur qui ferme ses paupières tandis qu'ils dissimulent leur corps dans le lieu.
L'impatience, tel est le témoignage le plus consistant que le temps nous offre de lui-même.
Nos vies sont fascinées par l'acte où elles ont pris naissance. Par leur source. Par l'aurore. Par la première aurore qui nous découvrit la lumière et qui nous éblouit.
Il ne faut répondre aux autres qu'en créant. Il faut laisser toutes les autres sortes de répliques.
Quant à la fascination, l'oreille a la musique. L'oeil a la peinture. La mort a le passé. L'amour a le corps nu de l'autre. La littérature la langue individuelle réduite au silence.
Tous ceux qui parlent éteignent la lumière.
Qu'est-ce que le bonheur ? Un émerveillement qui se dit à lui-même adieu.
Je n'ai d'amis que celles ou ceux qui s'oublient en parlant. Ils pensent à nu. - C'est pourquoi la meilleure façon de penser est d'écrire.
Le langage est foncièrement lié au désir de domination sociale. Il cherche l'ascendant. Sa fonction est le dialogue et le dialogue, quoi qu'on en dise de nos jours, c'est la guerre.
Tout homme qui interroge est un homme fidèle à un secret qu'il ignore.
On peut s'entourer de joies infinies quand on sait bien jouer avec ce qu'on a perdu.
Les êtres qui aiment croient leur présence indispensable et font de la colle au baquet un principe comme ils font de l'exclusivité une fin.
C'est le langage qui divise.
Il faut créer un fort intérieur afin de lutter contre le forum extérieur.
Découvrir et reconnaître ne déterminent pas de régimes semblables. Il en va de découvrir et de reconnaître comme de naître et de mourir.
... le fanatique est l'homme frappé par le coup de foudre.
Il ne faut pas croire à ce qu'on voit ; ça ressemble trop à ce qu'on espère.
Passer de la passion à l'amour est une ordalie.
Chaque instant du temps est un lieu où on ne revient pas. Le regret se disperse. La remorsure n'existe plus.
Quand on a assez vécu, on sait que personne ne s'intéresse à personne. On sait qu'on n'a pas besoin de se cacher pour être caché.
Il y a une sécurité du pire.
L'amour est défini comme une double étreinte : l'étreinte de langage et l'étreinte de silence. C'est l'étreinte du langage mis au silence.
Appeler, crier, prier (peut-être écrire), c'est pour le langage, l'équivalent du rêve pour la vue.
Le Temps est la laisse sans mer, sans sable, sans rive, sans rouleau, sans écume. Echouage d'un espace autre que l'espace en amont de l'espace. Site perdu du perdu. Vide.
Dans ma vie les coups de foudre d'antipathie arrivaient à une vitesse interstellaire. J'étais à chaque fois médusé de haïr à ce point des êtres que je découvrais.
Argument est un mot ancien qui veut dire la blancheur de l'aube. C'est tout ce qui s'éclaircit et se discerne dans cette pâleur qui survient en quelques instants.
Sans cesse il n'y a pas de monde au lieu où nous vivons. Sans cesse la figure du monde est passée. Sans cesse le langage fait défaut. Sans cesse celle qu'on aime se réduit à un rêve. Sans cesse les souvenirs ne sont que des pierres.
La vie de chacun d'entre nous n'est pas une tentative d'aimer, elle est l'unique essai. C'est pourquoi l'amour se nourrit de marginalité, de silence, de vie secrète, séparée, sacrée.
Lorsque nous passons le temps en faisant de la musique quelque chose dans le temps cesse de passer.
Les femmes ont besoin des hommes afin qu'ils les consolent de quelque chose d'inéluctable.
Ecrire, trouver le mot, c'est éjaculer soudain.
... quelque chose qui n'est pas un objet ne saurait être un projet.
Le plaisir, c'est découvrir avec stupeur le désir perdu corps et bien, la détumescence, l'inexicitabilité, dégoût, langueur, acédie, gêne, sommeil.
Il n'y a pas de différence entre musique et amour : l'écoute d'une émotion authentique égare absolument.
Caton l'Ancien définissait de la sorte l'amour : ce qui fait vivre une âme dans ce qui n'est pas son corps.
Aimer, c'est pouvoir penser tout haut avec un autre être humain. Confier ce qui passe par la tête, c'est comme arracher le voile sur sa nudité et ses états. L'intimité ne se discerne pas de l'extrême franchise. C'est l'indécence même.
La nostalgie est une structure du temps humain qui fait songer au solstice dans le ciel.