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Les ordonnances allemandes, les lois de Vichy, les articles de journaux ne leur accordaient qu'un statut de pestiférés et de droit commun, alors il était légitime qu'ils se conduisent comme des hors-la-loi afin de survivre. C'est leur honneur. Et je les aime pour ça.
Patrick Modiano
Je suis comme toutes celles et ceux nés en 1945, un enfant de la guerre [...] un enfant qui a dû sa naissance au Paris de l'Occupation.
Il y avait même dans les théâtres et les cinémas beaucoup plus de monde qu'avant-guerre, comme si ces lieux étaient des abris où les gens se rassemblaient et se serraient les uns contre les autres pour se rassurer.
L'entreprise autobiographique entraîne de grandes inexactitudes puisque l'on pèche souvent par omission, volontairement ou non.
Marcheret, taciturne, avalait cul sec de grandes rasades de cognac.
L'écriture s'accommode mal de la jeunesse. Ecrire très jeune, c'est être soumis à une tension qu'on ne sait pas manier.
Les événements n'ont pas d'intérêt en eux-mêmes, mais ils sont comme réverbérés par l'imaginaire et la rêverie.
Au moment où vous écrivez les derniers paragraphes, le livre vous témoigne une certaine hostilité dans sa hâte de se libérer de vous.
Je ne peux pas m'empêcher de penser à elle et de sentir un écho de sa présence dans certains quartiers.
On avait imposé des étoiles jaunes à des enfants aux noms polonais, russes, roumains, et qui étaient si parisiens qu'ils se confondaient avec les façades immeubles, les trottoirs, les infinies nuances de gris qui n'existent qu'à Paris.
On est toujours dans son époque, on ne peut pas faire autrement que décrire son époque, même si superficiellement on a l'air de décrire le passé.
Le prix Goncourt, pour moi, c'est un peu comme l'élection de Miss France. Sans avenir. C'est étonnant, mais le prix n'influe absolument pas sur la carrière d'un écrivain. Peut-être parce qu'il couronne plutôt un livre isolé, détaché de tout.
Vous passez par des moments de découragement quand vous rédigez les premières pages d'un roman. Vous avez, chaque jour, l'impression de faire fausse route.
Il est nécessaire que le romancier ne force jamais son lecteur mais l'entraîne imperceptiblement et lui laisse une marge suffisante pour que le livre l'imprègne peu à peu.
Il essayait vainement de se rappeler dans quel livre était écrit que chaque première rencontre est une blessure.
Il faut longtemps pour que resurgisse à la lumière ce qui a été effacé. Des traces subsistent dans des registres et l'on ignore où ils sont cachés et quels gardiens veillent sur eux et si ces gardiens consentiront à vous les montrer.
Sur le point d'achever un livre, il vous semble que celui-ci commence à se détacher de vous et qu'il respire déjà l'air de la liberté.
Apatride, sans raison sociale ni domicile fixe, vous cumuliez de lourds handicaps.
Cette insatisfaction et ce sentiment de quelque chose d'inaccompli vous poussent à écrire le livre suivant pour rétablir l'équilibre, sans que vous y parveniez jamais.
À quelle distance exacte se tient un romancier ? En marge de la vie pour la décrire, car si vous êtes plongé en elle - dans l'action - vous en avez une image confuse.
La notion du vieillissement, du temps qui passe, c'est un truc qu'on n'a pas jusqu'à vingt ans.
Je n'écris pas pour parler de moi ou essayer de me comprendre. Il n'y a aucun désir d'introspection.
Mais, après tout les vraies rencontres sont celles de deux personnes qui ne savent rien l'une de l'autre même dans une chambre d'hôtel.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui la mémoire est beaucoup moins sûre d'elle-même et qu'elle doit lutter sans cesse contre l'amnésie et contre l'oubli.
Trois agents entrent brusquement. Ils vont peut-être nous emmener au dépôt. Cette perspective ne me fait ni chaud ni froid.
Tout cela, c'était notre jeunesse, le matin profond que nous ne retrouverons jamais plus.
Il suffit parfois de rayer deux ou trois mots sur une page pour que tout change.
On oublie, en lisant Tolstoï, qu'Anna Karénine porte des robes de 1870 tant elle nous est proche après un siècle et demi.
Le temps s'est accéléré et avance par saccades, ce qui explique la différence entre les grands massifs romanesques du passé, aux architectures de cathédrales, et les oeuvres discontinues et morcelées d'aujourd'hui.
J'ai souvent l'impression que le livre que je viens de finir n'est pas content, qu'il me rejette parce que je ne l'ai pas abouti.
Il arrive aussi qu'un écrivain du XXIe siècle se sente, par moments, prisonnier de son temps et que la lecture des grands romanciers du XIXe siècle lui inspire une certaine nostalgie.
Je suis persuadé que les écrivains du futur assureront la relève comme l'a fait chaque génération depuis Homère car, l'écrivain exprime toujours dans ses oeuvres quelque chose d'intemporel.
Sous leur regard, la vie courante finit par s'envelopper de mystère.
Rétrospectivement, il me semble que des épisodes de mon enfance ont ressemblé à un roman policier.
Il s'agit souvent pour un romancier d'entraîner toutes les personnes, les paysages, les rues qu'il a pu observer dans une partition musicale où l'on retrouve les mêmes fragments mélodiques d'un livre à l'autre, mais une partition musicale qui lui semblera imparfaite.
Un jour les aînés ne sont plus là. Et il faut malheureusement se résoudre à vivre avec ses contemporains.
Les livres se succèdent et les lecteurs parleront d'une "oeuvre". Mais vous aurez le sentiment qu'il ne s'agissait que d'une longue fuite en avant.
En ce qui concerne le passage dans le nouveau millénaire, c'est comme de franchir une frontière en fraude pour déboucher dans un pays inconnu, sans avoir de carte de séjour.
La "Villa Mektoub" est la dernière habitation sur la gauche, juste à la lisière de la forêt. D'aspect, c'est un compromis entre le bungalow et le pavillon de chasse. Le long de la façade, une véranda...
Un romancier ne peut jamais être son lecteur.
Jusqu'à vingt-cinq ans, on est immortel, enfin on se croit immortel.
Les cafés se succédaient. Derrière les vitres du dernier, quatre jeunes garçons aux coiffures à crans, jouaient au baby-foot.
Je me penche sur ces déclassés, ces marginaux, pour retrouver, à travers eux, l'image fuyante de mon père.
Je suis ému de l'honneur que vous m'avez fait en me décernant ce prix Nobel de Littérature.
Une impression m'a traversé, comme ces lambeaux de rêves fugitifs que vous essayez de saisir au réveil pour reconstituer le rêve entier.
La lâcheté du plus grand nombre m'effraie.
Il m'écouta, sourire en coin mais avec une sollicitude paternelle et voulut bien me prendre dans son service.
Le lecteur en sait plus long sur un livre que son auteur lui même.
C'est émouvant d'avoir des lecteurs. C'est merveilleux, on a l'impression qu'on peut communiquer.
Ce qui nous rend la disparition d'un être plus sensible, ce sont les mots de passe qui existaient entre lui et nous et qui soudain deviennent inutiles et vides.