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Paris transformé le soir, avec les annonces lumineuses, en véritable fête foraine.
Paul Léautaud
On aime moins quand on se sait aimé, comme on se prend à aimer davantage quand on découvre qu'on l'est moins qu'on s'imaginait.
Celui qui meurt pour une idée est un imbécile.
J'aime la femme. Je n'aime pas les femmes.
Je me suis installé définitivement dans le provisoire.
N'en déplaise aux moralistes : les poses les plus licencieuses sont un plaisir non seulement pour les sens, mais encore pour l'esprit.
Les femmes n'attachent aucun prix à l'homme fidèle. Elles n'ont pour lui, dans leur for intérieur, que pitié et raillerie. C'est l'homme qui les trompe (donc homme à succès), qui les intéresse et auquel elles tiennent.
Il y a bien des livres que j'ai lus, moins pour leur contenu, que pour les réflexions, sujet et style, que je savais qu'ils me feraient faire.
Le mensonge compte bien plus que la vérité. La preuve : n'est-il pas répandu à bien plus d'exemplaires ?
Les femmes sont bêtes, les femmes d'esprit encore plus bêtes.
J'avais justement lu le matin, dans le Soir d'hier, une série d'aphorismes de René Wisner qui n'a pas grand talent mais qui a écrit pour une fois dans cette série un mot assez juste : Qu'est-ce que l'économie ? L'art de ne pas vivre.
L'argent n'a pas d'odeur, mais la pauvreté en a une.
Je suis un moraliste à rebours.
Pour être aimé, il faut ne pas aimer ou savoir cacher son amour. C'est une vérité qui n'a pas fini d'être vraie.
Je suis pour les privilèges... Quand ils sont gagnés.
Tout ce qu'on dénomme aujourd'hui littérature, combien c'est léger, superficiel, inutile presque, comparé aux livres de Taine, de Renan.
Je m'amuse à vieillir. C'est une occupation de tous les instants.
L'amour est souvent une partie où chacun des deux joueurs, tour à tour, croit qu'il va perdre et se hâte de corriger son jeu.
Le papier et la femme sont deux choses blanches qui souffrent tout.
Au contraire de tant d'autres, l'habitude est une condition de mon plaisir. Plus j'ai de souvenirs, d'images de mes plaisirs passés, plus grand est mon plaisir du moment.
Il en est en amour comme en toutes choses. Ce qu'on a eu n'est rien, c'est ce qu'on n'a pas qui compte.
Mon esprit aussi cabriole et chahute.
Faire l'amour comme un devoir, écrire comme un métier, des deux côtés : néant.
Il faut de la passion, du parti pris, une sorte d'aveuglement prémédité, de j'm'en fichisme, pour vivre et pour agir, - et pour écrire.
On rit mal des autres, quand on ne sait pas d'abord rire de soi-même.
La plupart des liaisons sont faites de "laissés-pour-compte" qui se rencontrent et trompent ensemble leurs regrets.
J'ai toujours commencé par le désir, le sentiment n'est venu qu'ensuite.
Être grand-père équivaut pour moi à une déchéance. Quand cela arrive à un de mes amis, je romps toutes relations.
Les actrices se croient généralement obligées, dès qu'elles jouent des personnages antiques ou mythologiques, de prendre des poses plastiques, hiératiques, de psalmodier comme des prêtresses. Elles veulent jouer aux vases grecs, et font les cruches.
Quand on n'a plus de cheveux, on trouve les cheveux longs ridicules.
"Lorsque l'enfant paraît...", je prends mon chapeau et je m'en vais.
Pourquoi faire part de nos opinions ? Demain, nous en aurons changé.
Ce vers, de Vigny, je crois, me revenait tantôt : - J'aime la majesté des souffrances humaines. - Où a-t-il vu des souffrances humaines avoir de la majesté ? A ajouter à ce que j'ai dit des choses qu'on écrit parce que cela fait bien.
Un écrivain qui reçoit un prix littéraire est déshonoré.
La seule foi qui me reste, et encore ! c'est la foi dans les Dictionnaires.
Les professeurs sont faits pour les gens qui n'apprendraient rien tout seuls. Le savoir qui compte est celui qu'on se donne soi-même, par curiosité naturelle, passion de savoir.
Premier jour de ma soixante neuvième année. Un chiffre bien agréable en amour. Fichue affaire pour l'âge.
Pour plaire aux femmes, il faut du "coiffeur" et du "commis voyageur" dans l'esprit et dans les manières.
Obsèque de Huysmans. - Convoi sous la pluie. - Un vrai enterrement de naturaliste.
Je n'ai rien vu de grand dans la vie que la cruauté et la bêtise.
Il est curieux que ce soit toujours la femme qui "accorde ses faveurs" à l'homme. Ce n'est pourtant que l'échange de bons procédés.
Nous ne parlons guère de Pascal que pour nous gausser de la sottise de ses annotateurs. Par exemple, Ernest Havet sur : Les rivières sont des chemins qui marchent. "Oui, mais à condition qu'ils aillent où l'on veut aller."
Il paraît qu'il est immoral de parler de soi. Moi, je ne sais guère que parler de moi.
Quelles scènes si on annonçait demain la fin du monde.
Mieux vaut une laide avec de l'esprit. Même dans certaine occupation, l'esprit a son intérêt. L'amour dans la bêtise est un piètre amour.
Rien ne fait mieux écrire que d'écrire sur ce qu'on aime.
Un souffle, une caisse. Un peu de musique d'église. Un trou. Un peu de terre par-dessus. Et bonsoir.
Il semble, pour un écrivain, que chaque page qu'il écrit doive être pour lui une nouvelle leçon dans l'art d'écrire.
Mme Aurel croit me dire une grande injure en m'appelant "crapaud". J'ouvre le dictionnaire : "Crapaud : animal utile qui détruit la vermine."
Cette immense saloperie morale et physique qui s'appelle l'amour... Elle a bien des charmes !