Images
Quelques merveilles sur la mer. Quelques autres, sans doute, sont par le fond, et attendent, cuirassées de moules, le temps que la mer se dessèche.
Paul Valéry
La forme seule conserve les oeuvres de l'esprit.
L'accomplissement de nos désirs ne nous éloigne pas toujours de notre perte.
Il y a quelque chose de plus bête que le remords, c'est le contentement.
Les livres ont les mêmes ennemis que l'homme : le feu, l'humide, les bêtes, le temps ; et leur propre contenu.
... souffrir, c'est donner à quelque chose une attention suprême.
Le malaise actuel me paraît donc être une crise de l'esprit, une crise des esprits et des choses de l'esprit.
Le contenu d'un sentiment semble pouvoir croître ad infinitum - mais sa structure le ramène et le réel (corps et univers) agit comme une pesanteur. L'âme est une tangente.
Obscur se fait nécessairement celui qui ressent très profondément les choses et qui se sent en union intime avec ces choses mêmes. Car la clarté cesse à quelques coudées de la surface.
Les idées sont comme des étincelles ; et celle qu'on attrape ne vaut rien.
On oublie très aisément que, par nécessité de son état, le poète doit être le dernier des hommes à se payer de mots.
Tout homme tend à devenir machine. Habitude, méthode, maîtrise, enfin - cela veut dire machine.
L'histoire justifie ce que l'on veut, n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient des exemples de tout et donne des exemples de tout.
Ce qui obscurcit presque tout c'est le langage - parce qu'il oblige à fixer et qu'il généralise sans qu'on le veuille.
Elle conduit à énoncer des propositions insupportables au sens commun, car elles sont extravagantes dans les formes du langage ordinaire, auxquelles le dit sens est étroitement attaché.
Le "déterministe" nous jure que si l'on savait tout, l'on saurait aussi déduire et prédire la conduite de chacun en toute circonstance, ce qui est assez évident. Le malheur veut que "tout savoir" n'ait aucun sens.
Mythe est toute chose qui est inséparable du langage, et lui emprunte toutes ses vertus sans contrepartie.
Ce qui est simple est toujours faux. Ce qui ne l'est pas est inutilisable.
Le nu n'avait en somme que deux significations dans les esprits : tantôt le symbole du beau et tantôt celui de l'obscène.
Toute discussion se réduit à donner à l'adversaire la couleur d'un sot ou la figure d'une canaille.
C'est un fait infiniment remarquable que l'homme communique avec soi, par les mêmes moyens qu'il communique avec l'autre.
Car justement l'intellection se représente bien par la possibilité de telles et telles propositions - l'impossibilité d'autres - ou encore l'impossibilité de comprendre toutes les propositions que l'on peut matériellement former.
L'imbécile est celui qui ne sait se servir, qui n'a pas l'idée de se servir, de ce qu'il possède. Tout le monde en est là.
... il n'y a que ceux qui ne cherchent rien qui ne rencontrent jamais l'obscurité.
Apprendre à parler c'est apprendre à dégager les sens des mots, des époques où on les a appris - c'est oublier la plupart des relations d'alors. Sans oubli, on n'est que perroquet.
Pense un peu à nous-mêmes ! Roule, vois, ris et cause ! Mais qu'il ne soit que belle chose qui ne te fasse un peu penser à qui vous aime.
Je ressentis toutefois ces événements distincts non comme des accidents ou des phénomènes limités mais comme des symptômes ou des prémisses, comme des faits significatifs...
Les sots croient que plaisanter, c'est ne pas être sérieux, et qu'un jeu de mots n'est pas une réponse. - Pourquoi cette conviction chez eux ? - C'est qu'il est de leur intérêt qu'il en soit ainsi. C'est raison d'Etat, il y va de leur existence.
Mythe est le nom de tout ce qui n'existe et ne subsiste qu'ayant la parole pour cause.
L'art est l'image de la pensée.
Nos contacts avec l'étranger, qu'il soit ami, ennemi ou neutre, ne laissent pas de nous rendre de plus en plus sensibles à notre personnalité française.
Qu'est-ce qu'un moment, - un éclair ? Sinon précisément ce qui accumulé ne saurait composer un temps. L'antipode d'une durée, non son élément.
Tout nous commande, tout nous presse, tout nous prescrit ce que nous avons à faire, et nous prescrit de le faire automatiquement.
L'amour est-il pas dégoûtant avec tous ses jus, ses sueurs, ses baves, et ses chaleurs.
Les mythes sont les âmes de nos actions et de nos amours. Nous ne pouvons agir qu'en nous mouvant vers un fantôme.
Il n'y a point de puissance capable de fonder l'ordre sur la seule contrainte des corps par les corps. Il y faut des forces fictives.
Une sorte d'instinct me faisait être à peu près sourd aux leçons de mes maîtres.
Plaire à soi est orgueil ; aux autres, vanité.
Les exigences d'une stricte prosodie sont l'artifice qui confère au langage naturel les qualités d'une matière résistante, étrangère à notre âme, et comme sourde à nos désirs.
L'amertume vient presque toujours de ne pas recevoir un peu plus que ce que l'on donne. Le sentiment de ne pas faire une bonne affaire.
Qui es-tu ? Je suis ce que je puis.
Certains se font de la poésie une idée si vague qu'ils prennent ce vague pour l'idée même de la poésie.
Le style résulte d'une sensibilité spéciale à l'égard du langage. Cela ne s'acquiert pas ; mais cela se développe.
Plagiaire est celui qui a mal digéré la substance des autres : il en rend les morceaux reconnaissables.
L'instabilité s'impose comme le régime normal de l'époque dans tous les ordres. Mais, par là, la continuité, la durée, le tempérament, la sérénité deviennent, dans cet univers en transformation furieuse, des valeurs du plus haut prix.
Tout crée, excepté celui qui signe et endosse l'oeuvre.
Comme le fruit se fond en jouissance, - Comme en délice il change son absence - Dans une bouche où sa forme se meurt...
L'âme, l'esprit, l'individualité, la pensée, etc. sont des produits encore instables d'une adaptation au fortuit.
Les gestes de l'orateur sont des métaphores.
Quoi d'imprévu pour qui n'a rien prévu ?