Images
Vouloir tout voir et tout savoir sur chacun d'entre nous, c'est tenter de réaliser une véritable "police des images", qui serait à la paix ce que la "guerre des images" est déjà aux derniers conflits internationaux.
Paul Virilio
Lorsqu'on nous dit que nous sommes dans la civilisation de l'image, on commet une erreur : en fait nous sommes dans une civilisation de l'audiovisuel (ou l'audiovisible) c'est-à-dire d'une domination de l'image parlante.
L'image virtuelle, c'est la machine qui voit, qui sent à votre place et vous liquide en tant qu'être actif au profit d'un être passif.
La photographie a ouvert des horizons illimités à la pathologie du progrès, puisqu'elle nous a incités à déléguer à la multitude de nos machines de vision le pouvoir exorbitant de regarder le monde, de le représenter, de le contrôler.
Garde-toi des idoles, marche, danse, écris et lis, mais surtout garde la parole, sinon ce sera demain le "silence des agneaux".
Exhibitionnisme et voyeurisme allant en se renforçant mutuellement, domine alors le fétichisme de l'image optiquement correcte, où le standard des apparences complète et parachève celui de l'opinion publique.
La liberté de choix et d'intelligence en commun est contestée par l'exigence, en tous domaines, de réponses immédiates. Désormais, la vitesse est vraiment devenue notre milieu, nous n'habitons plus la géographie mais le temps mondial.
Avec des nouvelles technologies, ne sommes-nous pas en train d'assister à la disparition inéluctable de l'auteur ou du créateur au profit d'une marque ?
Impossible de séparer vitalité et mortalité... à moins de vouloir créer de toutes pièces une génération de morts-vivants, de zombies, qui seraient aux sociétés futures ce que l'esclave était aux sociétés du passé.
Le silence devient une rareté et une dimension que nous risquons de perdre.
Celui qui se tait a tort ou qu'il l'admet d'office. Ne rien dire est devenu insupportable, vous êtes méprisé sans le savoir.
On se complaît à ne surtout pas envisager les dégâts du progrès.
L'audiovisuel a envahi le monde des arts plastiques exactement comme il est devenu assourdissant dans notre vie quotidienne. Il est temps de s'interroger sur le retour au silence.
Les moyens de télécommunication, non contents de restreindre l'étendue, abolissent aussi toute durée, tout délai de transmission des messages, des images. Comment vivre vraiment "ici" si tout est maintenant ?