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C'est bien la mort des autres, des êtres aimés, pas la nôtre, qui nous ronge et peut nous détruire.
Philippe Claudel
Ce peut être aussi cela l'existence ! Des miracles parfois, de l'or et des rires, et de nouveau l'espoir quand on croit que tout autour de soi n'est que saccage et silence !
La mort décidément pense à tout. Elle sait vivre. Elle épouse le temps, change d'atours. Innove. On la comprend. Elle aussi doit s'ennuyer. Gagner à tous les coups ce n'est pas du jeu.
On dit toujours que la vie est injuste, mais la mort l'est encore davantage, le mourir en tout cas. Certains souffrent et d'autres passent comme dans un soupir. La justice n'est pas de ce monde mais elle n'est pas de l'autre non plus.
Cet homme, c'était comme un miroir, il n'avait pas besoin de dire un seul mot. Et les miroirs ne peuvent que se briser.
Même dans le vide, on a besoin de savoir qu'il y a d'autres hommes qui nous ressemblent.
La chair a ses commandements que le vocabulaire peine à épouser, et le mot incongru avait de lui-même éclos, poussé, grandi dans ma pensée.
Le dialecte, qui est une langue sans en être une, mais qui épouse si parfaitement les peaux, les souffles et les âmes de ceux qui habitent ici.
Je savais, comme lui sans doute, qu'on peut vivre dans les regrets comme dans un pays.
L'idiotie est une maladie qui va bien avec la peur. L'une et l'autre s'engraissent mutuellement, créant une gangrène qui ne demande qu'à se propager.
Le chagrin tue. Très vite. Le sentiment de la faute aussi, chez ceux qui ont un bout de morale.
C'était drôle ce nom de jeune homme qu'il m'avait donné. J'ai même eu envie de sourire. Mais je ne savais plus sourire.
Ca ne tient pas à grand chose le bonheur. Parfois ça tient à un fil, parfois à un bras. La guerre, c'est le monde cul par dessus tête : elle parvient faire d'un amputé le plus heureux des hommes.
Il faut se méfier des réponses, elles ne sont jamais ce qu'on veut qu'elles soient, ne croyez-vous pas ?
La rêverie de l'eau est sans doute celle qui convient le mieux à ma nature inconsistante car je n'ai jamais pu vraiment me saisir entre les doigts.
La poésie ne lui avait été d'aucune utilité pour survivre. La poésie ne connaît pas les chiens. Elle les ignore.
On sait toujours ce que les autres sont pour nous, mais on ne sait jamais ce que nous sommes pour les autres.
Je suis entré dans les draps comme on plonge dans l'oubli. Il m'a semblé alors faire une immense chute.
L'écriture est à la fois une façon d'être dans l'humanité et au plus près de l'humain.
Les frontières ne sont que des coups de crayon sur des cartes. Elles tranchent des mondes mais ne les séparent pas. On peut parfois les oublier aussi vite qu'elles furent tracées.
Les hommes sont bizarres. Ils commettent le pire sans trop se poser de questions, mais ensuite, ils ne peuvent plus vivre avec le souvenir de ce qu'ils ont fait.
La prison présente souvent des destinées à leur point de rupture, à leur carrefour essentiel.
Classe mixte au lycée, mais pour l'Education physique et sportive, les filles sont de leur côté et nous du nôtre. On ne mélange pas la dentelle au gros drap.
Alors même que les hommes redoutent la mort, ils l'envisagent souvent comme une solution à tous leurs problèmes, sans même se rendre compte qu'elle ne résout rien. Absolument rien. Elle n'a pas à résoudre quoi que ce soit. Ce n'est pas son rôle.
Mais on ne commande pas à sa mémoire. On peut juste parfois l'endormir un peu.
La mort brutale prend les belles choses, mais les garde en l'état. C'est là sa vraie grandeur. On ne peut pas lutter contre.
Parfois de grands malheurs sont ramenés par nos semblables à des proportions raisonnables, et les autres ne nous aident jamais tant que lorsqu'ils dégonflent comme des vessies de poissons, nos forts élans de désespoir.
Elle ne devait pas penser à sa fille car on ne songe jamais vraiment aux vivants avec l'intensité qu'ils méritent et que seule leur mort parvient à faire naître en nous. On ne regarde pas les vivants.
C'est toujours simple de regretter après coup ce qui s'est passé. Ça ne mange pas de pain, et ça permet de se laver les mains et la mémoire, à grande eau, pour les rendre pures et blanches.
J'essaie de revenir au plus près de ces moments alors que tout ce que je souhaiterais, c'est les oublier, et puis fuir, fuir très loin, avec des jambes légères et un cerveau tout neuf.
Qu'est-ce donc la vie humaine sinon un collier de blessures que l'on passe autour du cou ?
Et il a soupiré, d'un soupir très las, très triste, un peu à la manière d'un enfant qui tortille un chagrin dans sa gorge.
Dieu, s'il existe encore, est un bien curieux personnage, qui choisit de laisser vivre en toute quiétude des arbres durant des siècles mais qui rend la vie des hommes si brève et si dure.
Le temps me parait un monstre né pour éloigner ceux qui s'aiment, et les faire souffrir infiniment.
La peur n'existait plus là-bas, j'étais très au-delà d'elle. Car la peur appartient encore à la vie.
Toutes les familles possèdent, dit-on, d'épaisses strates de silence tendu, des souffrances engluées dans des secrets cachés bien au fond de belles armoires à linge.
C'est quoi la mort ? Une erreur une maison dans laquelle on s'endort. Un songe un grand oubli. Un vieux malentendu. Un chien très fatigué qui oublie sa douleur en se couchant heureux près d'un feu un beau soir.
Il avait une prédilection pour une anse profonde, ombragée de vieux saules têtards et où trois nappes de nénuphars donnaient à l'eau verte et lente un air de mariage.
Je revenais vers des lieux engourdis, des paysages qui me parlaient au coeur avec l'accent traînant des peines jamais guéries.
La pire des prisons, c'est la mort de son enfant, celle-là, on en sort jamais...
La mémoire est curieuse : elle retient des choses qui ne valent pas trois sous. Pour le reste, tout passe à la grande fosse.
Mais dis-moi, qui est donc le condamné ? Celui qui reste ou celui qui embarque, Jean-Bark ?
On ne comprend jamais rien, ou très peu de choses. Les hommes vivent comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit.
Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c'est pareil. T'es une âme grise, joliment grise, comme nous tous.
Il voit s'éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l'enfant dort.
C'est bien curieux la vie. Sait-on jamais pourquoi nous venons au monde, et pourquoi nous y restons ?
Il y a quantité de choses qui ne sentent rien, mais qui carient les sens, le coeur et l'âme plus sûrement que tous les excréments.
C'est quoi les hommes ? Ce sont des princes des mendiants et des fous. Des artistes et des gueux. Des loups et des agneaux. De très petites choses fragiles et admirables qu'un rien suffit à vaincre. Des montagnes éternelles où naissent les ruisseaux
Après sa mort, tout l'argent est parti à l'Etat : une bien belle veuve, l'Etat, toujours joyeuse et qui ne porte jamais le deuil.
Quand le troupeau a fini par se calmer, il ne faut pas lui donner des raisons de remuer de nouveau.