Images
Il dormait seul pour être uniquement compris par ses rêves.
Philippe Jaffeux
Ses jours étaient de plus en plus clairs depuis que ses pages étaient de moins en moins noires.
Les chiens répondent à nos sifflements parce qu'ils ont déjà été domptés par les oiseaux.
Nous mourons dans l'ignorance car nous avons vécu sans savoir pourquoi nous sommes nés.
La parole l'ennuyait à mourir depuis que le silence était son seul plaisir.
Nul besoin de se refléter dans les miroirs pour pénétrer le pouvoir magique de nos yeux.
Nous dormons dans le noir pour que nos ombres puissent continuer à nous poursuivre.
L'encre ne pesait plus sur ses pages parce que la grâce du vide allégeait son existence.
Nos paroles sont des images parce que nous avons dessiné avant de savoir écrire.
Le propre de l'homme est de se salir au contact d'une parole transparente.
Les nouveau-nés crient dans l'espoir d'effrayer un monde trop vieux pour eux.
Il dessinait le silence avec des lettres afin de voir sa voix.
Ses phrases illisibles étaient enfin émouvantes parce qu'il écrivait avec un ordinateur froid.
Les lettres disent la vérité sur l'écriture depuis que les ordinateurs mentent aux nombres.
Il s'endormait sur l'ombre de son corps pour s'endormir avec son double.
Il s'alimentait avec du silence depuis qu'il mangeait au lieu de parler.
Il éteignait le feu de ses pages blanches avec de l'encre afin d'attiser une écriture absurde.
Son ordinateur était éteint parce que des octets avaient refroidi l'énergie de l'alphabet.
Les lettres sont des notes de musique que nous ne savons pas encore lire.
Il s'épuisait à écrire avec de l'encre rouge pour saigner le papier à blanc.
Les lettres se perdaient dans leur propre corps depuis qu'il écrivait dans le noir.
Son écriture était minuscule parce qu'il voulait sauver son enfance avec des lettres illisibles.
Dieu fut pris au dépourvu à l'instant où nous fumes surpris de pouvoir penser par nous-mêmes.
L'encre nous trompe parce que les pages sont seulement vraies si elles sont blanches.
Son humour était sacré parce que les livres saints ne le faisaient pas rire.
L'écriture était de moins en moins obscure car il regardait les mots de plus en plus près.
Nous confondons notre idiotie avec de l'intelligence depuis que les animaux feignent d'être bêtes.
Les nombres sont illimités car les mots ne seront jamais assez nombreux pour définir l'infini.
L'alphabet est l'ombre du silence parce que la parole est notre seule lumière.
Les ordinateurs nous abêtissent car ils produisent une chaleur inhumaine.
Il perdit sa voix à l'instant où sa pensée devint plus forte que sa parole.
Ses phrases n'avaient plus de points finaux parce qu'il ne se souciait plus du lendemain.