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Il y a quelques années, Rodolphe était fou d'échangisme, il emmenait Emma dans des partouzes parfois exagérément populaires, Emma s'y est intéressée pour faire plaisir à Rodolphe, mais s'est vite ennuyée.
Philippe Sollers
Je ne sais à quoi s'occupent les autres. Je pars de la constatation simple que l'époque est un désespoir pour qui ne s'est pas inventé une vie privée en relief.
L'humain n'aime pas son corps. Il l'adore éventuellement, mais il ne l'aime pas. Et comme il est censé aimer son prochain comme lui-même, s'il n'aime pas son propre corps, il n'aime pas non plus celui de son prochain. Nous voyons ici apparaître le mal souhaité au prochain. Ou comme j'aime dire : on fait de son proche un reproche. L'évangile moderne est : tu détesteras ton prochain comme toi-même.
Rien de plus rare finalement que la volupté consciente. Celui qui sait, ne parle pas. Celui qui parle, ne sait pas.
Les obsédés de la mort sont les ratés de l'amour physique.
Les affaires de désir ont lieu dans le nez : buée, fumée, rosée, ondes, particules, répulsions ou attractions invisibles, odeurs en creux et limaille en l'air.
Dieu est amour (et humour), mais nous passons notre temps à l'alourdir, à le déformer et à l'oublier.
L'âme de Dieu est mathématique, contrapuntique, harmonique et mélodique. Le diable, envieux et furieux, fait beaucoup de bruit autour pour empêcher qu'on l'entende.
A quoi bon raconter aux autres ce qu'ils ne vivent pas et ne sentent pas, puisqu'ils croiront qu'on ne l'a fait que pour les embêter ou les humilier ?
Je n'arrive pas à sentir la faute qu'il y aurait à satisfaire ses passions... En revanche, je perçois très clairement leur inanité.
S'aimer n'importe où, célébrer le n'importe quand n'importe où, est le privilège des amants lucides.
C'est en s'embrassant passionnément, et longtemps, qu'on sait si on est d'accord. Le long et profond baiser, voilà la peinture, voilà l'infilmable.
Entre dépenser du temps et le vivre, il y a un abîme.
La maladie de l'adolescence est de ne pas savoir ce que l'on veut et de le vouloir cependant à tout prix.
Les Evangiles, ce sont quatre romans qui racontent la même chose de façon un peu différente ; c'est l'invention du roman.
Beaucoup de pourquoi au malheur, pas de pourquoi au bonheur.
L'amour est aveugle ? Quelle plaisanterie ! Dans un domaine où tout est regard !
Le roman deviendra ce que quelqu'un sachant écrire écrira de sa liberté.
La vie est un songe, merci de l'avoir rêvée.
Il n'y a pas de bonne société possible - il y en a de moins mauvaises que d'autres, ce qui est tout à fait différent.
Je marche sur un chemin qui ne mène à rien, sauf à des clairières imprévues
Personne ne remarque que nous nous trouvons dans une disposition qui frôle l'inconvenance ou le scandale, alors même que nous avons l'impression qu'elle éclate à tous les regards.
L'homme, s'il ignore la vérité de l'argent, en reste au rêve. Il est exploité par la vérité qu'est l'argent. Pour que l'homme soit, pour qu'il ne soit pas un rêve d'homme, il faut qu'il comprenne qu'il est une valeur métaphysique (je ne dis pas religieuse). Partout où il met de la valeur autre qu'en métaphysique, il est nié par l'argent.
Dieu, au fond, est humour. Amour et humour. Pas d'amour sans humour, et réciproquement.
L'amour est possible entre les mortels. La guerre des sexes est une illusion sociale imposée. Nous sommes en guerre, oui, mais contre ce pouvoir de destruction et de haine.
Un homme averti en vaut deux, une femme trois. C'est une loi.
On se tait beaucoup, preuve qu'on s'entend.
Pour savoir écrire, il faut savoir lire, et pour savoir lire il faut savoir vivre, alors le lecteur sera le lecteur qui vit d'une certaine façon, pas d'une autre, sinon il s'endormira ou il ne verra rien. Mais à supposer qu'il mène la vie, quelle qu'elle soit, qui convient pour se donner le regard de la lecture, alors, il est tout près. C'est un voile très mince. Il peut savoir. Il peut entrer.
On le récite, on le cite, on rêve dessus, on se raconte des histoires avec, on le commente, on y croit, mais, c'est quand même étrange, on ne le lit pas. Et est-ce que le christianisme n'est pas quelque chose qui a refoulé la Bible ?
La fantaisie et la liberté d'imagination ne s'acquièrent pas comme ça, qu'il y faut du temps, de l'obstination, de la sévérité, de la rigueur, des mathématiques, de la raison.
"La passion doit être punie." - Ah oui ? Quel est le con qui a dit ça ?
Aimant Dieu, aimée de Dieu, aimantée par Dieu, choisissant les amants de Dieu, la musique est une réalité magnétique.
Une femme qui tolère votre sommeil fait plus que vous aimer, elle vous pardonne d'exister.
La vérité n'est pas le sol stable, mais le mouvement sans trêve qui détruit tout ce que tu es et tout ce que tu vois.
Gabriel Matzneff est un homme de l'Antiquité qui vit parmi nous avec un certain nombre de masques.
Les gens rient sournoisement de l'amour, ils en rêvent, ils disent le contraire, ils en ont peur, ils rôdent autour.
Même si le lecteur de la rue ne sait pas qui est Hegel, toute sa vie n'en est pas moins influencée par la dialectique.
Toute écriture, qu'elle le veuille ou non, est politique.
Le langage est notre corps et notre air, notre monde et notre pensée, notre perception et notre inconscient même.
Tous les amoureux ont douze ans, d'où la fureur des adultes.
Les hommes demanderont de plus en plus aux machines de leur faire oublier les machines.
"Là où le danger croît, croît aussi ce qui sauve." Il n'y a pas de salut sans danger extrême. Voilà de quoi nous nous sommes un peu trop déshabitués.
Le Diable a appris son catéchisme : chaque chose et chaque individu a son prix, tout doit pouvoir s'acheter ou se vendre.
"Lascia dir le genti", "Laisse dire les gens". "Suis ton chemin et laisse dire les gens." C'est un conseil qu'on peut donner dix fois par jour à dix personnes différentes
L'instant, rien d'autre, la notation pure et simple : une énorme liberté insoupçonnée est là.
Le seul racisme sérieux, en définitive, se passe bien entre femmes et hommes... Tout le reste est bavardage illuminé... Et ce racisme-là se porte à merveille, il monte, il s'épanouit, il fleurit ; c'est le moteur de toujours, la source du mouvement lui-même...
Picasso, comme Manet, comme Goya, comme tous les grands peintres, est une pute. La pute des putes... C'est une déclaration autobiographique...
Luxe, calme... Ce n'est pas si souvent désormais dans ce bas monde, très bas, n'est-ce pas, de plus en plus bas...
N'embêtez pas les humains avec vos idées, votre harcèlement social. Ils veulent simplement vivre, les humains, vivre le temps de vivre, et reproduire la vie pour se sentir vivre ou revivre, et vivre le plus longtemps possible, et même survivre.
Moi je suis pour que l'écrivain pense trop ; trop pour son temps.