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Je connaissais bien François Mitterrand. Trois mois avant l'élection, je l'avais appelé pour lui parler de Coluche : "Il y a dans ce clown et dans son humour post-68 quelque chose de salubre." Mitterrand détestait Mai 68 qui, croyait-il, lui avait fait perdre cinq ans. Salubre ?, me répondit-il. Salubre est un mot des surréalistes et Coluche est effectivement leur descendant.
Pierre Bénichou
Je me suis toujours annoncé et cru sincèrement de gauche. J'ai fait mes débuts dans la presse liée à la gauche.
J'adore la poésie, la littérature et j'adore faire des citations. Je suis "babeleu" cuistre. J'ai une passion folle pour la poésie, mais il s'avère que je suis très grossier. Je peux dire "ma bite" et réciter Le cimetière marin dans un souffle. C'est un peu bluffant. Je pense que les gens se disent que ce n'est pas possible de dire ça, mais que c'est Bénichou.
Je suis meilleur faiseur de journal que journaliste. Je faisais deux trois articles par an, mais ce n'était pas ma spécialité. Je préfère la formation, appeler les gens dans mon bureau et les conseiller. J'étais assez dur en formateur mais en même temps fraternel.
Ruquier ne choisit jamais simplement. Le prédécesseur de Yann Moix, Aymeric Caron, était un chieur total. Je disais à Ruquier qu'il faisait tellement haïr la gauche avec son côté "Saint Juste chez Guy Lux" qu'il faisait plus de voix pour Le Pen que Le Pen lui-même. J'ai dit à Ruquier : "Vire ce con !"
Je suis d'une génération qui était particulièrement idéologique. On est passé par tous les trucs, le communisme, le gauchisme, et tout ça a échoué terriblement. Je pense qu'il faut revenir aux fondamentaux de l'humanisme, aussi bête que cela puisse paraître.
Si vous me demandez de faire mon éloge, ce qui est ridicule, je dirais cela : je sais faire des grosses plaisanteries et parler de choses qui sont difficiles. Je ne laisse pas l'un manger l'autre. J'ai ce plaisir-là. Il n'y a pas de raison que ça s'arrête un jour, c'est mon plaisir. C'est assez paradoxal et je m'y trouve bien.
En décembre 1954, quand l'abbé Pierre a lancé son appel, j'étais en première au lycée à Paris. On était tous allé apporter des chaussettes et des gants. J'avais un copain communiste qui m'a dit qu'il préférait la justice à la charité. Je trouvais la formule formidable : une fois la justice sociale obtenue, plus besoin de charité. Ça m'a beaucoup idéologisé.
Le meilleur ami de mon père était Albert Camus. On était impliqué dans tous les milieux intellectuels en Algérie. J'ai eu une enfance très culturelle. Ce que je sais ou semble savoir, je n'ai aucun mérite, je l'ai appris à la maison.
Coluche était double, totalement schizophrène, bipolaire. "Je cohabite avec une charogne", disait, je crois, sainte Thérèse d'Avila. Coluche cohabitait avec une charogne. Il était le beauf, ce n'était pas un sale con, mais un beauf – à l'époque on disait "poujadiste" –, et aussi un libertaire. Un révolutionnaire. Vulgaire et tendre, autoritaire et généreux.
À 18 ans, je suis rentré au Paris-Presse. J'avais un petit bonheur de style. Ça m'est venu naturellement. C'est la seule chose que je sache faire un peu. Ce n'est pas à 77 ans et demi que je vais faire le modeste, j'étais doué pour ça. À 20 ans j'étais grand reporter à "Jours de France". Je faisais le tour du monde.
Drôle de petit loup qui a toujours peur de se faire bouffer par les grands méchants moutons.
Je pense qu'il faut revenir aux fondamentaux de l'humanisme, aussi bête que cela puisse paraître. Je crois que si on en revenait à cette vision du monde, les choses pourraient avancer beaucoup plus.