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Je crois qu'on doit avoir des faiblesses. Chacun a ses faiblesses, et je n'en ai aucune pour le cinéma. Franchement, il y a une telle production commerciale, qui domine tellement les quelques films qui sont intéressants…
Pierre Boulez
Entre le début du XIXe siècle et aujourd'hui, la différence d'audition est considérable : Beethoven donnait ses quatuors un dimanche matin au-dessus d'un troquet en présence de quelques rares auditeurs, alors qu'aujourd'hui, un quatuor de Beethoven peut se jouer dans une salle de deux mille places. La façon de concevoir et d'écouter la musique n'est plus du tout la même...
Je pense qu'on doit mettre le feu à sa bibliothèque tous les jours, pour qu'ensuite la bibliothèque renaisse comme un phénix de ses cendres, mais sous une forme différente. Pour moi, ce qui est intéressant, c'est justement de ne pas être étouffé par la bibliothèque.
Je pense que les scientifiques sont plus humbles que les artistes, et ont raison de l'être en ce sens qu'ils ne sont jamais sûrs que le système est justifié. Ils le justifient provisoirement. Ils travaillent dans un certain provisoire qui peut le rester pendant très longtemps : par exemple, Newton a été provisoire pendant pas mal de temps, mais ce n'était que du provisoire.
Il faut avoir vis-à-vis de l'oeuvre que l'on écoute, que l'on interprète ou que l'on compose, un respect profond devant l'existence même. Comme si c'était une question de vie ou de mort.
Je dois dire, sans faire preuve de spéciale humilité, que les philosophes m'ont toujours intimidé parce que je n'étais pas très fort en philosophie quand j'étais jeune, et il en est resté des traces… En tout cas, je me suis senti toujours en état d'infériorité.
Ce qui est intéressant en musique, c'est la coupure, c'est-à-dire la notion d'intervalle, de subdivision, de cassure, de trajectoire (non pas la notion de trajectoire directe, mais de trajectoire mêlée à d'autres paramètres comme ceux du temps par exemple).
Il faut aussi rêver sa révolution, pas seulement la construire.
Je pense que nous sommes dans un siècle, non seulement dans la musique du reste, où l'on dispose de capacités d'accumulation de documentation absolument effrayantes. Plus les capacités de documentation croissent (grâce aux moyens technologiques qui sont maintenant à notre disposition), plus on va vers une accumulation auprès de laquelle la bibliothèque d'Alexandrie devait être un enfantillage...
Une culture forte est une culture qui peut se débarrasser de ces antécédents, parfois avec violence. Une culture faible au contraire s'en protège, ce qui me paraît très dangereux.
Pour moi, même les films de gens qu'on élève sur le pavois me paraissent tout à fait incompatibles ou incomparables avec la meilleure littérature du siècle. Je veux dire qu'on n'a jamais eu un Joyce en film : je regrette beaucoup, mais ça n'existe pas pour moi, ou en tout cas, je n'en ai pas vu l'équivalent.
Pour moi, l'inabouti ne s'explique pas par un manque de temps ou de courage, mais il se justifie tout simplement parce qu'il nous satisfait davantage que l'abouti.
Je trouve qu'une civilisation ou, pour parler plus généralement, qu'une culture qui ne sait pas se débarrasser de son passé et qui quelquefois même le tue, est une culture faible, en voie de disparition ou menacée de disparaître.