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L'homme est né méchant. Il ne faut, pour s'en convaincre, qu'examiner un enfant. Son plus grand plaisir est de détruire, et il se venge, sur ses joujoux, du mal que sa faiblesse ne lui permet pas de faire aux individus.
Pigault-Lebrun
Aimons, estimons, honorons les femmes. Nous leur devons l'existence ; elles guident nos premiers pas, elles fout le charme de notre vie, elles consolent notre vieillesse, elles nous aident à mourir.
Vouloir bien connaître les hommes, c'est se préparer des dégoûts. Cette étude doit conduire à l'insensibilité, et même à la misanthropie.
Un homme estimable, une femme vertueuse, unis plutôt par leur bonheur que par leurs sentiments, s'isolent volontiers de la société pour être entièrement l'un à l'autre ; mais ils ne sont pas perdus pour elle : ils peuvent lui servir d'exemple.
Un avare ressemble à Tantale. Ils ont sous les yeux les objets des plus violents désirs. Il leur est impossible à tous deux d'y toucher.
Si une belle femme vous regarde, baissez aussitôt les yeux, parce que c'est par les yeux que commence l'adultère.
La clémence est la plus belle vertu des rois, parce qu'elle fait supposer l'habitude de se vaincre soi-même. Il est beau, il est sublime de pardonner à son ennemi, quand on n'a qu'un mot à dire pour l'écraser.
Quelle humeur peut résister au baiser le plus doux ? La mienne s'évanouit au premier que je reçus.
L'avarice est la passion des petites âmes. Une âme petite n'a jamais de grands vices. Ceux d'un avare sont cachés dans son coffre-fort.
La frivolité et les grandes conceptions ne s'allient pas dans une même tête. Les gens frivoles donnent le ton ; les têtes fortes dominent.
La flatterie ressemble à un arbre qui séduit par sa beauté, et qui ne donne que des fruits pourris.
Le jeu est pour la société, ce que sont les spectacles pour une grande ville. Il y a trois heures dans la journée qu'on pourrait employer plus mal.
Le véritable amour est un penchant naturel, réglé par la raison, justifié par la vertu. Celui-là seul dure autant que le coeur : malheureusement il est très rare.
L'orgueil est un miroir devant lequel nous faisons passer nos actions et celles des autres. Nous avons soin de ternir la glace, quand nous craignons de la trouver trop fidèle.
L'expérience est la seule démonstration qu'on puisse opposer au témoignage des sens. Le raisonnement la contredit quelquefois ; mais lorsque le raisonnement ne prouve pas une erreur, il faut s'en tenir à l'expérience.
La dispute est à l'esprit ce que l'acier est au caillou, dont il tire des étincelles. L'étincelle disparaît ; les arguments s'oublient.
L'artisan occupé n'a pas le loisir d'être ambitieux. Il dort d'un sommeil paisible entre sa femme et ses enfants. Il se lève gaîment pour recommencer sa tâche, et retrouver les jouissances de la veille.
Nous voudrions tous commander. Nous ne nous soucions pas d'obéir, et nous disons tous qu'il faut savoir obéir pour apprendre à commander. Que conclure de cette contradiction ? que l'orgueil nous abuse sur nous mêmes, et double les imperfections d'autrui.
L'entendement est une qualité de l'âme qui lui permet de saisir plusieurs objets à la fois. Il est à l'âme ce que les yeux sont au corps.
La grandeur importune, fatigue, blesse le peuple. Il s'en venge ordinairement par la haine, et croit rapprocher les distances, s'il aie droit d'y joindre le mépris. Beaucoup de grands ne connaissent de la grandeur qu'un fardeau au-dessus de leurs forces.
L'abus de la politesse a substitué le mensonge à la vérité. L'abus des sciences a substitué la bagatelle à la profondeur ; celui des arts utiles a substitué le luxe au bien-être.
L'accueil que l'on fait à quelqu'un est rarement l'expression des sentiments qu'il inspire. La voix, le geste, les yeux, la contenance, démentent souvent ce que la bouche a dit.
Exagérer le mérite de quelqu'un est une ruse du mensonge pour dérober quelque chose à la vérité. Il n'est permis d'exagérer que les bienfaits qu'on a reçus.
Un flatteur est le plus vil des êtres. Fier et rampant, adroit et dissimulé, il ne dit jamais ce qu'il pense, et il a le talent funeste d'ériger les vices en vertus.
Les plaisirs font les liaisons ; l'ambition lie les intrigues ; les goûts et l'intérêt forment les sociétés ; la vertu seule resserre les noeuds de l'amitié.
Les moralistes ressemblent aux chimistes. Ils préparent des remèdes pour les autres, et s'en servent rarement.
Un ami dans la prospérité est un préservatif contre l'ivresse. Dans le malheur, c'est une colonne qui soutient le fardeau qui nous accablerait seuls.
On peut se faire une réputation d'esprit, en cultivant son entendement. Le génie ne veut pas de culture. Elle le gêne, elle l'étouffe. Il brille de son seul éclat, et se montre dès le premier moment ce qu'il sera toujours.
Les gens médiocres copient servilement. Les esprits supérieurs commencent par imiter, et finissent par servir de modèles.
Un péril grave est attaché au rôle de plaisant : c'est de devenir un homme sans conséquence.
Celui qui n'a qu'une sorte d'esprit, dit La Rochefoucauld, n'a point d'esprit. Il est vrai que celui-là ne peut embrasser qu'un objet, ne peut acquérir qu'un talent ; mais souvent il y excelle.
L'exagération tient également de la méchanceté et de la flatterie. Un esprit faux exagère tout, et juge toujours mal. L'esprit de Geoffroi est méchant, flatteur et faux : aussi tombe-t-il dans le discrédit.
La compassion est le moins durable des sentiments qui honorent l'humanité : il fuit avec l'objet qui l'a fait naître.
Rien de si commun que l'esprit, par conséquent rien de moins estimé, et cependant nous courons tous après celui que nous n'avons pas.
Les larmes qui expriment la tendresse, sont à l'amour ce que les pluies d'été sont aux fleurs : elles le nourrissent et le raniment.
Tout ce qui flatte attire. On suit jusqu'à un prédicateur éloquent, non pour faire ce qu'il dira, mais pour l'entendre dire.
L'homme qui s'abandonne à la colère, ne sent pas son avilissement : la passion l'aveugle.
La mollesse est au moins le sommeil des vertus.
L'admiration n'est pas un sentiment, ce n'est qu'une secousse de l'âme.
La langue est un étranger auquel il faut que le coeur serve toujours de guide.
La timidité et la modestie sont loin d'être la même chose. C'est l'orgueil qui rend timide, c'est l'amour-propre qui rend modeste.
La gloire dépend du succès ; le succès dépend du génie et de la conduite. L'orgueil accuse la fortune de ses revers.
L'amitié est la passion des belles âmes. Elle survit à l'amour, parce que les désirs s'envolent avec les grâces, et que l'amitié marche d'un pas égal à côté de la vertu.
Les hommes sont comme les mots, on ne les met pas toujours à leur place. Ils valent trop ou trop peu pour ce à quoi on les emploie.
Les états se forment comme les îles dans la mer, et disparaissent de même.
Quand vous verrez un aveugle marcher seul, cédez lui le haut du pavé : vous le devez, primo par humanité, secundo par prudence ; parce qu'en voulant tâter le mur avec son bâton, il vous le donnera dans les jambes.
Si tous les sots se condamnaient au silence, il y aurait moins de ce qu'on appelle esprit dans la société. Qui en tiendrait lieu ? Le bon sens. La société y perdrait-elle ?
L'homme impétueux est digne de pitié. La morale le corrige moins qu'elle ne le punit. Il passe sa vie à céder à son premier mouvement, à se le reprocher, à se promettre de le réprimer, et à y céder encore.
On ne hait pas celui qu'on méprise. On hait l'homme dont les qualités balancent celles qu'on croit avoir, et dont les prétentions sont en opposition avec celles qu'on a.
On ne voit dans l'esclavage que de la faiblesse ou du désespoir, et dans l'indépendance, que de l'aveuglement et de la férocité. Le désir de l'indépendance est le plus grand ennemi de la liberté : il mène droit à l'esclavage.