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Dire : Un tel est mon ami, et dire vrai, c'est faire à la fois son éloge et celui de son ami. C'est comme si on disait : Un tel et moi sommes vertueux.
Pigault-Lebrun
Tout être veille à sa conservation : c'est l'instinct le plus puissant que nous ayons reçu de la nature. La bravoure est donc une qualité acquise, et les récompenses doivent être en proportion des efforts indispensables pour arriver au mépris de la mort.
L'esprit est le repos du coeur. Il fait quelquefois oublier qu'on aime, et ces heureuses distractions tournent au profit de l'amour.
Le premier sentiment que nous partagions est l'amitié. Elle charme l'enfance, elle double ses plaisirs, elle la console dans ses peines. Que fait-elle de plus, lorsque le jugement l'apprécie, et que le besoin nous la fait rechercher ?
Pas d'homme médiocre qui ne prétende aux grands emplois, et qui n'y parvienne à force de ténacité.
La mémoire fait quelquefois à l'esprit le tour que certains chimistes ont joué à des gens simples. Ceux-ci ont cru avoir fait l'or que les autres avaient glissé dans le creuset.
L'émulation est utile comme certains remèdes extraits des poisons. Fille de l'envie, elle en prend la noirceur, quand elle n'est pas adoucie par l'honnêteté et la délicatesse.
On se croit riche, parce qu'on a beaucoup d'or. Il n'est de richesse réelle, que par l'usage qu'on en fait.
L'expérience n'est pour l'ignorant qu'une lumière vacillante et trompeuse. Le savant seul en profite.
On ne se lasserait pas d'être véritablement heureux ; mais on se lasse de tout ce qu'on a cru être le bonheur. Le désir égare, la jouissance éclaire.
Si une laide vous regarde, baissez aussi les yeux ; parce qu'il n'est pas défendu d'éviter la vue d'une chose désagréable.
Bien des gens craignent la mort, parce qu'ils craignent la douleur : ils ne devraient craindre que d'être malades.
Un trait d'esprit est un météore qui plaît dans l'obscurité. Les éclairs multipliés fatiguent la vue, et on se lasse de trop d'esprit, comme de tout ce qui est affecté.
Parler, pour faire parler un sot et l'humilier, c'est se mettre au-dessous de lui. C'est attaquer un homme nu, armé de pied en cap.
L'ingratitude est un vice double, en ce qu'elle dégrade celui qui en est atteint, et qu'elle ferme le coeur de l'homme bienfaisant.
Les grands hommes ressemblent aux corps célestes : leur influence s'étend partout.
La douceur est aussi souvent l'effet de l'indolence, que celui de la bonté.
Souvent la haine et l'amitié se touchent. La première peut disparaître devant le flambeau de la vérité.
Un importun doit être un sot ou un méchant, pour ne pouvoir ou ne vouloir pas sentir combien il importune.
Quelques hommes d'esprit feraient le charme d'une société nombreuse, s'ils n'avaient pas chacun la prétention de briller exclusivement.
L'esprit de saillie est plus brillant que solide. L'esprit de conduite est plus nécessaire qu'agréable. L'esprit philosophique est bon aux autres et à soi.
La colère est un mouvement de l'âme, aussi impétueux que celui de la compassion est doux. Le premier dégrade l'homme autant que le second l'honore.
La jalousie et le désir entraînent toujours, après eux, une espèce d'indiscrétion, qui se pardonne facilement entre deux personnes qui s'aiment, parce qu'elles en sont également coupables.
L'honneur, dit Montesquieu, est le ressort du gouvernement monarchique, comme la vertu est celui du gouvernement républicain. Tout s'use, tout passe. L'honneur s'éteint ; les vertus disparaissent ; les gouvernements tombent.
Les sots admirent les grands ; le philosophe les juge.
Le bonheur et le repos résultent l'un de l'autre, et ne sont, pour ainsi dire, qu'une même chose ; mais il ne faut pas confondre le repos et l'inaction. Le repos de l'âme est dans un mouvement régulier, que rien ne suspend, que rien ne précipite.
Nous jugeons assez sainement la conduite des autres, et nous ne savons pas nous conduire. Nous leur reprochons amèrement des fautes que nous commettons tous les jours. Nous attribuons leurs revers à leur imprudence, et les nôtres à l'infortune.
Nous cherchons le bonheur, comme un astronome cherche à découvrir une étoile, toujours au-dessus de nous. Insensés, baissons les yeux. Il est à nos pieds, et nous passons sans le voir.
La guerre n'est pas toujours un mal réel pour un état. Elle est quelquefois l'unique remède aux troubles qui le déchirent.
La morale est quelquefois le tyran de l'esprit, et presque toujours l'esclave du coeur.
La société rit d'un fat, le sage le plaint, le sot l'admire.
L'homme caustique n'est pas encore méchant ; mais il n'a plus qu'un pas à faire, et il est difficile qu'il ne le fasse pas tôt ou tard.
La douceur n'attire pas toujours ; mais elle fixe, et l'un vaut bien l'autre.
L'expérience de la vie ne se communique pas. On a dit avec raison : L'expérience des pères est perdue pour les enfants.
L'humilité est une justice que se rend la bassesse. C'est une attitude qu'il faut laisser à qui est assez méprisable pour la prendre. Relever un tel être, c'est réchauffer un serpent.
Tous les hommes devraient être justes, car tous exigent qu'on le soit envers eux. Pourquoi presque tous les hommes sont-ils injustes ? parce qu'ils ont sur les yeux le voile des passions.
Les gens d'esprit ont l'art des détails ; l'homme de génie les dédaigne. Il voit tout en grand, et reste inutile, si les circonstances ne le mettent pas à sa place.
Les armes les plus puissantes de l'amour, celles qui assurent son empire, sont la modestie, la douceur et l'esprit.
Tel écrivain croit passer à la postérité par le grand nombre de ses ouvrages. La Rochefoucauld y est arrivé par ses maximes.
Les larmes ajoutent à la beauté, et la rendent plus touchante. Il est bien doux d'en arrêter le cours, quand on les a fait couler. Il est bien doux de rassurer ce qu'on aime, lorsqu'on n'a que de l'incertitude à détruire.
La politesse a remplacé la cordialité, lorsqu'on a substitué l'apparence aux vertus.
Le bonheur, rigoureusement parlant, n'est pas d'une absolue nécessité. L'absence du mal est un état de médiocrité dans le bonheur, que les gens que l'on croit heureux ne voient pas toujours sans envie.
Ceux qui disent toujours du bien des femmes, ne les connaissent pas assez. Ceux qui en disent toujours du mal, ne les connaissent pas du tout.
Il y a de l'injustice à mépriser un poltron de bonne foi. Il ne mérite aucun ménagement, s'il prend la place d'un brave homme.
Ne dites pas aux hommes : Regardez vos concurrents. Dites-leur : Regardez votre but.
Etudiez votre amant, mesdames ; suivez ses goûts, ses habitudes ; assurez-vous qu'il ait un ami. Celui qui ne connaît pas l'amitié n'est pas digne de vous, car l'amour vrai n'est autre chose que l'amitié, plus le désir.
On est indulgent pour les imperfections qui sont propres à chaque âge ; mais on ne pardonne pas l'humeur chagrine à quinze ans, ni l'étourderie à soixante.
Heureux qui peut longtemps désirer ! heureux qui est jaloux sans blesser les convenances ! Tôt ou tard le désir soutenu conduit au bonheur, et lorsque le sentiment s'émousse, la jalousie le réveille, et donne une vie nouvelle à l'amour.
L'accueil que les grands se font entre eux est une lutte d'athlètes. A forces égales, l'adresse triomphe, et l'orgueil cède quelquefois, en apparence, pour gagner réellement beaucoup.
L'apparence de la vertu est partout ; la chose est rare et, dans le tourbillon où vous êtes lancée, il faut savoir fermer les yeux sur bien des choses.