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La terre qui reçoit la graine est triste. La graine qui va tout risquer est heureuse.
René Char
La quête d'un frère signifie presque toujours la recherche d'un être, notre égal, à qui nous désirons offrir des transcendances dont nous finissons à peine de dégauchir les signes.
Obéissez à vos porcs qui existent. Je me soumets à mes Dieux qui n'existent pas.
Tous ces troubadours mal-aimés - Ont vu blanchir dans un été - Leur doux royaume pessimiste.
Tu parles à un chien, il te regarde avec ses bons yeux. Tu t'adresses à un homme, il te mord.
C'est quand tu es ivre de chagrin que tu n'as plus du chagrin que le cristal.
Les routes qui ne promettent pas le pays de leur destination sont les routes aimées.
On ne se bat bien que pour les causes qu'on modèle soi-même et avec lesquelles on se brûle en s'identifiant.
Ne permettons pas qu'on nous enlève la part de nature que nous renfermons. N'en perdons pas une étamine, n'en cédons pas un gravier d'eau.
Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.
Il y a ceux qui ont bu l'eau de la baignoire de Marat, et nous qui avons frissonné à l'horizon de Saint-Just et de Lénine. Mais Staline est perpétuellement imminent. On conserve avec des égards la mâchoire de Hitler.
La ligne de vol du poème. Elle devrait être sensible à chacun.
La parole dépourvue de sens annonce toujours un bouleversement prochain.
Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat.
Signe ce que tu éclaires, non ce que tu assombris.
Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver.
Merci, et la Mort s'étonne ; - Merci ; la Mort n'insiste pas ; - Merci, c'est le jour qui s'en va ; - Merci simplement à un homme - S'il tient en échec le glas.
On ne peut pas commencer un poème sans une parcelle d'erreur sur soi et sur le monde, sans une paille d'innocence aux premiers mots.
La perte du croyant, c'est de rencontrer son église.
Le poète meurt de l'inspiration comme le vieillard de la vieillesse. La mort est au poète ce que le point final est au manuscrit.
L'éternité n'est guère plus longue que la vie.
Les poèmes sont des bouts d'existence incorruptibles que nous lançons à la gueule répugnante de la mort, mais assez haut pour que, ricochant sur elle, ils tombent dans le monde nominateur de l'unité.
S'il n'y avait sur terre que nous, mon amour, nous serions sans complices et sans alliés. Avant-coureurs candides ou survivants hébétés.
Il est des parcelles de lieux où l'âme rare subitement exulte. Alentour ce n'est qu'espace indifférent. Du sol glacé elle s'élève, déploie tel un chant sa fourrure, pour protéger ce qui la bouleverse, l'ôter de la vue du froid.
L'éclair me dure. La poésie me volera de la mort.
Nous sommes des malades sidéraux incurables auxquels la vie sataniquement donne l'illusion de la santé. Pourquoi ? Pour dépenser la vie et railler la santé ?
La terre feule, les nuits de pariade. Un complot de branches mortes n'y pourrait tenir.
Il semble que l'on naît toujours à mi-chemin du commencement et de la fin du monde. Nous grandissons en révolte ouverte presque aussi furieusement contre ce qui nous entraîne que contre ce qui nous retient.
Les rares moments de liberté sont ceux durant lesquels l'inconscient se fait conscient et le conscient néant (ou verger fou).
Il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière.
Pioche ! enjoignait la virole, Saigne ! répétait le couteau. Et l'on m'arrachait la mémoire, On martyrisait mon chaos.
Les souris de l'enclume. Cette image m'aurait paru charmante autrefois. Elle suggère un essaim d'étincelles décimé en son éclair.
L'esprit du château fort, c'est le pont-levis.
Que notre lit d'amour se prolonge après nous Et dresse sa pénombre dans un regard qui rêve, Oui, cela a de quoi rendre heureux.
Epouse et n'épouse pas ta maison.
Le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir.
Ils refusaient les yeux ouverts ce que d'autres acceptent les yeux fermés.
Les arbres ne se questionnent pas entre eux, mais trop rapprochés, ils font le geste de s'éviter.
Ceux qui regardent souffrir le lion dans sa cage pourrissent dans la mémoire du lion.
Magicien de l'insécurité, le poète n'a que des satisfactions adoptives. Cendre toujours inachevée.
L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant.
Mais qu'est-ce qu'un révolté, Monsieur ? Quand un homme est broyé et qu'il se tait, c'est un individu normal. S'il proteste et réclame son droit, c'est un révolutionnaire !
Les mots savent ce que nous ignorons d'eux.
Si la vie ne pouvait être que du sommeil désappointé.
Nous sommes écartelés entre l'avidité de connaître et le désespoir d'avoir connu. L'aiguillon ne renonce pas à sa cuisson et nous à notre espoir.
Compagnons pathétiques qui murmurez à peine, allez la lampe éteinte et rendez les bijoux. Un mystère nouveau chante dans vos os. Développez votre étrangeté légitime.
L'eau est lourde à un jour de la source.
L'abondant été de l'homme Que celui qui suivit l'établissement par ses soins des premières dénaturations En faisant la part de l'aveuglement.
Les femmes sont amoureuses et les hommes sont solitaires. Ils se volent mutuellement la solitude et l'amour.
Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas un ne devait se rompre. J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du sacrifice.