Images
Dans ce qu'il écrit, chacun défend sa sexualité.
Roland Barthes
Dans la mesure où la photographie est ellipse du langage et condensation de tout un "ineffable" social, elle constitue une arme anti-intellectuelle.
Dans le monde animal, le déclencheur de la mécanique sexuelle n'est pas un individu détaillé, mais seulement une forme, un fétiche coloré (ainsi démarre l'Imaginaire).
Toute désinvolture affirme que seul le silence est efficace.
A chaque instant de la rencontre, je découvre dans l'autre un autre moi-même.
La vie est ainsi faite à coups de petites solitudes.
Tout anti-intellectualisme finit ainsi dans la mort du langage, c'est-à-dire dans la destruction de la sociabilité.
Fading : épreuve douloureuse selon laquelle l'être aimé semble se retirer de tout contact, sans même que cette indifférence énigmatique soit dirigée contre le sujet amoureux ou prononcée au profit de qui que ce soit d'autre, monde ou rival.
Dès qu'elle est proférée, la langue entre au service d'un pouvoir.
Le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire.
Le strip-tease - du moins le strip-tease parisien - est fondé sur une contradiction : désexualiser la femme dans le moment même où on la dénude.
J'observe avec horreur un futur antérieur dont la mort est l'enjeu.
Ecrire c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte, à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté.
Marcher est peut-être - mythologiquement - le geste le plus trivial, donc le plus humain. Tout rêve, toute image idéale, toute promotion sociale suppriment d'abord les jambes, que ce soit par le portrait ou par l'auto.
Le hasard réunit tout d'un coup dans ce café quelques amis : tout un paquet d'affects.
Le sujet amoureux s'angoisse de ce que l'objet aimé répond parcimonieusement, ou ne répond pas, aux paroles qu'il lui adresse.
J'avoue une grande prédilection pour ces numéros d'antipodistes, car le corps y est objectivé en douceur : il n'est pas objet dur et catapulté comme dans la pure acrobatie, mais plutôt substance molle et dense, docile à de très courts mouvements.
Il y a un froid spécial de l'amoureux : frilosité du petit (d'homme, d'animal) qui a besoin de la chaleur maternelle.
L'opinion courante veut toujours que la sexualité soit agressive. Aussi, l'idée d'une sexualité heureuse, douce, sensuelle, jubilatoire, on ne la trouve dans aucun écrit. Où donc la lire ? Dans la peinture, ou mieux encore : dans la couleur.
La littérature ne permet pas de marcher, mais elle permet de respirer.
Le monde n'est pas "irréel" (je pourrais alors le parler : il y a des arts de l'irréel, et des plus grands), mais déréel : le réel en a fui, nulle part, en sorte que je n'ai plus aucun sens (aucun paradigme) à ma disposition.
Qu'est-ce que la théâtralité ? C'est le théâtre moins le texte, c'est une épaisseur de signes et de sensations qui s'édifient sur la scène à partir de l'argument écrit.
On peut appeler Doxologie (mot de Leibniz) toute manière de parler adaptée à l'apparence, à l'opinion ou à la pratique.
L'épisode hypnotique, dit-on, est ordinairement précédé d'un état crépusculaire : le sujet est en quelque sorte vide, disponible, offert sans le savoir au rapt qui va le surprendre.
On peut par là préparer la petite fille à la causalité ménagère, la conditionner à son futur rôle de mère.
Tout refus du langage est une mort.
J'ai en moi deux interlocuteurs affairés à monter le ton, de réplique en réplique, comme dans les anciennes stichomythies : il y a une jouissance de la parole dédoublée, redoublée, menée jusqu'au charivari final (scène de clowns).
Le dictionnaire est une machine à rêver.
Pendant que l'autre parle, j'écoute complètement, en état de conscience totale ; ... c'est la pureté de cette écoute qui m'est douloureuse.
Ne parvenant pasà nommer la spécialité de son désir pour l'être aimé, le sujet amoureux aboutit à ce mot un peu bête : adorable !
Ce que je goûte dans un récit, ce n'est donc pas directement son contenu ni même sa structure, mais plutôt les éraflures que j'impose à sa belle enveloppe.
Dans la rencontre amoureuse, je rebondis sans cesse, je suis léger.
La jalousie est une équation à trois termes permutables (indécidables) : on est toujours jaloux de deux personnes à la fois : je suis jaloux de qui j'aime et de qui l'aime.
Sentiment raisonnable : tout s'arrange - mais rien ne dure. Sentiment amoureux : rien ne s'arrange - et pourtant cela dure.
Bien souvent, c'est par le langage que l'autre s'altère ; il dit un mot différent, et j'entends bruire d'une façon menaçante tout un autre monde, qui est le monde de l'autre.
Mener est l'acte le plus dur, mais aussi le plus inutile ; mener, c'est toujours se sacrifier ; c'est un héroïsme pur.
Le désir est partout ; mais, dans l'état amoureux, il devient ceci, de très spécial : la langueur.
Du temps que ce vêtement était à la pointe de la mode, une firme américaine vantait le bleu délavé de ses jeans : it fades, fades and fades.
Toute l'histoire repose, en dernière instance, sur le corps humain.
Au dire de Freud, un peu de différence mène au racisme. Mais, beaucoup de différences en éloignent irrémédiablement.
L'avant garde n'a jamais été menacée que par une seule force : la conscience politique.
Ce que cache mon langage, mon corps le dit. Mon corps est un enfant entêté, mon langage est un adulte très civilisé...
La photographie littérale introduit au scandale de l'horreur, non à l'horreur elle-même.
La luisance est évidemment un attribut érotique : elle renvoie à l'état d'une matière à la fois incendiée et mouillée, le désir donnant au corps son éclair, l'extase sa radiance, et le plaisir sa lubrification.
Fou n'y puis, sain n'y daigne, névrosé je suis.
Dans la perversion (qui est le régime du plaisir textuel) il n'y a pas de "zones érogènes" (expression au reste assez casse-pieds).
La jouissance passe par l'image : voilà la grande mutation.
Sur le côté, une estrade reçoit les musiciens et les récitants ; leur rôle est d'exprimer le texte (comme on presse un fruit).
La langue, comme performance de tout langage, n'est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire...
Dans le texte, le fading des voix est une bonne chose ; les voix du récit vont, viennent, s'effacent, se chevauchent.