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Il suffit de parler pour devenir un autre.
Roland Topor
J'écrivais des histoires absurdes ou je dessinais, j'inventais d'impérieuses raisons de salir du papier. Au bout d'un certain nombre de feuilles maculées, griffonnées, dactylographiées, raturées, chiffonnées, l'horreur imaginaire faisait pâlir la vraie.
Si tout le monde appuyait fermement du pied droit sur le sol pour freiner, le temps passerait moins vite.
J'ai toujours été frappé par le comportement d'ivrogne des enfants en bas âge : ils bégaient, titubent, trébuchent, passent sans transition du rire aux larmes et réciproquement. Qu'est-ce que ce serait si, en plus, ils buvaient de l'alcool !
La promotion des grands sentiments engraisse les crapules.
Ne plus lire, ne plus entendre de musique, ne plus regarder la télévision ni les affiches dans la rue, cela suppose une force de contradiction peu commune. Tous les moyens sont bons pour prendre les petits poissons comme moi dans les filets dérivants de la culture de consommation.
On ne se lasse pas de célébrer, sur un ton de menace, la fausse loi de la sélection naturelle.
Les rires ajoutés des émissions "comiques" à la télé, on devrait les utiliser partout.
Les mots qui ont la langue trop longue, on les raccourcit.
La connaissance n'est que le premier stade. Le second est l'oubli.
Les bébés sont d'une affligeante banalité. Ils se bornent à pousser des cris incompréhensibles comme s'ils allaient à l'abattoir.
En réalité, cette manie de voleter de livre en livre pour y déguster un paragraphe par-ci, deux lignes par-là, me paraissait plutôt innocente, puisqu'elle me permettait de visiter de multiples univers romanesques sans donner prise aux lois en vigueur chez l'un ou chez l'autre. Je goûte, et hop ! je me dérobe !
Mon capital vie fond plus vite qu'un glaçon dans un verre de vin chaud : il suffit de remplacer un an par un franc pour évaluer le montant de l'addition : cinquante-huit ans, cinquante-huit francs. Les plus riches ont moins de cent francs, cent ans de vie en poche.
Une rupture est toujours douloureuse, au moins permet-elle de sauvegarder l'essentiel : conserver l'estime de l'autre, éviter le pourrissement dû à l'exaspération, raviver le désir qu'on éprouve pour le monde.
Avant de s'attaquer à une huître, mieux vaut évaluer son agressivité du bout de la fourchette. Certaines sont vraiment très méchantes.
- Pourquoi avoir été aussi agressive avec moi depuis le début ? - Mais enfin, vous n'avez jamais compris que je vous aimais ?
Les mots étrangers, sans permis de séjour, on les reconduit à la frontière linguistique. Les clandestins qui demeurent sont férocement exploités.
Il faut s'y prendre tôt pour faire les choses au dernier moment.
On ne rencontre que ceux qu'on a déjà rencontrés.
Qui aime un chat aime tous les chats. Qui aime son chien n'aime pas les autres.
On peut dire ce qu'on veut des visages, ce ne sont pas des états d'âme.
Chaque jour se répéter : Je ne serai plus jamais aussi jeune qu'aujourd'hui.
Je me suis fait dire les lignes de la langue.
Dieu voit tout, entend tout, confond tout.
Quitte à aimer Aime à quitter Quitte à quitter Aime à aimer.
Théâtre et fantasme sont faits l'un pour l'autre.
La nuit venue, on y verra plus clair.
Etymologie : le casier judiciaire des mots.
A force d'entendre parler de moi, je meurs d'envie de me connaître.
Pour fumer moins, embrasser plus. Se méfier des allumeuses et prendre la précaution d'utiliser des filtres.
Il y a des gens qui ont une âme de fonctionnaire, tant pis pour eux.
C'est un bûcheron qui a réussi, à présent il abat des colonnes de marbres.
Une tombola jamais tirée. Chaste.
L'erreur, comme le rire, est le propre de l'homme. Mais infiniment plus créatrice.
Hier je suis sorti. Aujourd'hui je suis resté à la maison. Je n'ai pas vu la différence. Demain j'essaierai autre chose.
Il est également absurde de vivre en perdant de vue le paramètre absolue de la mort que de laisser la pensée de la mort prochaine gâcher mon existence.
On reconnaît les histoires vraies à ce qu'elles n'ont pas de chute.
Don Juan séduit par lui-même ou Narcisse retrouvé.
Les prouesses réalisées par des individus exceptionnels, grâce à leur art et à leur intelligence, tôt ou tard la technologie les rend possibles à tout le monde.
Rien de tel que le vin pour perdre conscience. Un sang nouveau coule dans mes veines, qui a goût de raisin.
Il fait le même temps partout.
À force de meubler mon territoire, d'engranger mes objets de prédilection, j'ai fini par l'encombrer au point de manquer d'espace vital. J'étouffe dans un bunker envahi par le papier.
Qui connaît qui ? Dresser, à l'aide de carnets d'adresses un plan, genre RATP, avec des lignes reliant les personnalités-stations.
Les lèches-culs se croient très malins parce qu'ils ont secrètement inversé leur système digestif : ils chient par la bouche et parlent de l'autre côté.
Les religions sont peu prolixes sur cette question que j'adore : que diable faisait Dieu avant la création ?
Pauvres messieurs auxquels on interdit de fumer leur cigare parce que la fumée risque de réveiller le chat que la demoiselle a dans la gorge !
Par bonheur, il était assuré contre le ridicule. Il a touché un paquet !
Une crotte révèle la présence d'un être vivant. L'étude des excréments en apprend long à son sujet. La merde, première expérience de l'Histoire.
Chaque année, le jury du prix Nobel décide secrètement d'exécuter quelqu'un.
Le malheur est un don de Dieu, il fortifie les uns, réjouit les autres.