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De toute façon, la mort fait de votre visage celui d'un étranger.
Sebastian Barry
Cela vaut toujours la peine de décrire en détail le bonheur, le reste occupe une place si importante dans la vie qu'il est préférable de planter les jalons du bonheur tant que c'est possible.
Personne apprécie un type qui a une lame à la place de la langue.
La fierté, c'est le petit déjeuner des imbéciles.
Sa jeunesse est derrière lui, et maintenant, on dirait un vieillard. C'est un peu comme si on avait un stock de dix visages dans notre vie, et qu'on les enfilait les uns après les autres.
Je voudrais tant dire que j'aimais mon père au point de ne pas pouvoir vivre sans lui, mais un tel aveu se révélerait faux dans la durée. Ceux que nous aimons, ces êtres indispensables, nous sont enlevés. Ces disparitions sont comme un gigantesque morceau de plomb déposé sur l'âme, et cette âme autrefois si légère devient un fardeau secret et dévastateur dans notre coeur.
La mémoire d'un homme contient une centaine de jours, alors qu'il en a vécu des milliers. C'est ainsi. On dispose d'un stock de jours, qu'on dépense comme des ivrognes sans cervelle. C'est pas une critique, juste une constatation.
Vivre, c'est pas juste prendre et agir, c'est aussi réfléchir. Mais mon cerveau est fait pour englober le monde.
Ma vie est comme une plume sur le dos de ma main, Attendant le vent de la mort.
Quand un homme se réveille le jour de ses quarante ans, il peut dire avec certitude que sa jeunesse est derrière lui.
Les enfants peuvent paraître héroïques et immenses à leurs propres yeux alors qu'en réalité, ils sont des petits bouts de rien du tout.
La morale a ses propres guerres civiles et ses propres victimes en leurs temps et lieu.
Un enfant donne beaucoup de travail. Rien n'est aussi pénible et épuisant que de s'occuper d'un jeune enfant, rien.
La volonté humaine. Il faut lui rendre hommage. Je l'ai souvent vue à l'oeuvre. Elle est pas si rare. Et c'est ce qu'il y a de meilleur en nous autres.
Notre peur s'est consumée dans la chaleur de la bataille et métamorphosée en un courage assassin. On est des vauriens célestes qui viennent voler les pommes dans les vergers de Dieu, sans peur, sans la moindre peur, sans une once de peur.
Jouer un rôle, c'est pas que de l'apparence. C'est aussi une magie étrange qui a le pouvoir de changer le destin. À force d'imiter quelque chose, on finit par le devenir.
La vie, c'est qu'une succession de moments difficiles en alternance avec des longues périodes où il se passe rien, à part boire de la chicorée, du whisky et jouer aux cartes. Sans aucune exigence.
Et un homme capable de se montrer gai devant les catastrophes qui allaient l'assaillir, comme les catastrophes le font si souvent, sans grâce ni faveur, est un véritable héros.
Un enfant n'est jamais l'auteur de sa propre histoire. Je pense que tout le monde le sait.
Y a pas un soldat qui a pas dans son coeur meurtri un petit bout de tendresse pour son ennemi, c'est comme ça.
La mémoire, il me faut le croire, si elle est délaissée devient une sorte de pièce remplie de boîtes ou un débarras dans une vieille maison, son contenu est tout mélangé, peut-être pas seulement par négligence mais aussi à force d'y chercher au petit bonheur et, par-dessus le marché, d'y jeter des choses qui n'ont rien à y faire.
On peut être immunisé contre la typhoïde, le tétanos, la variole, la diphtérie, mais jamais contre les souvenirs. Il n'existe pas de vaccin.
Les souvenirs provoquent parfois beaucoup de chagrin, mais une fois qu'ils ont été réveillés vient ensuite une sérénité très étrange. Parce qu'on a planté son drapeau au sommet du chagrin. On l'a escaladé.
Il ne s'est jamais trouvé personne dans une maison de retraite qui n'a pas regardé d'un air dubitatif les autres résidents. Ce sont eux les vieux, ils forment le club dont personne ne veut faire partie. Mais nous ne sommes jamais vieux à nos yeux. Parce que, à la fin du jour, le bateau sur lequel nous naviguons est notre âme, pas notre corps.
Je suis assez vieille pour savoir que le temps qui passe n'est qu'une ruse, une commodité. Tout est encore là, se déploie toujours, se produit toujours. Le passé, le présent et l'avenir, éternellement dans la caboche, comme les brosses, les peignes et les rubans dans un sac à main.
Il est inutile de parler de ce que la mort nous épargne. La mort se rit de tout cela j'en suis sûr. La mort plus que tout autre aspect de la création connaît la valeur de la vie.
C'est une des grâces de la vie maritale que pour une raison magique nous paraissons toujours le même aux yeux de l'autre. Même nos amis n'ont jamais l'air de vieillir. C'est une vraie bénédiction dont je ne me suis jamais douté quand j'étais jeune.
Bill n'est plus. Quel bruit fait le coeur d'une femme de 89 ans quand il se brise ? Sans doute guère plus qu'un silence, certainement à peine plus qu'un petit bruit ténu.
Il faut avoir une bonne dose d'absurde en soi pour s'en sortir dans la vie.
Mais y a pas un soldat qui a pas dans son coeur meurtri un petit bout de tendresse pour son ennemi, c'est comme ça. Peut-être parce qu'on est au même endroit au même moment, et finalement tous victimes du même joueur de bonneteau.
Et allez pas me dire qu'un Irlandais est un modèle de civilisation. C'est peut-être un ange déguisé en diable ou un diable déguisé en ange. Quand on discute avec un Irlandais, on discute en fait avec deux individus.
On nous raconte qu'on est des créatures de Dieu supérieures aux animaux, mais tout homme qui a vécu sait que c'est des conneries.
L'animal humain a fait ses débuts comme une petite chose frétillante dans les mers primitives et il a gagné péniblement la terre accablé de regrets. C'est ce qui nous amène remplis de nostalgie vers la mer.
Mon père disait toujours que le monde recommence avec chaque naissance. Il oubliait de dire qu'il s'achève avec chaque décès.
C'est rare d'avoir du baume au coeur, il faut stocker ces moments pour pas les oublier.