Images
L'unique droit qui reste à un homme n'est-il pas de crever comme il veut...
Stefan Zweig
Cela reste une loi inéluctable de l'histoire : elle défend précisément aux contemporains de reconnaître dès leurs premiers commencements les grands mouvements qui déterminent leur époque.
Mais la raison et la politique suivent rarement le même chemin et ce sont peut-être ces occasions manquées qui donnent à l'histoire son caractère dramatique.
Je savais qu'en ce monde le pauvre est toujours la victime, celui qu'on abaisse et foule aux pieds.
L'Histoire n'aime pas les répétitions.
Tout ce qui montait et s'épanouissait dans mon être ne connaissait que toi, ne savait que rêver de toi et te prendre pour confident.
On ne prête qu'aux riches cette parole du Livre de la Sagesse, tout écrivain peut la reprendre à son compte : On ne se raconte qu'à ceux qui ont beaucoup raconté.
En vieillissant, on cherche sa propre jeunesse et on éprouve des joies stupides à partir de petits souvenirs.
Aucune faute n'est oubliée tant que la conscience s'en souvient.
Un génie et son époque sont comme deux mondes qui, il est vrai, échangent entre eux leurs lumières et leurs ombres, - mais tout en se mouvant dans des sphères différentes, lesquelles se croisent dans leur course circulaire, mais ne s'unissent jamais.
Quand j'ouvrais les yeux dans l'obscurité et que je te sentais à mon côté, je m'étonnais que les étoiles ne fussent pas au-dessus de ma tête, tellement le ciel me semblait proche dans l'ombre, j'ai pleuré de bonheur.
Que me sont des trésors, comparés à la lumière du soleil et à des heures vécues en plein bonheur ?
Rien n'est plus passionné que la vénération d'un jeune homme, rien n'est plus timide, plus féminin, que son inquiète pudeur.
L'homme de lettres doit s'abstenir des femmes, elles lui font perdre son temps, on doit se borner à leur écrire, cela forme le style.
Mieux vaut être oublié que de devenir une marque de fabrique, mieux vaut être peu lu et peu reconnu, mais libre !
C'est toujours dans les lieux où on l'estime, où même on le surestime, que l'artiste se sent le plus à l'aise et le plus stimulé. C'est toujours dans les lieux où il devient essentiel à la vie de tout un peuple que l'art atteint son apogée.
Je trouvais plus honnête qu'une femme suivit librement et passionnément son instinct, au lieu comme c'est généralement le cas, de tromper son mari en fermant les yeux quand elle dort dans ces bras.
La mode de chaque siècle, manifestant aux yeux l'orientation de son goût, en révèle aussi involontairement la morale.
La bonne leçon que l'on doit à un deuil est la suivante : vivre plus fortement, avec plus d'avidité, et se préserver de la luminosité du monde, qui arrête le regard.
Comme il est rare de pouvoir écrire une lettre qui n'ait rien de commercial, de lire un livre qui ne soit pas un pensum, bref : je déteste tout ce qui est public et je ne regrette rien tant que d'avoir écrit sous mon nom : la vraie vie est la double vie.
Le concret, le palpable, est toujours plus accessible à la masse que l'abstrait ; c'est pourquoi en politique, tout mot d'ordre exprimant un antagonisme et dirigé contre une classe, une race, une religion, trouvera toujours plus d'écho que la proclamation d'un idéal qui, lui, est moins commode à saisir.
Mais plus mes relations avec lui devenaient étroites, plus je m'isolais du monde extérieur : en même temps que la chaleur de cette sphère intérieure, je partageais l'isolement glacial de son existence, totalement en marge.
Rien n'existait pour moi que dans la mesure où cela se rapportait à toi ; rien dans mon existence n'avait de sens si cela n'avait pas de lien avec toi.
Je t'attendais, je t'attendais toujours, comme, pendant toute ma destinée, j'ai attendu devant ta vie qui m'étais fermée.
(Il) m'a enseigné deux des choses les plus difficiles de l'existence : d'abord choisir de ne pas se soumettre à la plus grande puissance en ce monde, celle de l'argent, ensuite vivre au milieu de ses semblables sans se faire jamais le moindre ennemi.
Son âme tourmentée ne retient qu'une chose, qu'on l'a dépouillée, qu'elle doit abandonner son moi ailé pour réintégrer une larve amorphe, aveugle, rampante, et que quelque chose est perdu, irrémédiablement perdu.
Tout y est vrai, seul y manque l'essentiel. Il me décrit, mais sans parvenir jusqu'à mon être. Il parle de moi sans révéler ce que je suis.
Ce ne sont pas les morts illustres qui font la valeur d'un pays. Ce sont les gens qui y vivent.
Un homme rend à l'humanité le même service en se gardant intégralement qu'en se donnant tout entier ; en protégeant son moi, il protège une parcelle passagère de vérité humaine contre le torrent de l'évolution.
L'amour ne vit et ne respire que dans la parole.
Etant elle-même beauté, la jeunesse n'a pas besoin de sérénité : dans l'excès de ses forces vives, elle aspire au tragique, et dans sa naïveté, elle se laisse volontiers vampiriser par la mélancolie.
Le souverain, à qui tout appartient, ne s'appartient pas.
Les instants les plus grands sont toujours au-delà du temps.
Les bonnes nouvelles ne vont jamais sans les mauvaises, et dans la mesure où j'avance dans mon travail, tout le reste est accessoire.
Je sentais que sa volonté se préparait à accueillir intérieurement cette suggestion, et tout à coup il s'écria : Eh bien ! essayons. La jeunesse a toujours raison ; qui l'écoute est sage.
... l'âge amortit de façon étrange tous les sentiments.
Elles ne voient plus du tout ce qu'il y a là de laid et de risqué. Elles n'ont plus qu'une pensée : s'emparer de tous les secrets dont on voile leurs regards. Elles écoutent. Mais elles n'entendent que le léger sifflement des mots.
Mais quel instant inoubliable que celui où je me retrouvai dans mon enfer, enfin seul, et cependant en cette précieuse compagnie.
De même que les nerfs réclament une quantité de morphine de plus en plus grande, de même l'âme a besoin de plus en plus de pitié et finalement elle en veut plus qu'on ne peut lui en donner.
On ne reconnaît jamais un phénomène, une individualité, qu'à sa flamme, qu'à sa passion. Car tout esprit vient du sang, toute pensée vient de la passion, toute passion de l'enthousiasme.
(A propos d'un livre) - Tout y est vrai, seul y manque l'essentiel.
Avoir peur, c'est mourir mille fois, c'est pire que la mort.
... l'art monotone de la pêche...
Des confidences sont toujours dangereuses, car un secret communiqué à un étranger le rapproche de vous. On a abandonné quelque chose de soi, on lui a concédé un avantage.
Combien reste impénétrable dans chaque destinée le noyau véritable de l'être, la cellule plastique d'où jaillit toute croissance !
Rien ne trouble plus puissamment quelqu'un que la réalisation subite de son ardent désir.
Comme tout homme très incliné à l'érotisme, il était étincelant, quand il savait qu'il plaisait aux femmes...
... le jeu d'échecs possède cette remarquable propriété de ne pas fatiguer l'esprit et d'augmenter bien plutôt sa souplesse et sa vivacité.
... cet éternel besoin de fabriquer des héros.
Le Brésil ne me fit pas une impression moins forte ; ne me fut pas une promesse moindre. [...] Ici la civilisation créée par l'Europe pouvait se perpétuer et se développer en formes nouvelles et différentes.