Images
Anticyclone : psychotrope atmosphérique guérissant de la dépression.
Sylvain Tesson
Tondre la pelouse, c'est ne pas même donner sa chance à l'herbe.
L'écrivain est le berger des mots. Le paragraphe est leur enclos.
Aube : le soleil fait levier pour soulever le socle de la nuit et y glisser un peu de lumière.
Un arbre solitaire dans la plaine de Beauce agitait sa branche dans le vent pour se signaler.
Le voile de certaines mariées donne une idée des traînées qu'elles furent.
Même amoureux, le serpent a du mal à franchir le pas.
Or en barre, sardines en boîte, fleurs en pot : l'homme est le maton de la nature.
Dans nos époques contemporaines, le héros ne ressemble plus à Ulysse. Deux mille ans de christianisme, récemment converti en philosophie égalitariste, ont porté au pinacle le faible à la place du guerrier. Les sociétés produisent les héros qui leur ressemblent.
Le voyageur connaît l'éternel retour des départs.
J'ai connu un homme tellement arachnophobe qu'il avait peur des plafonds.
Il faut avoir l'âme éteinte pour appeler "nature morte" un bouquet de fleurs couvert d'insectes.
Le Chili : un cigare de quatre mille kilomètres dont le bout incandescent s'appelle la Terre de Feu.
La ville : gueule de bois des hommes ivres de nature.
Usage de la fenêtre : inviter la beauté à entrer et laisser l'inspiration sortir.
L'ermite nie la vocation de la civilisation, en constitue la critique vivante.
Les poissons meurent avec une cuillère en argent dans la bouche.
Longtemps, j'ai cru que les phares appelaient à l'aide.
L'enfer, ce n'est pas les autres, c'est l'éventualité qu'ils arrivent.
Les lacs sibériens remontent pendant l'hiver la couverture des glaces jusque sur le contour des rives.
Une route serpente sensuellement vers l'échancrure d'un col.
Il est bon de n'avoir pas à alimenter une conversation. D'où vient la difficulté de la vie en société ? De cet impératif de trouver toujours quelque chose à dire.
Tout ce qui bouleverse la vie advient fortuitement. Le destin ressemble à ces seaux d'eau posés en équilibre sur la tranche de la porte. On entre dans la pièce, on est trempé. Ainsi va l'existence.
Si Dieu n'aimait pas les enfants, il aurait fait les fraises acides.
Cul sur la selle, pensées au ciel.
La valse viennoise : ce coup de balai sur les parquets cirés.
La couronne mortuaire est un bouquet final.
Je venais de le comprendre : le jardin de l'homme est peuplé de présences. Elles ne nous veulent pas de mal, mais elles nous tiennent à l'oeil. Rien de ce que nous accomplissons n'échappera à leur vigilance. Les bêtes sont des gardiens de square, l'homme y joue au cerceau en se croyant le roi. C'était une découverte. Elle n'était pas désagréable. Je savais désormais que je n'étais pas seul.
Conversation des feuilles dans les arbres : elles parlent du vent - sujet qui les agîte.
J'ai connu de très maigres jeunes filles en fleur qui ne donnaient presque pas d'ombre.
La neige : les éclats brisés du silence céleste.
Je n'ai pas de téléphone portable car je trouve d'une insondable goujaterie d'appeler quelqu'un sans lui en demander au préalable l'autorisation par voie de courrier. Je refuse de répondre au drelin du premier venu.
On dirait que les poules marchent sur des oeufs.
Yourte : bouée de feutre permettant de ne pas se noyer dans l'océan des steppes.
A chaque naissance de baleine, la mer fait une vague.
Une régate de femmes voilées sur le trottoir d'une ville d'Islam.
Mariage : se mettre à deux pour éteindre l'incendie de l'amour.
Calme plat en montagne.
Les statues ont besoin de piedestaux parce qu'elles souffrent d'un complexe d'infériorité.
Lorsque nous embarquons sur les fleuves homériques, résonnent des mots étranges, beaux comme des fleurs oubliées : gloire, courage, bravoure, fougue, destinée, force et honneur. Ils ne sont pas encore interdits par les agents de la novlangue managériale. Cela ne saurait tarder.
Scotch : alcool qui, dans les Glenn, peut devenir adhésif.
Canyons : l'eau s'accroche de toutes ses griffes pour ne pas finir à la mer.
Le jour est le voile que nous jettent les étoiles, lassées qu'on les observe.
La neige tombe en pattes de chats.
Il n'y a jamais un sommet d'où la vue ne soit pas belle.
Dans une vie, le feu roulant de la nouveauté brise les chaînes de la monotonie et donne aux jours leur puissance. L'énergie de l'existence se trouve contenue dans la propre incertitude de son déroulement.
Les champs sont tristes car les paysans ne rendront rien de ce qu'ils ont fauché.
Dans le port de Valparaiso, les destroyers ignorent que l'océan est Pacifique.
L'énergie humaine se nourrit de changement.
Le vent rassemble le troupeau de nuages dont les ombres paissaient sur un champ.