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Un être qui perçoit tout et qui voit tout et qui observe tout, et cela sans interruption, n'est pas aimé, il est plutôt craint.
Thomas Bernhard
Le temps fait toujours de ses témoins des témoins oublieux.
L'humanité est un gigantesque Etat qui, soyons sincères, à chaque réveil nous donne la nausée.
Une tête bien faite est une tête qui cherche les défauts humains et une tête exceptionnelle est une tête qui découvre ces défauts humains et une tête géniale est une tête qui, après les avoir trouvés, attire l'attention sur ces défauts découverts et, avec tous les moyens dont elle dispose, désigne ces défauts.
Je ne me supporte pas moi-même, et, moins encore, une meute de gens comme moi. J'évite la littérature autant que je peux, parce que je m'évite moi-même autant que je peux.
Les hommes que nous voyons sont des victimes de l'Etat, et l'humanité que nous voyons n'est rien d'autre que la mangeaille de l'Etat, donnée à manger à l'Etat qui devient de plus en plus glouton.
Pour le dire clairement, tout n'est que malentendu dès notre naissance et, aussi longtemps que nous existons, nous n'arrivons pas à nous dépêtrer de ces malentendus, nous avons beau nous démener, ça ne sert à rien.
Nous sommes dans l'erreur quand nous croyons être dans la vérité et inversement. L'absurdité est le seul chemin possible.
Quand nous regardons les hommes, nous les voyons tantôt dans leur détresse, tantôt à la recherche de leur détresse. Il n'y a pas d'homme sans la détresse humaine.
Toute l'existence est un éternel essai de mise en bière et d'enterrement.
Quand bien même ils n'ont plus besoin de rien, les vieux sont avares, plus ils deviennent vieux, plus ils deviennent avares.
Nous ne maîtrisons que ce que nous trouvons finalement ridicule, c'est seulement lorsque nous trouvons le monde et la vie qu'on y mène ridicules que nous avançons, il n'y a pas d'autre, pas de meilleure méthode.
La photographie est une falsification sournoise, perverse, toute photographie, peu importe qui photographie, peu importe qui elle représente, est une atteinte absolue à la dignité humaine, une monstrueuse falsification de la nature, une ignoble barbarie.
Il n'avait jamais eu de chez-lui car son chez-lui n'avait toujours été que sa pensée.
Ce qui nous fait vivre, c'est l'hypothèse selon laquelle les problèmes, insurmontables de nuit, sont surmontables de jour. Et c'est pour cette raison que nous pouvons philosopher.
Il n'y a rien à célébrer, rien à condamner, rien à dénoncer, mais il y a beaucoup de choses dérisoires ; tout est dérisoire quand on songe à la mort.
Que deviendrait-on sans la musique, sans Mozart !
Beaucoup se suicident dans leur cinquante et unième année. Car cinquante ans, c'est amplement suffisant.
Chacun de nous passe de longues périodes au cours desquelles il n'existe absolument pas mais se borne à feindre d'exister.
Les femmes se font aussi une idée tout à fait fausse de leur mari, on ne devrait pas se marier, tout simplement. La femme est faite pour le mariage, oui, mais pas l'homme.
Nous ne devons pas nous livrer totalement à l'infirme, capituler devant l'infirme, nous devons nous affirmer face à lui, même si nous devons nous réfugier dans l'abjection.
Publier est une pure folie, un crime de l'esprit, mieux encore, un crime capital contre l'esprit. Oui, nous ne publions que pour satisfaire notre désir de gloire.
L'une des plus grandes absurdités humaines : le lycée.
Le monde, depuis qu'il existe, ne connaît pas plus menteur que celui qui écrit, pas de plus vaniteux et pas de plus menteur.
Les citations me tapent sur les nerfs. Mais nous sommes enfermés dans un monde qui cite en permanence tout ce qu'il est possible de citer, dans une citation permanente qui est le monde même.
La vie est un procès judiciaire : peu importe qui on est et ce qu'on fait, on perd toujours.
Entre la haine et l'admiration presque tous les hommes se détruisent.
Presque tous les enfants ont des parents amers, c'est pourquoi tous les parents ont l'air si amer.
Seul l'imbécile admire, l'intelligent n'admire pas, il respecte, estime, comprend, voilà.
Il nous faut être seul et abandonné de tous, si nous voulons aborder un travail de l'esprit !
Le catholicisme est le grand destructeur de l'âme enfantine, le grand inspirateur de crainte, le grand exterminateur du caractère de l'enfant.
Les soi-disant gens simples ont, comme je l'ai dit, une bonne oreille pour le ton faux, pour l'usage mensonger de la langue.
Passer sous silence n'est pas mensonge.
L'enfance est vite usée, vieillir c'est se rappeler son enfance.
L'homme n'aime pas la liberté, tout le reste est mensonge, l'homme ne sait rien faire de la liberté.
Faire des cadeaux est une habitude épouvantable, naturellement contractée par mauvaise conscience et, très souvent aussi, par la peur commune de la solitude.
À regarder de près, notre vie entière n'a rien été qu'une éphéméride miteuse portant la date des cérémonies, finalement complètement effeuillée.
Il faut être dément pour se suicider.
Chacun veut vivre, personne ne veut être mort, tout le reste est mensonge.
L'artiste, l'écrivain en particulier, qui ne va pas de temps en temps dans un hôpital, donc ne va pas dans un de ces districts de la pensée, décisifs pour sa vie, nécessaires à son existence, se perd avec le temps dans l'insignifiance parce qu'il s'empêtre dans les choses superficielles.
La meilleur méthode pour se délivrer de l'oeuvre d'un écrivain qui, sous quelque rapport que ce soit, ne vous laisse pas en paix, soit qu'on la tienne dans la plus haute estime, soit qu'on la déteste, c'est de faire connaissance de son auteur.
C'est un crime majeur que d'engendrer un être, dont on sait qu'il sera malheureux au moins une fois dans sa vie. Le malheur, même s'il ne dure qu'un instant, c'est le malheur tout entier. Engendrer une solitude parce qu'on ne veut plus être seul, c'est criminel.
Pourquoi, lorsqu'il s'agit des autres, insistons-nous pour ainsi dire toujours d'abord et davantage sur les insuffisances, les défauts, que sur les qualités.
Là où il y a des hommes, il y a toujours l'exsudation indispensable de la volupté !
Ce n'est que lorsque nous avons une notion juste de l'art que nous avons aussi une notion juste de la nature.
Le monde est davantage usé par nous, davantage le monde par nous que nous par le monde.
Avoir, avec les souvenirs, les mêmes relations qu'avec un être humain qu'on congédie de temps en temps pour de nouveau le reprendre dans sa maison avec plus d'amour et de force, c'est ce qui est le plus bienfaisant pour le souvenir et pour nous-mêmes.
Pour pouvoir survivre, il nous faut toujours penser sérieusement des pensées qui ne sont jamais prises au sérieux, pensé-je.
Contempler ou observer, lorsque l'objet de cette contemplation ou de cette observation ne sait pas qu'il est contemplé ou observé, est l'une des plus grandes jouissances.
Notre système d'enseignement est tombé malade au cours des siècles, les jeunes gens qu'on fait entrer de force dans ce système d'enseignement sont condamnés par la maladie de ce système et tombent malades par millions sans qu'on puisse envisager de guérison.