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J'ai été sauvé, et ma femme a été sauvée, par un nazi. J'étais un juif emprisonné avec des juifs. Et c'est un nazi qui m'a sauvé et, plus important, qui a sauvé Misia, à cette époque ma jeune épouse. Alors, même si c'était un nazi, pour moi c'était Jésus-Christ.
Thomas Keneally
Un juif qui représente un potentiel économique est un juif à l'abri.
Une des choses que la Shoah avait apprises à ses survivants - ainsi que l'expérience d'être un Shindlerjude - était une grande flexibilité professionnelle. ils étaient prêt à faire n'importe quoi pourvu que ça leur garantisse un espace où respirer librement sur cette terre.
Dans le climat émotionnel du ghetto, on s'accrochait à ce qu'on voulait croire.
Le spectacle de ces femmes tirant sur les câbles et se piétinant ne l'embarrassait nullement. Ici, comme dans la rue Krakusa, la question était de savoir : qu'est-ce qui pouvait bien mettre les SS dans l'embarras ? Qu'est-ce qui pouvait bien embarrasser Amon Goeth ?
Des millions de personnes à travers l'Europe, les habitants du ghetto de Cracovie, comme tant d'autres, comme Oskar lui-même, durent, à cette époque, ajuster leur vision du monde et se faire à l'ide que Belzec, et d'autres camps semblables, cachés au milieu des forêts polonaises, faisaient désormais partie de leur univers.
L'important dans toute légende, ce n'est pas tellement qu'elle soit vraie ou fausse, que les faits rapportés soient exacts, c'est que l'histoire ait pu basculer à un moment pour devenir plus vraie que la vérité elle-même.
Son débat intérieur était aussi absurde que celui du jeune homme qui se demande s'il doit aller faire une proposition à la fille dont il est éperdument amoureux. Une fois qu'il a pris sa décision, il n'en est pas plus avancé pour autant. Il faut encore passer à l'acte.
Stern affirmait que jusqu'à vingt mille prisonniers juifs avaient été sauvés par l'initiative de Schindler en Moravie.
Les survivants se rappellent cette liste avec une telle émotion que la réalité se brouille. La liste, c'était le bien absolu. C'était la vie. Au-delà de ces quelques feuillets bourrés de noms, il n'y avait plus qu'un trou noir.
Le destin, philosophait papa Schindler, n'était pas un fil qu'on pouvait dérouler indéfiniment. C'était plutôt comme un boomerang qu'on lançait de plus en plus loin jusqu'au jour où il vous revenait en plein sur la tronche.
Tout en aspirant sincèrement à faire fortune, Schindler était un agent de l'Abwehr, le service de renseignement de l'armée allemande, arrangement qui lui permit d'échapper à la conscription.
Les victimes étaient ensuite trimbalés vers des espèces de casemates portant l'inscription salles de douches et d'inhalation sur lesquelles on avait apposé des étoiles de David en bronze. Les SS tentaient de les rassurer, indiquant que pour être entièrement désaffecté, il fallait respirer profondément.
Les wagons à bestiaux devenaient le symbole de leur nouvelle condition.
Le paradoxe est aimé des romanciers. La plupart des écrivains passent leur vie à écrire sur la malice inattendue de la vertu supposée vertueuse, et inattendu dans la soi-disant péché.
Tous ces gens, ceux qu'on emmenait en camion sur la colline comme ceux qui restaient en bas dans leur univers de barbelés, tous étaient condamnés.