Images
Il y a partout autour de lui des vérités qu'il ignore, des évidences qu'il ne soupçonne même pas, et des êtres prédestinés, à qui il n'a pas encore fait attention.
Véronique Olmi
Et le bruit si proche de la mer qui, imperceptiblement par vagues discrètes, se retirait, comme un témoin qui sort à reculons et dont on ne se rendra compte de l'absence que par le silence que cela fait.
Cet homme avec qui elle vit, il est son garde-fou, pensa-t-elle, celui qui la calme. Celui qui la tue.
C'est étrange comme il suffit d'un rien pour qu'une vie se désaccorde, elle aussi, que notre existence, tellement unique, si précieuse, perde son harmonie et sa valeur. Comme si elle était faite d'air, et rien que de cela.
Je suis arrivée trop tard dans ta vie, mais j'y serai jusqu'au bout.
Pour elle, tout était signe, tout était relié, les êtres, les choses, les dates et les lieux, tout se tenait, et parfois à force de se tenir, les signes formaient des entraves et elle avait l'impression d'être bloquée contre un mur.
Ce qu'elle aurait aimé, dans cette solitude qui en augurait une autre, c'est d'entendre la mer. Entendre la mer sans la voir et lui accorder le pouvoir de porter en elle le souffle de tous ceux qu'elle aimait sans le leur dire jamais.
Elle s'est levée et j'ai vu soudain que c'était une femme pleine de précipices, une femme qui luttait parce qu'avoir besoin de l'aide de quelqu'un était pour elle un véritable supplice.
La haine, ça va ça vient, c'est un flux inévitable, un ressac éternel.
Enfant, ce que j'aimais dans les jouets, c'étaient les catalogues. Ils me faisaient rêver à ce que je n'aurai jamais.
Un gros qui s'appelle Enzo Popov, ça fait rire instantanément.
Le souffle de la nuit ne s'adresse pas aux gens sérieux, il vient visiter les cranes fracassés qui laissent passer les courants d'air.
Il était ému depuis toujours par les taches de rousseur que le soleil faisait apparaitre sur son visage, elle ne comprenait pas pourquoi.
J'ai perdu tant de temps à prendre sur moi, que je suis passée par dessus bord.
Maintenant je sais aussi que l'on peut détester chaque être aimé. Par instants. Par douleur.
Il y a ceux qui disent merci et ceux qui se croient généreux, mais dire merci était la vraie générosité.
Et c'est là que j'ai réalisé que plus jamais je ne verrai mes parents ensemble. Plus jamais je ne les verrai côte à côte, plus jamais je n'appellerai en même temps : Papa ! Maman !, comme deux noms collés papamaman, un début de phrase, mon premier mot.
Il est mon amant, mon compagnon, mon ami, tous ces mots qui signifient qu'il n'y a pas d'amour.
Est-ce qu'il y a une douleur à comprendre que notre vie ne dépend que de nous, que nous ne tomberons pas si nous lâchons la main de l'autre, comme ces plantes trop hautes qui s'effondrent sans leur tuteur ?
On a souvent cette impression que les lieux meurent quand on les quitte.
La peur est un envahissement. Avec elle, on est cloué au sol.
Plus tard, j'ai appris ce mot intimité. Presque intimidé. Presque la même douceur, la patience qu'il faut pour y parvenir. Et puis je l'ai perdu sans le savoir, une erreur d'étourderie.
En général les gens m'écoeurent. Ce que je voudrais c'est qu'ils soient comme les mômes : qu'ils aient plus de questions que de réponses, mais c'est souvent l'inverse, où est-ce qu'ils ont appris toutes ces certitudes ?
Où pleurent les gens ? C'est la question que je me pose souvent, bizarre qu'on croise jamais dans la rue des gens en train de chialer. Ils téléphonent beaucoup plus qu'ils pleurent, peut-être qu'on se détesterait moins si on chialait plus.
Parfois l'amour est partagé. Et on peut bâtir son propre monde. Parfois l'amour, les mots mêmes de l'amour, sont impossibles. Et la vie demeure cette traversée idiote, pleine d'horaires et de faux amis. Et même la musique est une cruauté.
Et toujours l'amour est cette possession qui se dérobe.
Le temps se distendait comme dans ces rêves qui disent en quelques minutes plus qu'une journée, plus qu'une vie parfois, qui disent que votre âme est plus vaste que votre vie et que vous la tenez enfermée depuis trop longtemps.
Je vais retrouver le seul homme que j'aie jamais aimé.
Lors de ces week-ends entre amis, à force d'être une personne conciliante et gentille, toujours surgissait en elle à un moment ou un autre l'envie de s'éclipser. Ne plus parler. Ne plus écouter. Ne plus comprendre.
La vie se résume à prendre sur soi, ou pire : faire confiance à l'avenir, et l'avenir est comme Dieu, abstrait et capable de tout.
Puis elle avait traqué les silences, sans les comprendre. Juste pour qu'ils interrompent les phrases, prennent plus d'importance que les discours.
Marcher dans Paris c'est franchir plusieurs frontières, un pont, un boulevard, et tout change, le paysage et les habitants.
Je faisais de la peine à tout le monde, c'est incroyable comme on se sent seule si souvent, chaque jour pour être tout à fait honnête, et comme la moindre de nos décisions pèse sur les autres.
Lucie parle avec ses belles-soeurs, il est simple d'avoir l'air de s'entendre quand on parle entre femmes bien élevées, cela va tout seul, c'est l'art de la conversation.
Tout le monde guette le faux pas, le moment où on va tomber, on marche sur du savon, oui, on a des vies savonnées, c'est ce que je pense.
La mer est le seul lieu où crier de joie est possible sans que personne demande de baisser la voix, peut-être parce que la mer est le seul endroit où chacun de nous se sent pareil au jour où il l'a découverte. Se sent la plupart du temps, un enfant.
Il avait une façon d'être là qui même dans le silence, prenait toute la place.
Je révais d'un amour tourmenté avec un Heathcliff provençal, quelque chose de compliqué qui m'aurait ravagée, laminée, laissée exsangue et assouvie.
La vie est un manque, irrattrapable, et nous demeurons pour toujours inconsolés.
Il suffit parfois d'un rien pour que la vie bascule. Un moment d'inattention au passage clouté. Une grève SNCF. Un nouveau voisin. Une panne d'ascenseur. Une lettre. Un coup de fil dans la nuit.
C'est l'avantage de la foule : on vous y voit et on vous y oublie aussi.
La solitude est à vous, elle vous tient, et on ne sait jamais si c'est une délivrance ou une malédiction. Va-t-elle vous donner des ailes ou vous réduire à une existence de petits pas ? J'étais entre deux mondes. Si libre.