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Croire, c'est s'aider.
Victoria Mas
Les gens sont-ils si faibles qu'ils ont besoin de croyances et d'idoles, qu'ils ont besoin d'un lieu, même, où venir les prier, comme si chez soi, dans sa chambre, n'était pas suffisant ?
Pendant que les aliénées prennent place sur la piste ou sur les banquettes, les invités se relâchent et gloussent, s'esclaffent et crient lorsqu'ils effleurent la manche d'une folle, et si l'on venait à entrer dans cette salle de bal sans en connaître le contexte, on prendrait pour fous et excentriques tous ceux qui, ce soir, ne sont pas censés l'être.
Elle avait du mal à envisager l'existence d'un paradis et d'un enfer éternels - la vie ressemble déjà assez à une condamnation, que cette condamnation se poursuive après la mort paraissait absurde et injuste.
Cette jeune bourgeoise ne lui paraît pas spécialement folle, même si les plus profondes folies ne se voient pas.
Les femmes de la Salpêtrière n'étaient désormais plus des pestiférées dont on cherchait à cacher l'existence, mais des sujets de divertissement que l'on exposait en pleine lumière et sans remords.
Loin d'hystériques qui dansent nu-pieds dans les couloirs froids, seule prédomine ici une lutte muette et quotidienne pour la normalité.
Entre l'asile et la prison, on mettait à la Salpêtrière ce que Paris ne savait pas gérer : les malades et les femmes.
Oui, heureusement que dormir existe, pour ne penser à rien.
Souvent, la vérité ne vaut pas mieux que le mensonge. D'ailleurs, ce n'est pas entre les deux qu'on fait son choix, mais entre leurs conséquences respectives.
Il n'est pas naturel pour l'homme de brouiller les frontières, de remettre en question la fin de la vie, de tenter de communiquer avec l'invisible. Agir de la sorte relève plus de la démence que de la raison.
Ma petite Eugénie. Ta plus grande qualité sera ton plus grand défaut : tu es libre.
La foi inébranlable en une idée mène aux préjugés. Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même.
Libres ou enfermées, en fin de compte, les femmes n'étaient en sécurité nulle part.
C'est un endroit chargé de fantômes, de hurlements et de corps meurtris. Un hôpital où les murs seuls peuvent vous faire devenir folle si vous ne l'étiez pas en arrivant.
Existe-t-il pensée plus consolante que de savoir les proches défunts à vos côtés ? La mort perd en gravité et en fatalité. Et l'existence gagne en valeur et en sens. Il n'y a ni un avant ni un après, mais un tout.
Entre ces murs où l'on attend d'être vue par un médecin, le temps est l'ennemi fondamental. Il fait jaillir les pensées refoulées, rameute les souvenirs, soulève les angoisses, appelle les regrets – et ce temps, dont on ignore s'il prendra un jour fin, est plus redouté que les maux mêmes dont on souffre.
Les concepts chrétiens ne l'ont jamais convaincue ; elle ne niait pas la possibilité d'un Dieu, mais elle préférait croire en elle-même plutôt qu'en une entité abstraite. Elle avait du mal à envisager l'existence d'un paradis et d'un enfer éternels - la vie ressemble déjà à une condamnation, que cette condamnation se poursuive après la mort paraissait absurde et injuste.
Dormir permet de ne plus se préoccuper de ce qu'il s'est passé, et de ne pas s'inquiéter de ce qui est à venir.
La maladie déshumanise ; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains de médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu'un intérêt clinique.
Il existe peu de sentiments plus douloureux que de voir ses parents vieillir. Constater que cette force, jadis incarnée par ces figures que l'on pensait immortelles, vient d'être remplacée par une fragilité irréversible.