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Odile m'a dit, tu ne t'habilles pas maman, tu te couvres de textile.
Yasmina Reza
Est-ce que vieillir consiste à développer une parodie de soi ?
La légèreté est nécessaire, sinon le tragique serait mortel.
Se faire comprendre est une chose impossible. Particulièrement dans le cadre matrimonial où tout vire au tribunal criminel.
On ne se sent pas jeune à trente ans.
Tu as dit modernissime, comme si moderne était le nec plus ultra du compliment. Comme si parlant d'une chose, on ne pouvait pas dire plus haut, plus définitivement haut que moderne.
Quand on rencontre quelqu'un, on ne s'intéresse pas à son état civil. Ni à sa condition sentimentale. Les sentiments sont changeants et mortels. Comme toutes les choses sur terre. Les bêtes meurent. Les plantes. D'une année à l'autre, les cours d'eau ne sont pas les mêmes. Rien ne dure.
Nous vivons dans l'illusion de la répétition, comme le jour qui se lève et se couche. Nous nous levons et nous couchons, croyant répéter le même geste, mais c'est faux.
Le ciel est pour tout le monde. Les hommes traversent le même brouillard.
Je ne regrette que des temps et des lieux ignorés, je suis capable des plus violentes nostalgies pour des espaces où je ne suis allée.
Récemment, je l'ai entendu reprendre à son compte "Les astres inclinent mais ne prédestinent pas." Mon père raffolait de la formule, je l'avais oublié, il y rajoutait de façon quasi menaçante le nom de Ptolémée.
C'est une illusion de croire que l'admiration puisse avoir un prolongement affectif.
On ne peut pas juger, enfant, de l'âge d'un professeur, ils paraissent tous vieux.
Etre heureux, c'est une disposition. Tu ne peux pas être heureux en amour si tu n'as pas une disposition à être heureux.
Avec un portable, le monde entier peut faire intrusion chez vous et entraîner le pire.
Je crois au dieu du carnage. C'est le seul qui gouverne, sans partage, depuis la nuit des temps.
Quand on a un homme dans sa vie, on s'interroge sur des choses idiotes, la tenue du rouge à lèvres, la forme du soutien-gorge, la couleur des cheveux. Ça occupe le temps. C'est gai.
Je suis une femme qui n'aime pas les photos (je n'en prends jamais), qui n'aime aucune image, gaie ou triste, susceptible de réveiller une émotion. Les émotions sont effrayantes. Je voudrais que la vie avance et que tout soit effacé au fur et à mesure.
Je trouve assez minable cette façon silencieuse qu'ont les hommes de vous renvoyer dans le cours du temps. Comme s'il fallait nous rappeler, à toutes fins utiles, que l'existence est discontinue.
La route du bonheur est peut-être la route de l'oubli.
La passion, la douleur, sont des éléments qui contiennent un peu d'absolu, qui font qu'il y a plus que le soi de tous les jours.
L'écriture n'est pas une fin en soi, elle est la nostalgie d'un ravissement.
La guerre est inhérente à l'homme, elle n'est pas à part. L'homme est immaîtrisable.
Tout ce qui est de l'ordre du charnel, du passionnel, du désir est contradictoire avec l'amour. A cause de l'aspect possessif.
On se connaît par coeur. Je lui reproche son amour trop inconditionnel. Il ne me met pas en danger.
C'est merveilleux qu'on ait le rire. C'est comme un joker. Ca marche dans n'importe quel sens.
L'être humain n'est pas loin de se montrer désespérant. Il est toujours attiré par la médiocrité.
J'ai toujours considéré qu'on ne pouvait pas déranger Dieu. On ne peut pas lui parler directement. Il n'a pas le temps de s'intéresser à des cas particuliers. Ou alors à des cas exceptionnellement graves.
On ne devrait jamais laisser ses amis sans surveillance. Il faut toujours surveiller ses amis. Sinon, ils vous échappent.
Certaines nostalgies remontent à la surface sans prévenir. Les êtres changent de nature, comme dans les contes.
Eparpillés dans les personnages, dissimulés dans les pages, à l'insu de tous, on ne sait pas d'où viennent les ordres qu'on donne aux mots.
Le langage ne traduit que l'empêchement de s'exprimer.
Quarante-neuf ans. Tu trouves que c'est un âge pour développer des ambitions d'épanouissement, passion amoureuse et autres imbécillités ?
Les femmes ne prennent pas un amant. Elles s'entichent, elles se font un cinéma. Elles deviennent complètement folles.
Pourquoi suis-je attachée à ce livre et pas elle ? Parce que moi je connais sa valeur dans le temps. Je connais l'extension du livre. Le livre est passé et avenir. (…) Le livre est déjà cruel, il est déjà perte, déjà il raconte un monde envolé. Chaque jour il me blessera davantage. Chaque jour, il me dira que nous ne sommes plus.
Dès qu'on met le pied sur terre, il faut renoncer à toute idée de permanence.
Il en va de la pensée et des sentiments comme de l'ADN. Cette chaîne qui est supposée nous définir en propre et dont les revues nous dessinent volontiers le curieux collier. Les êtres qui nous touchent sont autant d'éléments constitutifs et nous renvoient à d'autres, qui nous renvoient à d'autres, fictifs, réels, aperçus ou aimés la vie durant.
Rien ne fait plus souffrir que d'aimer. Rien. Il faudrait ne pas aimer pour ne pas souffrir.
Seuls comptent les actes.
Le jour où la légèreté m'abandonnera, je pense que je m'abandonnerai aussi.
Les hommes sont d'une fixité totale. C'est nous qui créons le mouvement. On s'épuise à animer l'amour.
Shakespeare disait : Celui qui a le pouvoir de faire du mal et qui s'abstient de l'exercer est un seigneur.
Je voudrais que la vie avance et que tout soit effacé au fur et à mesure.
Le réel, au fond, n'existe qu'en soi. Il est foisonnant mais il foisonne pour rien si vous n'allez pas vous frotter à lui de la manière la plus violente ou la plus amoureuse, ce qui revient au même.
Tu dis qu'ils sont libres de faire ce qu'ils veulent avec leur fils alors que le gosse est un danger public, quand un gosse est un danger public c'est l'affaire de tout le monde...
Les gens n'ont pas de vision de l'existence. Ils n'ont que des opinions.
Lucette était laide, timide, coiffée par une raie centrale et deux barrettes de pauvre, sa voix était rêche. (…) Qui l'eût dit ? Qui eût dit au temps des boulettes de papier, des mains rougeaudes, qu'une femme allait surgir de cette désespérance ?
Les femmes sont séduites par les hommes effroyables, parce que les hommes effroyables se présentent masqués comme au bal. Ils arrivent avec des mandolines et des costumes de fête.
Je ne crois pas aux valeurs qui régissent l'art d'aujourd'hui... La loi du nouveau. La loi de la surprise... La surprise est une chose morte. Morte à peine conçue.
J'ai appris un truc, tu ne peux pas payer le psy par chèque. Freud a dit, il faut que tu sentes les billets qui foutent le camp.